Le village d'Ailhon |
La paroisse d’Ailhon était autrefois importante car, jusqu’au milieu du xixe siècle, elle comprenait également les territoires des actuelles communes de Chazeaux, Fons et Lentillères ; le tout formait le mandement de Chazeaux. Elle apparaît dans les textes à la fin du xiiie siècle. En effet, à cette époque, des contestations s’étaient élevées entre l’évêque de Viviers, le chapitre cathédral et l’université des prêtres au sujet de leurs possessions respectives. La question fut réglée en 1289 par une sentence arbitrale de l’archevêque de Vienne, légat du pape, sentence par laquelle la paroisse d’Ailhon fut, avec d’autres, attribuée au corps du chapitre.
L’église est orientée et sa haute façade occidentale qui domine le village s’ouvre sur une vaste place ombragée où trôna jusqu’à la fin des années 1980 un « Sully », ormeau planté en 1593, comme dans chaque paroisse de France, pour commémorer la conversion d’Henri IV au catholicisme. Nous en verrons l’énorme tronc, de 5,50 mètres de circonférence, conservé au fond de l’église.
La façade se prolonge par un clocher mur composé d’une partie rectangulaire percée de quatre baies, surmontée elle-même d’un fronton triangulaire doté d’une seule ouverture. Deux fines corniches séparent ces différentes parties. Une croix couronne l’ensemble.
Le portail très simple, en arc brisé, est
seulement orné de deux voussures de
section circulaire retombant sur des
colonnettes engagées couronnées de
chapiteaux dépourvus de toute décoration. La date de
1509 que l’on peut lire sur la façade laisse présumer
qu’elle correspond au moment où furent réalisés les
travaux d’agrandissement que nous allons évoquer dans
un instant et sans doute aussi la mise en place de ce
portail. Son style, en tous cas, correspond bien à cette époque.
Au-dessus du portail s’ouvre une étroite fenêtre qui, pour
sa part, est de forme typiquement romane.
On ignore la date de construction du clocher. Il aurait dû
être écimé, sur ordre de Louis XIV, pour punir les
habitants d’avoir participé à la révolte de Roure (1670),
mais il est probable que la sentence n’ait pas été
exécutée. Seulement deux de ses quatre baies sont
actuellement pourvues de cloches. Il paraît qu’elles étaient quatre autrefois mais
que, lorsque les nouvelles
paroisses de Fons et de Lentillères furent dotées d’une église, les paroissiens
de chacune d’elles
vinrent récupérer une cloche à Ailhon.
En pénétrant sur le terrain qui jouxte l’église au nord,
nous pouvons voir l’arrière du clocher qui conserve l’abri
du clocheron en bon état.
Nous nous trouvons dans un bel édifice où se juxtaposent harmonieusement les styles roman et gothique et dont l’architecture est soulignée par un très bon éclairage.
La nef, couverte d’un berceau fortement brisé, est de
toute évidence d’un style roman tardif. On la date généralement
de la fin du xiie,
voire du xiiie siècle. Elle
comporte deux travées
séparées par un robuste
doubleau ; le mur du fond
percé d’une fenêtre à très
large ébrasement intérieur,
dont nous avons remarqué
déjà la présence de l’extérieur,
en est évidemment
contemporain.
En revanche, les deux bas-côtés
voûtés d’ogives, créés
en perçant de larges ouvertures
dans les murs de la
nef romane, sont naturellement
postérieurs, sans doute de la fin du xve et
du début
du xvie siècle si l’on se fie à la
date de 1509 inscrite sur la façade et dont on peut penser qu’elle marque la fin des
travaux d’agrandissement. C’est certainement de la même
campagne de travaux que date le chœur, exactement de
même style que les bas-côtés ; on remarque qu’il se termine
par un mur plat, disposition très rare dans notre
région. Les chapelles qui l’encadrent sont aussi de la
même époque ; on sait par exemple que le 16 juillet 1511,
Jean Mollier, prêtre à Ailhon, faisait un legs au curé de la
paroisse pour la construction de l’une d’elles.
(Référence : Abbé Jean Charay, Notes additives à la réédition de 1977 de la Notice historique sur l'ancienne paroisse d'Ailhon d'Albin Mazon.)
Pierre tombale de Jean de Roqua |
L’édifice reçoit la lumière par des fenêtres à réseau ouvertes dans les bas-côtés et dans le mur de fond du chœur. Les arcs d’ogive et les formerets, de facture robuste et très sobre, retombent sur des culs-de-lampe ornés de figures très diverses, anges, masques humains, animaux, grotesques…
Plus tard, on ajouta au bas-côté méridional une travée
faisant saillie à l’extérieur. Elle fut utilisée comme
chapelle par la confrérie des Pénitents blancs créée en
1649.
Une cuve baptismale du xve siècle sert
de bénitier.
Contre le mur du fond de l’église, outre le tronc du « Sully » déjà mentionné,
a été dressée une
pierre
tombale que l’on a identifiée comme étant celle de
Jean de Roqua qui fut le dernier abbé régulier de
l’abbaye cistercienne des Chambons de 1438 à
1476. Sa présence ici s’expliquerait par le fait que
Jean de Roqua, qui avait des attaches familiales à
Aubenas, résidait souvent à la maison du Crouzet,
dépendance de l’abbaye des Chambons proche
d’Ailhon. Cette pierre tombale de forme
prismatique est ornée d’un côté de la crosse
abbatiale et de l’autre d’un « roc d’échiquier »,
ancienne pièce du jeu d’échecs, ancêtre de la tour,
qui a été adoptée comme figure héraldique. Dans
le cas de Jean de Roqua, il s’agit, bien sûr, d’armes
parlantes. Notons que c’est un des neveux de cet
abbé des Chambons, Bernardin Nogier de Roqua, qui fut
le bâtisseur à Pont d’Aubenas de la belle « maison de
Roqua » achevée en 1513.
Signalons pour terminer que l’église d’Ailhon est inscrite à l’inventaire
supplémentaire des monuments historiques
depuis 1926. Elle a bénéficié d’une heureuse restauration
qui a mis à nu son bel appareillage ; ce fut l’œuvre de
l’abbé Luquet de Saint-Germain, curé de la paroisse de
1937 à 1941.
Paul Bousquet
Clefs de voûte des chapelles latérales |
Quelques exemples de culs-de-lampe |