La journée était guidée et commentée avec beaucoup de brio par notre ami Michel Carlat qui en avait été l'organisateur. Rendez-vous était donné à la Chartreuse de Bonnefoy sur la commune du Béage, où Vincent Chambon et sa famille nous faisaient l’honneur de la visite. Parmi les personnalités présentes, on pouvait noter Mme Kraft, épouse du préfet de l'Ardèche, et M. Redon, maire du Béage. Élodie Blanc apportait son concours à Michel pour la visite de la chartreuse.
Située à 1310 m d'altitude - ce qui en fait la plus élevée de l'ordre - dominée par les 1 756 m du Mézenc, la chartreuse de Bonnefoy fut fondée en 1156 sur une terre donnée par Guillaume de Fay, dit « Jourdain », seigneur du Mézenc. Elle fut pillée une première fois le 30 avril 1459 par les routiers. Cent ans plus tard, les guerres de religion faisant rage, le prieur dom Antoine Chamard se mit en état de la fortifier en détruisant, avant 1561, le grand cloître qui ne fut jamais reconstruit. Cela n'empêcha pas la chartreuse d'être prise par traîtrise le 23 août 1569.
Elle échappa à la destruction, mais le prieur fut massacré. En 1606, on construisit une tour ronde au nord-ouest pour soutenir et appuyer l'église et l'ensemble des bâtiments qui menaçaient ruine de tous côtés. En 1622, on note que depuis plus de vingt ans on a commencé à rebâtir la maison. Malheureusement, suite à un incendie général en 1653, tout est à reprendre. Et cela est fait immédiatement, in situ, puisque les couverts sont rétablis en moins de trois mois, avant la tenue du chapitre général en Chartreuse. On reconstruit donc sur place, mais trop rapidement, si bien qu'en 1722 tout est encore à reprendre.
Façade du pavillon d'entrée et maison du prieur |
De gauche à droite, MM. Jean-Paul Roche, maire de Usclades et Rieutord, Guy Delubac, président de la Sauvegarde, Michel Carlat, historien, organisateur de la sortie. |
On a en 1723 le compte de la reconstruction à neuf du devant de l'église que l'on reconstruit de 1721 à 1724 dans le goût du jour. Le petit cloître s'étant écroulé avant/ou en 1728 est repris par les fondements et on le rebâtit de 1728 à 1730. En 1733, on exécute un escalier de pierre réclamé en 1724. Tout cela constitue un vaste chantier inachevé à la Révolution, ce qui fait que, le 26 avril 1790, le P.V. d'inventaire de la chartreuse précise que : « [...] cette maison de Bonnefoy ne peut loger que neuf religieux, le reste de la maison n'étant pas fini de bâtir ». Il est trop tard, les religieux sont dispersés, les bâtiments vendus comme bien national. Ils seront dépecés dans les années 1840, les pierres vendues, jusqu'au portail de l'église. On a peine à se l'imaginer aujourd'hui au vu de ses ruines.
Seuls le portique d'entrée, le clocher de l'église et surtout le bâtiment du prieur restent en place. À l'intérieur, belles boiseries d'époque Louis XIV, la cellule du prieur, son alcôve et son passe-plat et la bibliothèque qui a conservé ses rayonnages mais pas ses livres.
Des travaux de restauration ont été entrepris en 2004, avec notamment le concours de la Sauvegarde. Ils comporteront plusieurs tranches ; la première, actuellement achevée, a porté sur la réfection du mur ouest de l'église.
Travaux de restauration du mur occidental de l'église
Ferme de La Besse |
De Bonnefoy, nous nous rendons à la ferme-auberge de La Besse à Rieutord où nous attend un apéritif suivi d’un excellent repas. Si l’ensemble des bâtiments est un bon exemple d'architecture du XVIIIe siècle, une construction est en place bien avant 1400 et des liens semblent exister avec l'abbaye de Mazan toute proche.
La maison actuelle est l’œuvre de la « dynastie » des Teyssier qui, de 1635 à 1800, règne sans partage sur le domaine. C'est un Teyssier qui fit construire la salle voûtée à la cheminée monumentale dont la clef porte la date de 1690. Mais ce n'est que 100 ans plus tard, entre 1771 et 1790, qu'à la suite d'un incendie (?), le dernier des Teyssier donnera à La Besse son aspect actuel. Et si la date initiale de 1690 a été supplantée par celle encadrée de 1787, c'est que cette dernière concerne la construction de la charpente actuelle en carène de vaisseau renversée dont les participants ont pu admirer la superbe unité. Sans aucun doute, le projet en remonte à 1781, date figurant à l'ouest sur l'arceau du portail de la fenière, amorce de la charpente de la grange couverte en lauses, s'appuyant au nord sur le mur du queyrat : le logis des maîtres.
Jusqu'à cette date de 1790, ornant la clef du porche qui permet l'accès à la
cour intérieure pavée - disposition originale rarement rencontrée
en Montagne - définissant l'importance et la position sociale du domaine.
Il fallait quand même un bel aplomb à ce Jean-Teyssier-la-Besse,
ultime bâtisseur de la lignée, pour graver un an après
la Révolution ses initiales encadrant une superbe fleur de lys de France... À sa
mort en 1800, il laisse la place à une nouvelle « dynastie »,
celle des Méjean, dont descendent les propriétaires actuels,
maintenant une tradition culinaire sans faille.
La visite terminée, la caravane s'arrête quelques instants à l’église de Rieutord dont la restauration a fait l'objet de l'aide de la Sauvegarde, avant de parvenir à la Clastre de Sainte-Eulalie au toit de genêt, classée monument historique.
L'église de Rieutord, restaurée avec le concours de la Sauvegarde |
La ferme de Clastre à Sainte-Eulalie |
Bretèche sur la façade de la ferme de Disonenche |
D'après une expertise dendrochronologique du laboratoire Archéolabs, l'état actuel de ce bâtiment correspond à un édifice de 1573 dont le plancher a été remanié fortement en 1738-1740, puis en 1766-1769, ainsi que la totalité de la charpente avec, en 1862-1863, un agrandissement à l'ouest de deux fermes de charpente correspondant à l'installation de logis à couverture de lauses.
La journée est écourtée par un bel orage ayant attendu pour éclater que la centaine de membres de l'association ait parcouru à pied les 150 mètres séparant la route de la ferme de Disonenches, commune des Sagnes-et-Goudoulet, où nous attendait son propriétaire, Olivier Eysseric. Cette demeure, fief originel de la famille Méjean établie à La Besse, se caractérisant par une belle façade avec bretèche, dont la grange fut couverte d'un toit en lauses en 1787, domine un magnifique paysage sur Sainte-Eulalie, la Loire naissante, le Suc de Bauzon... dont elle est l'arrière sentinelle.
Michel Carlat