Le site de Notre-Dame d'Ay (gravure d'Albert Cassien, Album du Vivarais, 1848) |
Notre conférencier, Michel Faure, président d’honneur de la Société de Sauvegarde, adresse quelques mots de bienvenue et d’accueil à notre groupe et aux personnalités qui s’étaient déplacées, en particulier M. Frédéric Bertrand, qui fut maire de Saint-Romain-d’Ay pendant 43 ans et grand artisan de la restauration du site.
Il attire notre attention sur l’origine très ancienne de ce lieu de culte où la déesse Isis ou Maïa était vénérée depuis des temps immémoriaux. Avec l’arrivée du christianisme au ive ou ve siècle, le site est « converti », l’habitude voulait que l’on change le nom païen en un nom de saint ou chrétien, nous verrons comment dans ce cas précis. Comme à l’époque païenne, les foules continuent de s’y rendre. En 1184, en même temps que le prieuré de Quintenas, Ay est donné par Frédéric Barberousse à l’abbaye bénédictine de Saint- Claude dans le Jura. Le nom d’Ay pourrait avoir pour origine un nom patois désignant l’eau, « aigues », du latin aqua. La légende populaire dit aussi qu’une jeune bergère récemment convertie au christianisme, poursuivant un mouton, glissa dans l’à-pic qui surplombe la rivière. Elle aurait crié « Aïe, Notre-Dame, Aïe », d’où le nom d’Ay.
La herse et l’ancienne maison des gardes passées, un chemin conduit à la chapelle ; il longe les bâtiments massifs du château, impressionnant avec ses trois tours, appelées aussi donjons, des xive, xvie et xviie siècles. Notre bergère, sauvée in extremis dans sa chute par une main invisible, celle de la Sainte-Vierge, en remerciement, construisit de ses mains un oratoire appelé Notre-Dame de Bon Secours, puis Notre-Dame d’Ay. C’est un rectangle de 14 mètres sur 7 disposé sud-nord. Détruit au moment des guerres de Religion, il est restauré. À la Révolution, la chapelle est achetée par un certain Antoine Farigoule, qui l’habite et met en lieu sûr, à Chifflet, tous les objets sacrés. Il fait des travaux, agrandit la chapelle initiale et oriente le nouveau lieu de culte. Il construit un clocher en empiétant sur le terrain de M. de La Chavas. Ce tour de passe-passe fera que l’abbé Joseph Laurent, à qui Antoine Farigoule a revendu l’ensemble, pourra le rendre à son ancien propriétaire, la chapelle sera ainsi épargnée par la Révolution. Mme de La Rochette, son héritière, décide alors avec son mari d’élever une chapelle en action de grâce, si celui-ci revient vivant d’exil et s’ils retrouvent tous leurs biens après la Révolution. Devenue veuve, elle entreprend l’agrandissement et l’embellissement du sanctuaire. De 1831 à 1834, elle le transformera en élevant les murs d’un mètre, elle créera la voûte actuelle, encadrera la porte par un frontispice, construira le chœur, la sacristie et le clocher tels que nous les connaissons aujourd’hui.
Porte de la Herse |
La chapelle |
La Vierge noire |
La Vierge noire, dans le chœur, aurait été offerte par la famille de Tournon pour remplacer celle ramenée de Syrie par leur ancêtre Odon de retour de la troisième croisade (1189-1192) et brûlée par les protestants. Entre 1620 et 1624, Jean-François Régis, étudiant jésuite à Tournon, avait l’habitude de venir au prieuré ; un vitrail à gauche du choeur le représente priant au pied de la Vierge noire. Le vitrail de droite représente la bergère sauvée par la Vierge Marie. En 1836, la garde du sanctuaire est confiée aux pères jésuites. Expulsés en 1880 en vertu des lois sur les congrégations, les pèlerinages cessent, mais ils reprendront après l’installation, le 3 mai 1890, d’une Vierge couronnée en fonte de cinq mètres de haut, placée sur la tour crénelée du clocher. Elle est inaugurée le 20 juillet « Journée du couronnement » en présence de 40 000 fidèles et de onze prélats. Aujourd’hui, le sanctuaire, bien entretenu et constamment restauré, attire toujours les foules pour les pèlerinages et les fêtes mariales.
Madame Josiane Verney, responsable de la communication culturelle des « Amis de Notre-Dame d’Ay » assure la seconde partie de la visite, celle du château.
Les principaux propriétaires du château fort, de la chapelle et de ses dépendances sont en 1271, Aymar de Roussillon, Artaud d’Izerand, Josserand d’Ay, Josserand d’Oriol, Artaud de Roussillon, en 1315, les Bressieu, en 1370, les Tournon, au milieu du XVIIe siècle, les Levis- Ventadour. En 1753, ce sont les Chave de La Clavas qui les donneront par succession aux La Rochette.
Le château primitif d’Ay est un château fort construit par
les seigneurs d’Ay au xe ou xie siècle
directement sur un énorme rocher. Il était ceint de fortes murailles autrefois
crénelées, dont trois murs d’enceinte côté sud-ouest, côté
le plus facile d’accès pour des assaillants. Plusieurs tours
aux quatre points cardinaux complétaient cette défense.
Ay se compose actuellement de trois bâtiments
principaux, tous de forme rectangulaire, dont les grandes
salles ont approximativement toutes les mêmes
dimensions.
Nous commencerons la visite par le plus ancien :
Mentionné en 1003 dans l’acte de la donation faite par le
comte de Forez à l’abbaye de Saint-André de Vienne, à
Albertinus de Castro d’Ay, on peut penser qu’il a été bâti
par celui-ci sur les bases d’un fort romain. On a en effet
retrouvé une aération en tuiles romaines à l’intérieur d’un
mur. Ce donjon, dont les pierres sont taillées intérieur et
extérieur, avec aux angles des blocs en quinconce et aux
ouvertures en V, sont typiques du début du Moyen Âge.
Sa forme est pyramidale, les murs ayant une épaisseur de
1,80 m à la base et seulement 0,60 m au sommet.
Ce bâtiment était à l’époque surmonté d’un hourd en
bois et abritait la soldatesque à l’étage inférieur. Les
maisons étaient abritées par la seconde muraille contre
laquelle elles étaient adossées. L’étage supérieur, « la
pièce », était réservée au seigneur et sa famille qui y
avaient accès depuis le donjon central par une coursive
dont on voit encore la porte d’accès. En cas d’attaque, il était inaccessible de l’extérieur par des envahisseurs.
À l’origine, d’une hauteur de trente mètres, il fut surélevé
par Artaud de Roussillon vers 1297, mais rabaissé par
Jacques de Tournon à sa hauteur actuelle.
Sa rénovation par l’association « Les Amis de Notre-Dame
d’Ay », association créée il y a trente ans, permet depuis
2003, fin des travaux, une utilisation des deux salles
réservées aux animations culturelles : plusieurs
expositions par an sur des thèmes choisis, des
expositions personnelles d’artistes, des conférences et
des animations de groupe, dirigées par l’équipe
d’animation culturelle.
Le donjon seigneurial est haut et imposant. Ce bâtiment
au Moyen Âge était plutôt bas sur un seul étage. Vers
1440, Jacques de Tournon, époux de Jeanne de Polignac,
le fait surélever et surmonter dans sa partie ouest par
une très haute tour, afin d’affirmer sa puissance.
« La grande tour en question était d’une hauteur
extraordinaire. Elle s’élevait sur la construction centrale
(logis seigneurial) au couchant. Sa hauteur permettait
aux sentinelles placées au sommet d’apercevoir la tour
Chanelosc qui se trouvait à grande distance derrière le
massif de la colline de Preaux. Des têtes de bélier et
d’ours (signes qui n’étaient donnés qu’aux seigneurs
puissants), taillés dans du granit, servaient
d’ornementation au cordon extérieur.
« … La grande tour que nous venons de mentionner
existait encore il y a seulement un demi-siècle » écrit du
Solier en 1763.
Cette tour a disparu, mais on peut encore voir à
l’extérieur les contreforts qui la soutenaient côté ouest.
Ce logis seigneurial fut surélevé et remodelé à l’intérieur,
au xvie siècle, puis au xixe siècle
par les pères jésuites qui
occupèrent ces lieux et lui donnèrent sa forme actuelle.
La rénovation du rez-de-chaussée de cette bâtisse date de
2011. La grande salle modernisée accueille des groupes
divers venant passer un court séjour en ces lieux. Le
modernisme semble avoir déconcerté les visiteurs...
Une coursive relie le donjon seigneurial au donjon de
vie. Autrefois entièrement ouverte, elle était formée de
balcons soutenus par une arcade en pierres taillées,
visible de la petite cour, sous laquelle on passait pour
rejoindre la cour intérieure ; elle donnait accès au donjon
de vie. Un escalier en spirale attire l’attention par ses
marches en bois, taillées directement dans la masse des
troncs d’arbres. Il conduit à l’étage et daterait du xvie siècle, époque où cette coursive fut fermée.
Ce sont Christophe de Tournon, puis Just Ier de Tournon
et sa femme Jeanne de Vissac, enfin leur fils Just II qui
firent des travaux sur le donjon de vie.
Nous y entrons par la porte d’origine, très basse. La salle
du Moyen Âge a des murs épais en pierres taillées,
intérieur et extérieur Elle ne comporte qu’une seule
fenêtre du même type que celles du donjon de défense,
en V, ainsi que deux portes basses qui donnaient sur
l’extérieur, probablement sur des escaliers en bois
donnant accès à la cour de la chapelle. Cette pièce en
voûte repose sur des piliers de pierres taillées qui
descendent jusqu’au sous-sol où se trouvent encore les
réservoirs d’eau creusés dans le rocher.
Cette pièce a été agrandie par Just de Tournon et sa
femme Claudine de La Tour et de Turenne pour en faire
une résidence plus confortable, en démolissant le mur est
et en utilisant la muraille extérieure comme mur. Ils firent également agrandir
deux petites pièces
donnant sur l’esplanade. Cette salle, à l’origine, était prolongée
en partie sur la cour, ce qui en faisait une grande salle de
vie ; la cheminée donnait un semblant de chaleur.
Des recherches se poursuivent actuellement pour lire les
blasons en mauvais état sur la voûte et pour compléter le
blason qui figure sous la Vierge. Il semble être celui de
Just II et de sa femme avec au centre celui des Vissac…
une discussion s’engage sur ce sujet, elle ne permet pas
de trancher.
Depuis cette époque cette partie est appelée « La
Résidence ». On distingue très bien les agrandissements à
l’extérieur. Du Solier décrit parfaitement bien ces
bâtiments :
« Ce sont des voûtes à plein cintre avec des écussons
effacés qui surprennent par leur solidité autant que par
la régularité de leurs proportions ; des murs d’un mètre
d’épaisseur qui semblent avoir été destinés à braver la
force des hommes ; des portes, des embrasures où le
plein cintre, l’arc surbaissé et l’ogive ne sont pas jetés au
hasard ; un arc extérieur d’un large diamètre (plus de dix
mètres) servant de communication entre deux corps de
bâtiment, remarquable par son élégance et sa légèreté ;
d’autres arcs d’une dimension moindre, qui ont dû porter
de gracieux balcons… ».
Ces pièces, également rénovées en 2011, servent à
accueillir des groupes, des repas de famille (catéchèse,
baptêmes, départ en retraite...) ce qui a demandé la
construction obligatoire d’un ascenseur !
Projet de rénovation : la chapelle, toute l’électricité ainsi
que la sacristie.
Beaucoup de bénévolat permet de maintenir cette vie sur
le site de Notre-Dame d’Ay. Le culte est assuré par le
prêtre modérateur de la paroisse Saint-François-Régis
(Ay et Daronne).
Mireille d'Augustin
(d'après le texte de Josiane Verney pour la deuxième partie de la visite de Notre-Dame d'Ay)
L’association Les Amis de Notre Dame d’Ay, association
loi de 1901, est née en 1982 ; son but initial était de faire
connaître et de promouvoir le pèlerinage à Notre-Dame
d’Ay, de poursuivre la mise en valeur et la gestion des
bâtiments et du site dans un ensemble de préoccupations
religieuses et culturelles (statuts de 1983). L’un des cofondateurs
de celle-ci n’est autre que Michel Faure, actuel
président honoraire de la Société de Sauvegarde ; cette
dernière a d’ailleurs largement contribué à la recherche
de financement en présentant le dossier
de restauration du donjon au Conseil
général et en apportant sa contribution
sur fonds propres.
La restauration du donjon achevée en 2003 permet de disposer d’un lieu
superbe, très adapté aux diverses animations
culturelles que l'association organise depuis.
Les Amis de Notre-Dame d'Ay
07290 Saint-Romain-d'Ay
Présidente : Nicole Tezenas du Montcel
tél : 04 75 68 50 94
courriel : y.n.tezenas @free.fr