Deux composantes conditionnent le confort, aussi bien dans le bâti ancien que dans le bâti contemporain : la température et l'humidité. Organiser le confort thermique, c'est d'abord organiser l'équilibre entre ces deux composantes et cela de la façon la plus économe possible. En ce qui concerne l'échange thermique entre l'homme et son environnement, il se fait selon trois modes :
- la conduction, je réchauffe mon lit avec une
bouillotte... ;
- le rayonnement, je me rapproche du poêle ou du foyer
de la cheminée ;
- la convection, l'air chauffé par le radiateur s'élève dans
la pièce et crée un courant qui va réchauffer l'ensemble de
l'air de la pièce. C'est le mode actuel de chauffage qui
nous dispense de recourir à la conduction ou au
rayonnement.
La plage de température confortable est de l'ordre de 19 à
23°C, mais la température perçue ne dépend pas
seulement de celle de l'air ambiant ; si les murs restent
froids, la température perçue n'est que la moyenne entre
celle de l'air et celle du mur. Un mur mal isolé qui resterait à 16° alors que l'air de la pièce est à 20° conduirait à ne
percevoir que 18°. On aura dépensé pour avoir 20°, mais
on n'en percevra que 18° !!!
En ce qui concerne l'humidité, l'air contient une quantité
de vapeur d'eau plus ou moins importante fournie par
l'ambiance extérieure et par nos activités : respiration,
douche, cuisine… Selon sa température cet air pourra
contenir une quantité maximale de vapeur d'eau, au-delà
de laquelle la vapeur en excès se condensera en eau
liquide. Dans la salle de bain chauffée la quantité de
vapeur possible est importante, mais à proximité de la
fenêtre l'air plus froid accepte moins de vapeur et on a
donc condensation sur les carreaux.
« L'humidité relative » d'un air à une température T est
définie comme le rapport entre la quantité de vapeur
d'eau qu'il contient et la quantité maximale qu'il peut
contenir sans se condenser à cette température. La plage
d'humidité relative confortable est de l'ordre de 45% à
65%.
Pour obtenir un confort thermique satisfaisant il faut donc
agir sur ces paramètres, mais on ne peut plus l'obtenir
sans penser en même temps à la nécessité d'économies
d'énergie. Auparavant on augmentait la quantité de
chaleur sans lésiner sur la quantité d'énergie nécessaire
pour atteindre le confort, aujourd'hui on doit s'efforcer
d'empêcher la perte de chaleur pour réduire la quantité
d'énergie à fournir pour obtenir le même confort.
Depuis les crises pétrolières des années 1973 puis 1979
qui ont vu le prix du pétrole multiplié par 8, le coût de
l'énergie et la pollution engendrée nous imposent de
profondément modifier nos habitudes.
Des techniques et des normes ont été mises en place pour
le bâti contemporain et on a considéré qu'elles devaient
aussi s'appliquer au bâti ancien, ce qui est une grave
erreur dont les conséquences sont des désordres
préjudiciables à ce bâti.
Pour en comprendre les raisons et éviter de commettre ces
erreurs, il convient de connaître les spécificités de ce bâti.
Le bâti ancien présente un certain nombre de
caractéristiques constructives :
- il est implanté en respectant quelques règles héritées de
l'expérience locale :
- orienté au sud pour bénéficier du soleil d'hiver sur la
façade principale, mais un arbre à feuillage caduc protège
cette façade du soleil d'été ;
- protégé des vents et du froid du nord par la pente, la
végétation ou une annexe ;
- doté de petites ouvertures qui limitent les
déperditions l'hiver et l'excès d'apport solaire l'été.
Pour les constructions contemporaines ces règles sont
rarement prises en compte.
- les murs sont épais, souvent plus de 50 cm, et massifs
(1 tonne à 2 tonnes par m²), environ 5 à 10 fois plus qu'un
mur en parpaings de 20 cm, ce qui leur permet
d'accumuler une grande quantité de chaleur qu'ils
restituent lentement ;
- les murs et les fondations sont réalisés en pierres
trouvées sur place, hourdées (assemblées) par un liant :
- dans les zones où le calcaire est présent c'est la chaux,
qu'il permet de fabriquer, qui sert de liant ;
- dans les zones, nombreuses en Ardèche, où l'on n'a
pas de calcaire donc pas de chaux, c'est la terre (en fait
son argile) qui sert de liant, c'est le cas dans les zones de
schiste, de grès, de granite et de basalte, en gros toute
l'Ardèche en dehors de la vallée du Rhône…
Ces murs sont constitués de deux parements dressés avec
soin, l'espace entre eux étant rempli de liant peu dosé et
de débris de pierre. La conséquence de ce mode
constructif est une grande capillarité et donc une
remontée de l'humidité du sous-sol. Cette humidité
s'évacue naturellement par les parements sans poser
aucun problème… sauf si des interventions
malencontreuses conduisent à empêcher l'évaporation
(enduit ciment, enduits monocouches industriels,
isolation en polystyrène, etc.).
Cette propriété permet aussi de réguler la vapeur d'eau
générée par l'activité des occupants, car les murs
absorbent l'excès et le restituent ultérieurement.
Les constructions contemporaines en ciment, matériau étanche, ne présentent ni ces atouts, ni ces faiblesses…
Pour les constructions contemporaines le confort s'obtient
par la mise en oeuvre de deux techniques :
- l'humidité ambiante est gérée par le renouvellement
de l'air avec la Ventilation Mécanique Centralisée, la VMC, à simple ou double flux ;
- la perte thermique des parois est réduite par des
matériaux isolants caractérisés par leur résistance
thermique « R », définie comme l'inverse du coefficient de
transmission surfacique « U » qui caractérise le flux de
chaleur qui traverse une paroi.
Pour améliorer le confort du bâti ancien, on doit à la fois
capitaliser sur ses qualités propres et compenser certaines
de ses faiblesses.
Avant tout on prendra en compte la répartition des pertes
thermiques dans le bâti ancien : 30 % fuient pas le toit et
30 % par le renouvellement de l'air ; on agira donc en
priorité sur ces deux postes. D'ailleurs la norme pour le « bâti existant » (RT Ex 2007) n'impose qu'une isolation élément par élément, et non une performance globale
comme pour le bâti contemporain.
Pour ne pas perdre la capacité du bâti ancien à autoréguler
la vapeur d'eau intérieure et éviter les problèmes de
condensation, on veillera à utiliser des enduits dont la
résistance à la diffusion de la vapeur d'eau μ est proche
de celle des matériaux du bâti ancien, c'est à dire
inférieure à 15 (enduit plâtre, chaux, ou terre…).
Pour isoler les parois, on choisira un isolant à faible
conductivité thermique λ (les bons isolants ont un λ de
0,04) mais surtout des isolants dont le μ a des valeurs
appropriées au bâti ancien (chaux chanvre, béton
cellulaire, liège, laine et fibre de bois…).
Pour adapter l'épaisseur de l'isolant, il faut comprendre
comment diminuent les pertes thermiques avec
l'épaisseur ; elles répondent à la relation P = ΔT x λ/e,
où ΔT est la différence de température entre les deux
côtés de la paroi, λ la conductivité thermique de l'isolant
et e l’épaisseur de l'isolant.
Ce qui signifie que l'efficacité des premiers centimètres
d'isolant est très supérieure à l'efficacité des centimètres
supplémentaires.
Pourtant les épaisseurs conditionnant le crédit d'impôt
sont très supérieures (12 à 28 cm) à l'épaisseur réellement
efficace ; les 10 premiers centimètres d'isolant réduisent
les pertes à travers la paroi de plus 90 %, les centimètres
supplémentaires n'économisent que quelques %
supplémentaires, et à quel coût !
Il est presque toujours plus économique de renoncer aux
aides et de ne mettre que l'épaisseur strictement efficace.
La qualité de la pose est plus importante que l'épaisseur.
Apporter du confort et faire des économies d'énergie dans
le bâti ancien nécessite de comprendre ses qualités et ses
faiblesses initiales pour définir une solution adaptée.
L'application de règles qui oublieraient cela mènerait à
coup sûr à des désordres.
Malheureusement peu d'artisans sont formés à cela.
Puisse cet article vous aider dans vos projets.
Bernard Leborne
Président de Maisons paysanes d'Ardèche
(Conférence donnée le 20 septembre 2017 à Saint-Vincent-de-Barrès, dans le cadre d'une visite de la Société de Sauvegarde)