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ROCHEMAURE

VISITES DE LA SAUVEGARDE À ROCHEMAURE

- Sur Rochemaure, voir aussi : De châteaux en églises sur le Coiron.

- Bibliographie.


La Société de Sauvegarde s'est rendue à plusieurs reprises à Rochemaure, ceci dès 1957, car la chapelle Notre-Dame des Anges, qui était à l'époque en fort piteux état, fut un des premiers monuments auxquels l'association s'intéressa et sa contribution à la remise en état de cet édifice fut déterminante.
Par la suite, elle intervint aussi pour la restauration du donjon et de la tour du Guast ; enfin, tout récemment, elle apporta une contribution pour celle d'un four à pain.

Les textes ci-dessous permettent de suivre cette action, notamment en faveur de N.-D. des Anges.

Visite du 7 avril 1957

Ancienne église Notre-Dame des Anges.

Abandonnée depuis cent ans, ouverte à tous vents, cette église avec son campanile ruiné, dont les travées du xive siècle ont été très augmentées au xviie, souffre d'un abandon affligeant. La végétation envahit murailles et toitures et un programme important de premiers travaux, dépassant deux millions, s’y accomplirait utilement. Les possibilités plus modestes de la Société de Sauvegarde assureraient néanmoins, selon M. Granger-Veyron, architecte dont les avis autorisés sont précieux, un premier échelon de travaux, réalisables pour 700 000 F environ, dont 500 000 F du Conseil général et le solde des Amis du Vieux Rochemaure.


Visite du 10 mai 1958

Notre-Dame des Anges

.

Quelle joie de voir ces murs consolidés et un peu d'ordre mis dans ces tombes ! Les marches devront être reculées afin de dégager l'entrée, de créer un terre-plein. Un fameux travail a déjà été accompli. Mais il faut encore rouvrir la fenêtre absidiale, maintenant murée, et accomplir divers petits travaux intérieurs. La Société des Amis du Vieux Rochemaure fera faire tout cela durant l'été, pour permettre une réouverture intermittente au culte, en novembre si possible.

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Visite du 3 avril 1965

[...] Il est tard et la dispersion commence, mais une partie de la caravane, sur le chemin du retour, aura à cœur de monter, par une route étroite et sinueuse, jusqu'au vieux Rochemaure ; l'impossibilité de tourner, en voiture, obligera de monter jusqu'à l'antique chapelle Saint-Laurent, sur le plateau d'où la vue est magnifique sur le Rhône et les ruines du village-haut. Elle abrite des sépultures de nobles familles, mais est surtout célèbre par son carré magique, pierre découverte au siècle dernier dans un ravin voisin et scellée dans le mur de la chapelle. L'interprétation de cette inscription est encore abondamment discutée.

C'est dans la chapelle N.-D. des Anges, à mi-pente, que les derniers fidèles vont se retrouver. L'extérieur et la toiture ont été magnifiquement restaurés à la diligence de la Société des Amis du Vieux Rochemaure et de la Société de Sauvegarde, qui ont su susciter de généreux concours. C'est à sa restauration intérieure que nous devons maintenant nous attacher. Elle en vaut la peine, et ce n'est pas sans émotion que nous avons pu faire découvrir, parmi les innombrables graffiti qui souillent ses vénérables murs, un émouvant sonnet, témoin des impressions d'une âme sensible, il y a probablement longtemps, et que les travaux de réfection des murs vont bientôt faire disparaître. Il se trouve sur l'un des piédroits de la porte latérale. Les éraflures du crépi rendent quelques mots difficilement lisibles, mais voici cependant le texte de ce sonnet, tel qu'ont pu le reconstituer Mlle Désenfant et M. Oisel, et qui constitue une mélancolique conclusion à cette belle journée :

chapelle  ND des Anges

Chapelle N.-D. des Anges

Une église, un enclos jonché d'iris ; des tombes,
    Et, sentinelle obscure aux bornes du silence,
    Doigt levé qu'on dirait d'attente, d'espérance,
    Un cyprès ; quelquefois des vols las de colombes.

En bas, dans le remous des orges et des blés,
    La plaine bourdonnante, et le labeur humain,
    Le fleuve, impétueux et rapide chemin,
    Le travail de la terre et de l'homme, accouplés.

Ah, dérouler ainsi toute son âpre vie,
    Jour à jour, fil à fil, croyant qu'on sait, qu'on prie,
    Qu'on attend, qu'on espère, agir, lutter, souffrir,

Puis quand descend d'en haut le geste de se taire,
    Sans tourner son regard vers les hommes, mourir,
    Pour venir s'allonger, les yeux clos, sous la terre.

Eugénie de Nery

 

 

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Visite du 7 novembre 1965

Les travaux de restauration intérieure de l'ancienne église N.-D. des Anges à Rochemaure étant assez avancés, nous avons pensé célébrer une sorte de centenaire pour cet édifice qui servit au culte paroissial jusqu'en 1865, époque à laquelle son état de délabrement servit de prétexte à son abandon en faveur d'un nouvel édifice construit plus bas, en bordure de la route nationale.

Un temps exceptionnellement beau favorisa l'afflux de nos très nombreux invités et des populations des localités rhodaniennes voisines. La télévision a même permis - quoique trop brièvement au gré de beaucoup - de rayonner un aperçu de la cérémonie qui a marqué la résurrection de cet antique sanctuaire.

Plus antique encore est le site de Rochemaure dont, dans une conférence préliminaire à laquelle nous empruntons de larges extraits, voulut bien nous entretenir l'érudit Abbé Amaud, alors que l'église était déjà pleine, bien avant l'arrivée des invités officiels.

Dès la Préhistoire, on trouve, au pied du volcan de Chenavari, d'importants ateliers de silex taillés pour la confection d'armes et d'outils primitifs. Ces gisements fournirent ensuite l'armée française en pierres à fusil, industrie que les efforts de désarmement (à moins que ce ne soit l'invention d'autres armes) a fait péricliter.
La période gallo-romaine voit se développer, dans la plaine, la station des Fonts de Collarion (aujourd'hui le pittoresque quartier des Fontaines, au nord, en bordure de la N 86), village de nautes du Rhône et de passeurs assurant la communication avec Ancône, sur l'autre rive. On y a trouvé des stèles funéraires, aujourd'hui conservées dans une collection privée, à Montélimar.

Rochemaure : Vestiges de la chapelle Saint-Laurent

Vestiges de la chapelle Saint-Laurent (en 2005)

Plus haut, sur le replat, avant le Chenavari, s'édifie à une date incertaine - sans doute entre le ve et le viiie siècle - la chapelle Saint-Laurent, dont la nef, à la voûte effondrée, subsiste encore avec les tombeaux de la famille Privat. Une petite abside close présente la célèbre inscription, dite « carré magique », découverte dans le lit d'un torrent voisin et enclavée au-dessus de la porte d'entrée. Son interprétation demeure une énigme au sujet de laquelle l'Abbé Arnaud a énoncé diverses hypothèses*.
*Au sujet du carré magique, voir ci-dessous.

Le rebord de ce plateau est soutenu par d'énormes dykes basaltiques, dont le plus grand supporte les ruines considérables du château et d'un petit village qui formaient l'extrémité d'un vaste périmètre de remparts, encore en grande partie debout, descendant jusqu'au village médian dominé par un donjon plus petit, la Tour du Guast (ou de Pampelonne). C'est là que se trouve la vieille église ; tout cet ensemble, dont les parties les plus anciennes remonteraient au xe siècle, est classé monument historique.

La construction de ces lieux fortifiés fut le fait des Adhémar, puissante famille dont les principaux fiefs, en Dauphiné, étaient Montélimar (Montilium Adhemari), la Garde-Adhémar et Grignan et en Vivarais, Rochemaure et Alba. Le plus illustre représentant de cette famille fut sans doute Adhémar de Monteil, évêque du Puy, qui dispensa les secours spirituels aux troupes de la première croisade (on l'appellerait aujourd'hui un « aumônier militaire ») et périt au siège d'Antioche. Il est l'auteur du célèbre chant du Salve Regina, que divers pays, notamment la Corse jadis, adoptèrent comme hymne national.
On suit les possesseurs de la seigneurie de Rochemaure : les Lévis-Ventadour, les Rohan-Soubise, etc. jusqu'en 1789. Parmi leurs vassaux, on note les Chansiergues, les Pampelonne, les Hilaire de Joviac, les Terrasson de Fougères, dont les descendants habitent toujours Rochemaure ou la région rhodanienne.

C'est vers la fin du xiie siècle, ou au début du xiiie, que fut édifiée l'église N.-D. des Anges, qui resta église paroissiale jusqu'en 1869. Initialement, sa structure s'apparentait à celle de l'église Saint-Laurent : une seule nef avec les sépultures des Adhémar. Au cours des guerres civiles du xvie siècle, le clocher fut abattu pour faire écrouler deux travées de la nef (on distingue encore les amorces des nervures des croisées d'ogives), mais le chœur subsista presque intact.
On reconstruisit par la suite le gracieux campanile à deux grandes arcades et une plus petite, en réemployant d'anciens matériaux, parmi lesquels on retrouva deux têtes, où une interprétation fantaisiste de Francus voudrait voir Isis et Osiris. Il s'agit bien plus vraisemblablement de deux débris provenant de gisants de tombeaux ou d'anciens corbeaux de soutien d'une corniche. Peu de personnes semblent avoir remarqué un sujet grotesque, de facture très archaïque, enchâssé latéralement dans le campanile. Vers la même époque, diverses familles firent édifier, des deux côtés de la nef, les six chapelles qu'on y voit aujourd'hui, affectées à leurs sépultures (les curés étaient enterrés devant le maître-autel).

chapelle  ND des Anges

Chapelle N.-D. des Anges

La plus ancienne est la seconde, du côté nord ; une inscription, récemment rétablie, rappelle que les Chansiergues y sont inhumés depuis 1440. Les traces de peintures murales, badigeonnées à la Révolution, se distinguent encore dans la partie non encore restaurée : première travée de la nef, avec ses deux chapelles latérales, ce qui permet, par comparaison avec le reste, de mesurer l'ampleur et la qualité du travail accompli.
C'est autant sans doute le délabrement de l'ensemble que la désertion progressive du village supérieur, qui motiva l'abandon de N.-D. des Anges comme lieu de culte paroissial, voici un siècle.

Beaucoup d'entre nous ont connu l'aspect lamentable de ce vaste vaisseau, ouvert à tous les vents, dépouillé de la plus grande partie de son mobilier, rongé par l'humidité, le lierre et la végétation folle, les tombes ouvertes et profanées, servant de réceptacle aux détritus du cimetière voisin, mais attirant cependant les visiteurs par le charme romantique du site, belvédère admirable sur la plaine du Rhône, fourmillante de vie.
Il y a dix ans, les promoteurs de la Société de Sauvegarde inscrivirent à leur programme divers projets qui furent plus ou moins rapidement menés à bien. Le plus important fut sans conteste celui qui visait à redonner la vie à ces ruines, au cours de plusieurs campagnes successives qui permirent leur dégagement de la gangue végétale, la consolidation des voûtes et de l'appareil extérieur de maçonnerie, la réfection du toit avec des tuiles anciennes récupérées par la C.N.R. lors de démolitions exigées par le percement du canal.
Puis on s'attaqua au sol qui fut recouvert d'un dallage rustique en belles lauzes, les sépultures nettoyées et les dalles funéraires remises en place, ainsi qu'un autel de bois peint du xviiie siècle, lequel avait pu, avec quelques autres objets mobiliers, être mis à l'abri en temps utile. Le ravalement des murs du chœur et des deux chapelles  latérales nord met en valeur la robustesse des arcatures et de la croisée d'ogives subsistantes.

Œuvre collective entreprise dans la tradition des bâtisseurs du Moyen Âge : animateurs provoquant des dons importants, recueillis et administrés par la Société des Amis du Vieux Rochemaure ; intérêt porté par le Conseil général, prélevant en sa faveur une part notable du crédit d'entretien des monuments ; concours bénévoles d'artisans locaux. L'un d'eux a réalisé une excellente restauration des vantaux du porche de la façade et réparé habilement une belle croix de bois doré ; le ferronnier du village a forgé, avec cet amour du travail bien fait de nos deux artisans, les ferrures de présentation d'un ensemble d'objets d'art, mobilier liturgique récemment découvert, délaissé ou ignoré dans un capharnaüm, derrière le chœur de l'église actuelle. Il comprend une collection extraordinaire de bâtons de pénitents (les ruines d'une chapelle de Pénitents se voient encore au vieux Rochemaure), des lanternes processionnelles, des croix processionnelles en bois doré, et même deux autres en argent massif dont la beauté justifie une prochaine demande de classement, des reliquaires, des statues en bois doré du xviiie siècle, la plus belle étant celle d'une Vierge à l’enfant qui a retrouvé sa place au-dessus de l'autel, en parfaite harmonie d'éclat et de proportions. Un très ancien inventaire, retrouvé dans les archives de l'église, a permis de constater que cet ensemble était presque complet. Il a suffi d'un faible apport d'objets de la paroisse pour achever d'orner le cadre liturgique de la cérémonie.

 

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Visite du 22 octobre 1988

[...] Regroupement à la chapelle Notre-Dame des Anges. M. Robert Saint-Jean en rappelle brièvement l'historique et surtout narre l'extraordinaire « sauvetage » de ce monument.
Probablement édifiée au début du xiiie siècle, cette chapelle à nef unique abrite les sépultures des Adhémar, seigneurs du lieu, et celles des seigneurs qui succédèrent à cette famille. Au cours des guerres civiles du xvie siècle, le clocher fut abattu pour faire écrouler deux travées de la nef mais le choeur fut épargné. L'édifice fut rapidement reconstruit ainsi que son campanile. Les six chapelles latérales furent alors élevées par diverses familles et, au xviie siècle, N.-D. des Anges devint église paroissiale et ce jusqu'à ce qu'en 1865 une autre église fût construite près de la route nationale. Abandonné depuis cette date, cet édifice se dégrade et en 1957 se trouve pratiquement ruiné, ouvert à tous les vents. Les murs et le toit sont envahis par la végétation, les tombes sont ouvertes et la chapelle sert de réceptacle à tous les détritus. M. Pierre Vallette-Viallard, alors président de la Sauvegarde, et Mme Vallette-Viallard, M. l'abbé Arnaud, M. Granger-Veyron et la Sauvegarde ainsi que les Amis du Vieux Rochemaure décident de mobiliser toutes les énergies et de sauver cette chapelle. Mme Vallette-Viallard sonne à toutes les portes pour obtenir les sommes et les matériaux nécessaires : Conseil général, Compagnie nationale du Rhône, entreprises régionales, etc. L'association des Amis de Rochemaure recueille les dons, les artisans locaux oeuvrent bénévolement : c'est une extraordinaire conjonction de bonnes volontés, une œuvre collective dans la tradition des bâtisseurs du Moyen Âge.

En 1958, les arbres ont été arrachés, le cimetière nettoyé, les tombes refermées et, au cours des huit campagnes qui se succéderont jusqu'en 1965, tous les travaux envisagés seront menés à bien : consolidation des voûtes et de la maçonnerie extérieure, toit refait avec des tuiles anciennes récupérées par la CNR, le sol de la chapelle refait en lauzes, les dalles funéraires remises en place, enfin une partie du mobilier transféré de la chapelle des Pénitents de Rochemaure (abandonnée) à N.-D. des Anges. La croix du cimetière datant du xvie siècle est installée à l'intérieur ; une Vierge à l'Enfant placée au-dessus de l'autel. Tout est prêt pour la réunion solennelle du 7 novembre 1965 qui rassemble tous ceux qui ont participé à cette oeuvre ; Mgr Boissy, vicaire général de l'évêché, célèbre une messe solennelle : Notre-Dame des Anges a retrouvé sa dignité.

Les principaux artisans de cette réussite remarquable ont aujourd'hui disparu : M. et Mme Vallette-Viallard reposent désormais dans cette chapelle, M. l'abbé Arnaud et M. Granger-Veyron nous ont quittés. Ils ont sauvé cette antique chapelle et ce site admirable : ne les oublions pas. [...] 

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Visite du 21 novembre 2004

Lorsqu’on arrive à Rochemaure par la RN 86, que l’on vienne du nord ou du sud, on ne peut qu’être frappé par la masse noire de l’immense dyke qui s’étire au sommet de la pente dominant la rive droite du Rhône ; sa crête supporte les ruines d’un vaste ensemble castral dont la visite est au programme de notre matinée.

Rochemaure : Vue générale

Nous nous retrouvons environ 65 personnes rassemblées sur le parking derrière l’église actuelle, autour du Dr Lecerf, adjoint au maire, chargé de la culture, qui a bien voulu nous accueillir à Rochemaure et être notre guide tout au long de la visite. Daniel Bouix, président de l’association Les Amis de Joviac, nous a également fait l’amitié de nous accompagner et de nous faire bénéficier de ses connaissances sur l’histoire de Rochemaure. Un temps superbe nous promet une journée aussi sympathique qu’enrichissante.

Sans perdre de temps, nous prenons la route étroite et sinueuse qui, rapidement, nous conduit de l’altitude 66 m au bord du fleuve à 210 m environ, au niveau du parking supérieur. Cette route, construite en 1899, traverse à deux reprises le rempart crénelé qui descend jusqu’au village médian.

Rochemaure : tour du Gaast, chapelle N.-D. des Anges et ensemble castral

1 : Tour du Guast     2 : Chapelle N.-D. des Anges      3 : Ensemble castral

Un peu d’histoire

Le dyke de Rochemaure, formé il y a sept millions d’années, marque la dernière avancée du plateau volcanique du Coiron. Sa position dominante au-dessus de la vallée du Rhône en fit certainement de tout temps un lieu stratégique. Les gallo-romains avaient créé une station balnéaire au pied du rocher, où se trouve de nos jours le quartier des Fontaines. Le donjon aurait été construit entre 1120 et 1140 par un fils ou petit-fils de Hugues Adhémar de Monteil, seigneur de Montélimar, dont le frère fut évêque du Puy et chef spirituel de la première croisade. Au siècle suivant, furent construits la maison seigneuriale et des remparts, à savoir la grande enceinte au nord du donjon qui enserre le village de la Fare et la maison seigneuriale, ainsi que deux murs crénelés descendant l’un du château, l’autre du village jusqu’au Rhône.
Il faut savoir que celui-ci s’étendait alors jusqu’au niveau de l’actuelle RN 86. Ces remparts, ainsi que les tours qui les flanquent, ayant bénéficié de travaux de restauration, sont en bon état, mais les murs crénelés descendent moins bas qu’autrefois. La tour la plus importante est la tour du Guast, qui pourrait remonter au Xe siècle et dont le propriétaire actuel est encore un membre de la famille de Pampelonne ; construite sur un dyke basaltique, elle constitue elle-même un second château, bien que moins important que le château principal. Sa position permettait un contrôle effectif du Rhône. C’est près d’elle qu’est implantée la chapelle Notre-Dame des Anges.
La suite des propriétaires successifs du château est complexe. Nous citerons seulement les Adhémar de Monteil jusqu’en 1359, les Levis-Ventadour jusqu’en 1694, les Rohan-Soubise jusqu’en 1784, les Garnier des Hières jusqu’en 1912, enfin les Massin de Miraval jusqu’en 1974, date à laquelle le château fut cédé à la commune pour un franc symbolique. Il faut noter qu’en 1630, le château fut abandonné ; en effet, en 1598, le nouveau gouverneur Jacques d’Hilaire préféra faire construire le château de Joviac plutôt que d’habiter le « vieux nid d’aigle ». Son fils, nommé à son tour gouverneur, revint à Rochemaure jusqu’à sa mort en 1630. Il en fut le dernier résident. En 1730, le propriétaire, qui était le prince Hercule de Rohan, fit vendre la toiture pour couvrir une grange… Ainsi commença la ruine des bâtiments.

Visite de l’ensemble castral

Lorsqu’on quitte le parking, on atteint d’abord le village de la Fare en suivant un chemin pentu qui longe des roches volcaniques supportant une portion de l’enceinte dont fait partie la tour de Bise.

Rochemaure : quartier de la Fare

Dans le village de la Fare, avec la statue de sainte Marthe

On pénètre dans le village par une porte ancienne, élargie à l’époque moderne ; c’est le plus vieux quartier de Rochemaure qui, en ruine, a été parfaitement restauré. Ses maisons sont à nouveau habitées. C’est une succession de passages voûtés et de ruelles sinueuses ; on remarque un four à pain, plus loin une statue de sainte Marthe, patronne de la ville, et même un mûrier ; par endroits, la vue sur le Rhône est superbe.
Franchissant maintenant la grille marquant l’entrée du château, on voit à droite le four banal, en haut de quelques marches et, sur notre gauche, nous longeons des vestiges de l’ensemble castral. Ceux-ci se dressent sur un rocher formé de prismes basaltiques dont nos amis géologues nous font remarquer la disposition, à 45 degrés de l’horizontale par endroits, complètement horizontaux ailleurs, ceci s’expliquant par le fait que ces prismes croissent toujours perpendiculairement à leur socle.

Le donjon, un des plus anciens de la vallée du Rhône, s’érige encore majestueux avec ses quarante mètres de hauteur. Il est construit en moellons de basalte noir, les chaînages d’angle seuls étant en calcaire clair, plus facile à tailler. Il est formé d’une base carrée datant du début du xiie siècle, surmontée d’une tour polygonale, telle qu’on les construisait vers la fin de ce même siècle. Sur son rocher abrupt, il n’a jamais été pris. Comme c’était généralement le cas, le donjon ne comportait pas d’ouverture à sa base ; on y pénétrait par une porte ouverte au premier étage par une échelle facile à retirer en cas de danger. De nos jours, un escalier intérieur, construit pour faciliter l’accès des visiteurs, permet d’atteindre la terrasse située au pied de la tour polygonale.
On a de là une vue splendide sur la vallée du Rhône et sur l’extrémité du massif du Coiron, avec notamment le volcan du Chenavari qui culmine à 508 mètres.

Vestiges de l'ensemble castral

Vestiges de l'ensemble castral

Vestiges de l'enceinte

Vestiges de l'enceinte

Pendant ce temps, ceux d’entre-nous qui n’étaient pas montés au donjon restèrent sur une terrasse au soleil, où ils bénéficièrent d’intéressantes explications de Daniel Bouix qui leur détailla les éléments du paysage observé vers l’est.

D’abord une ancienne filature, fermée depuis 1934, qui a conservé ses deux cheminées, puis l’ancien pont suspendu de Rochemaure, construit suivant la technique mise au point par Marc Seguin, ensuite l’emplacement de la voie romaine d’Antonin le Pieux, dont le tracé était en partie celui de l’actuelle RN 86. Elle était à l’époque longée par le Rhône qui venait jusqu’au pied du château ; Rochemaure fut un village de nautes. Nous voyons aussi la tour du Guast, à mi-hauteur du rempart crénelé qui descend vers le village. À l’ouest, c’est le Chenavari ; entre lui et le dyke supportant la forteresse, un vallon qui est actuellement couvert de prés verdoyants fut pendant longtemps ensemencé en blé. Cette zone fut habitée à l’époque préhistorique, ainsi qu’en témoigne la découverte de silex taillés.

Le groupe s’étant reformé, le Dr Lecerf nous conduit maintenant à l’emplacement de la demeure seigneuriale, du xiiie siècle. C’est là que résidaient les seigneurs, tandis que le donjon servait à la défense, ainsi qu’au stockage des armes et des provisions. Il n’en reste que quelques pans de murs ; l’un d’eux est percé d’une fenêtre à meneaux qui, nous fait remarquer le Dr Lecerf, est le fait d’une reconstitution aberrante.

Après le repas pris dans une salle mise gracieusement à notre disposition par la municipalité, le Dr Lecerf nous emmène visiter l’ancien quartier de la Violle.

Visite du quartier de la Violle

Celui-ci s’étage au bas de la pente dominée par le château. Il revit progressivement grâce à une restauration intelligente, mais le travail est loin d’être achevé. Il faut beaucoup de courage et de compétence pour relever ces ruines et reconstituer de belles maisons d’époque.

Rochemaure : Copie
                      du milliaire VIIII nord de la voie des Helviens

Copie du milliaire VIIII nord de la voie des Helviens

Partis de l’Hôtel de Ville, devant lequel a été placée une copie du milliaire VIIII de la voie romaine d’Antonin le Pieux, nous parcourons la rue du Faubourg qui traverse la ville du nord au sud ; beaucoup de détails architecturaux, de nombreux remplois (têtes, figurines) mériteraient un examen plus attentif. L’ensemble, homogène, date de la première moitié du XVIe siècle. Plusieurs rues très en pente grimpent sur notre droite. Après « la Placette », où subsiste un vieux lavoir, nous continuons par la rue de la Violle. Une autre place sur notre gauche marque l’emplacement de l’ancienne chapelle des Pénitents qui remplaça un certain temps N.-D. des Anges dans son rôle d’église paroissiale, avant la construction de l’église actuelle. Construite en 1718, elle fut démolie en 1919. Il n’en subsiste que le petit clocher arcade, avec sa cloche, que l’on voit de la route nationale.

Découvert à la fin du xviiie siècle près de la Croix de la Lauze, au sud de Rochemaure, le milliaire 9 nord de la voie des Helviens a été transporté d'abord au château de Joviac, puis au lycée de Privas ; ramené récemment à Rochemaure, il a été mis à l'abri dans la chapelle N.-D. des Anges, tandis qu'une copie en était placée devant l'hôtel de ville.

Pour en savoir plus sur la voie des Helviens et ses milliaires, cliquer ici
 


Rochemaure : Porte des Tournelles

Porte des Tournelles

Rochemaure : Cartouche portant les lettres IHS entrelacées

Cartouche portant les lettres IHS entrelacées

Il faudrait pouvoir s’attarder plus longtemps dans ce quartier pour en observer à loisir tous les détails. Citons encore une façade de style gothique flamboyant, sans doute du xve siècle, dont les sculptures en calcaire clair se détachent sur un fond de basalte noir, un cartouche du même style aux lettres IHS entrelacées sur une maison en face, une façade aristocratique du xive siècle dans la rue des remparts qui monte sur notre droite, puis encore, percée dans le rempart, la porte des Tournelles avec sa bretèche…

Mais il est quand même largement temps de quitter Rochemaure pour rejoindre Meysse, deuxième étape de notre journée, ce que nous devons nous résoudre à faire, après avoir encore chaleureusement remercié le Dr Lecerf pour avoir bien voulu nous consacrer tant de temps et nous faire profiter de sa connaissance approfondie de Rochemaure et de son histoire.

Le carré magique

Rochemaure : le carré magique

S A T O R
A R E P O
T E N E T
O P E R A
R O T A S

Le carré magique se présente sous la forme d'une petite plaque de pierre portant cinq mots qui peuvent se lire dans tous les sens (de gauche à droite, de droite à gauche, de haut en bas et de bas en haut.)
Mais l'exemplaire de Rochemaure n'est pas unique ; on en a retrouvé de semblables en différents points du monde, datant de diverses époques ; un des plus célèbres a été découvert à Pompei. La signification de ce texte reste toujours mystérieuse. Selon les lieux et les dates, on a attribué aux carrés magiques toutes sortes de sens et de vertus magiques.

Cf. L. GÉRARDIN, Les carrés magiques, éd. Dangles, 1986.

  
 Découvert en 1850 dans le ravin de Rignas et scellé alors dans le mur de la chapelle Saint-Laurent, le carré magique de Rochemaure a disparu en 1972, puis a été retrouvé quelques années plus tard. Depuis, il a été mis en lieu sûr et une copie en a été placée dans la chapelle N.-D. des Anges.

Paul et Marie Bousquet (pour la visite de 2004)

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Bibliographie