Bien que situé « à vol d’oiseau » à quelques centaines de mètres seulement du grand axe de circulation qu’est la RN 102 Aubenas - le Puy, le petit village de Lavillatte reste bien ignoré. Il étage ses quelques maisons sur le flanc abrupt de la vallée de l’Espezonnette, à mi-hauteur entre la rivière et le plateau où court la grand’ route. Ce côté de la vallée, bien exposé au midi, est couvert de prés parsemés de quelques bois, tandis qu’en face s’étend une belle forêt de sapins. De la petite route qui y descend en pente raide, on a bientôt une jolie vue sur le centre du village qui regroupe autour d’une petite place, la mairie, l’église, le cimetière et une grosse ferme.
Lavillatte était le siège d’une commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. C’était une propriété des Chartreux, cédée aux Hospitaliers en 1231. Lavillatte formait alors avec les maisons de Devesset, Saint-Jean-de-Trignan, Pailhès, Grozon et Saint-Georges d’Annonay un « magistère » dont le siège était à Devesset et qui dépendait du Grand Prieuré d’Auvergne. En 1313, le commandeur était Aymon de Montlaur. Ultérieurement, Lavillatte fut rattachée au Grand Prieuré de Saint-Gilles-du-Gard, probablement lors de la réorganisation qui a suivi la dévolution aux Hospitaliers des biens des Templiers, au début du XIVe siècle. Au XVIIIe siècle, le compte-rendu d’une visite canonique, dont nous aurons l’occasion de reparler, confirme ce rattachement, Lavillatte dépendant alors de la commanderie de Palhers en Gévaudan qui était elle-même un des membres du Grand Prieuré de Saint-Gilles. (Dans certains ouvrages, il y a manifestement confusion entre Pailhès en Vivarais (commune de La-Chapelle-sous-Chanéac) et Palhers en Gévaudan près de Marvejols.)
De petites dimensions, l’église Saint-Jean-Baptiste est construite en tuf volcanique et en granit. La façade ouest, prolongée par un clocher-peigne encore pourvu de ses trois belles cloches, est contrebutée par deux larges contreforts qui lui donnent une forme trapézoïdale peu commune. C’est dans cette façade que s’ouvre le petit portail, d’une grande simplicité, dont les proportions et le décor attestent une origine romane. Une simple voussure s’appuie sur deux petites colonnes en granit coiffées d’un chapiteau en tuf décoré de motifs géométriques et de feuilles plates. On remarque que ces colonnes ont un fût légèrement galbé et que l’astragale fait partie de celui-ci et non du chapiteau ; cette particularité peut faire penser à un remploi antique pour ces colonnes, mais il ne faut pas non plus oublier qu’une telle disposition a été d’emploi courant dans le Velay voisin jusqu’au Moyen – Âge. Au-dessus de la porte, une fenêtre éclaire la nef. Dans le contrefort nord s’ouvrait une autre porte, maintenant murée, mais pourvue d’une belle grille en fer forgé ; c’était autrefois l’accès au cimetière, qui a été condamné pour permettre la construction d’un vaste caveau de famille
La nef unique est formée de trois travées, dont une travée de chœur plus courte. Elle est rythmée par des arcs doubleaux légèrement brisés, ce qui laisse penser à une construction plutôt tardive. Ces arcs s’appuient sur des colonnes tronquées. Les chapiteaux présentent un décor de style roman, formé de crosses et de feuilles d’eau, sans doute de la fin du XIIe siècle. Bien qu’assez détérioré, cet ensemble ne manque pas d’intérêt ; on remarque en particulier les arcs doubleaux en pierre volcanique brun foncé qui se détachent sur les voûtes. L’abside est polygonale, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il faut enfin signaler, côté sud, la trace d’une porte murée.
« Dans l’église, pavée et voûtée, du côté de l’évangile et dans l’enfoncement du mur, sont de suite trois tombeaux en forme de mausolée et plus bas sont placés les fonts baptismaux. » Ainsi s’exprimait le rédacteur du compte-rendu de la visite canonique de 1763. Ces enfeus existent toujours et l’un d’eux présente un décor sculpté très usé, mais où l’on distingue encore un blason et une croix aux branches égales évasées ; c’est là un des rares témoins de la présence en ces lieux des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. |
Sur le même mur, nous remarquons une curieuse tête sculptée en relief qui de face semble être celle d’un homme et de côté celle d’un mouton.
Jouxtant l’église sur son flanc nord, le petit cimetière contient d’autres souvenirs des Hospitaliers ; il s’agit d’abord d’une très vieille pierre tombale de lave sombre, en bâtière, sur laquelle est sculptée une croix prolongée par une épée. Le dessin de la croix est le même que sur l’enfeu dans l’église, c’est-à-dire une croix de Malte simplifiée, sans les huit pointes, symbole que l’on trouve encore gravé sur une croix, visiblement très ancienne, qui se dresse au centre du cimetière.
NB - Depuis la rédaction de ce texte, la pierre tombale a été mise à l'abri dans l'église.
Pierre tombale d'un hospitalier et vieille croix de pierre ornée de la Croix de Malte |