Le village de Beaumont est situé en plein cœur de la Cévenne ardéchoise, sur l'arête séparant la vallée de la Baume de celle de la Drobie. Il possède en particulier une interessante petite église romane.
La Sauvegarde, qui s'était déjà rendue à Beaumont le 14 mai 1988, y est retournée le 11 octobre 2012.
Voici d'abord un extrait du compte rendu de la visite de 1988.
[...] Les 170 participants se retrouvent à Beaumont, heureux d'avoir franchi les huit kilomètres de route très pittoresque mais impressionnante qui, du pont des Deux-Aygues, les a conduits à ce haut village.
L'église est archi-comble car les enfants des écoles et les habitants se sont joints aux visiteurs. Le général de Pampelonne remercie M. le maire, son conseil municipal, les membres des « Amis de Beaumont » pour leur accueil. Il présente ensuite M. Guy Berdaguer, maire de Beaumont, mais aussi président et fondateur des « Amis de Beaumont », et lui passe la parole. D'un exposé passionnant, remarquablement documenté, nous rappelons ce qui suit.
En préambule, M. Berdaguer évoque l'histoire de la route pour bien situer le site de son village. La route date seulement de la fin du siècle dernier (N-B : du xixe siècle); auparavant seul un chemin muletier reliait Beaumont à la vallée et la rivière devait être franchie à gué ; car le pont, dont les premiers travaux furent entrepris vers 1850, ruina les habitants de Beaumont : après avoir versé 5 000 F sur les 6 000 F de la dépense de construction, ils virent leurs économies partir avec le pont qui fut emporté quelques jours avant son inauguration par les crues résultant des violents orages de fin août... Ce n'est que 40 ans plus tard que le pont fut reconstruit, en même temps que fut ouverte la route que vous avez « grimpée ».
Il se pourrait que le premier peuplement du village soit le fait de populations fuyant les invasions successives qui ont déferlé sur la contrée ; cette région de montagne aurait servi de refuge privilégié.
Dès le IXe siècle, la seigneurie de Beaumont se composait de Beaumont, Saint-Mélany et Dompnac ; ce mandement portait le nom de Chabranotis ou Chabrilles en Bellomonte ; c'est à l'époque où le notable Aginus et son épouse Pétronille firent don à l'évêque de Viviers d'un territoire immense allant de Borne et Saint-Laurent-les-Bains jusqu'à La Souche, Prunet, Joannas et Beaumont.
[M. Berdaguer présente ensuite l'église, sur laquelle nous allons revenir en détail], puis rappelle avec humour les violents démêlés qui opposèrent vers 1675 les paroissiens au prieur et au représentant de l'évêque - on parla même de mutinerie - et qui s'apaisèrent grâce à la diplomatie des consuls du village. Il résume ensuite la longue histoire des seigneurs de Beaumont dont le premier connu est Pierre de Beaumont en 1019 et qui s'allièrent plus tard avec les du Roure, les Beauvoir, les Grimoard, les Brison, les Maubec. Les premiers seigneurs firent ériger un castrum sur l'emplacement de l'actuel château du Blat, hameau que l'on traverse en montant vers le village. Aménagé en château fort, ce lieu fut la demeure des seigneurs vraisemblablement jusqu'au XVe siècle. Après son mariage avec Jeanne de Cayre, héritière de Gabriel de Brison, Rostaing de Beaumont résida certainement dans l'ancien château de Brison.
M. Berdaguer a étudié l'estime de 1464 et les compoix de 1662, 1713 et 1774. Il s'avère que Beaumont était la commune la plus riche du mandement, avec des revenus par habitant supérieurs à ceux de Valgorge et identiques à ceux d'une ville alors florissante, Largentière. Beaumont comptait, en 1464, 361 habitants, 807 à la veille de la Révolution, enfin 1367 en 1841. Ensuite la régression a été continue jusqu'à ce jour (174 habitants). Mais la courbe est stabilisée et une inversion apparaît. « On peut avoir aujourd'hui légitimement foi dans l'avenir de Beaumont ».
Très applaudi, M. le maire invite les auditeurs à visiter le village en compagnie des « Amis de Beaumont » : vieilles demeures, belles portes et fenêtres, ruelles pittoresques. Puis, sous la conduite de M. et Mme Deleplace, montée à la Croix de la Tourasse, magnifique belvédère dominant les vallées de la Beaume et de la Drobie, d'où la vue s'étend vers le Tanargue, le Mont Lozère et bien entendu la Tour de Brison ; une tour s'élevait à cet emplacement mais elle fut rasée à la Révolution.
Extraits du compte rendu de la visite du 14 mai 1988
De nombreuses personnes nous attendent à Beaumont,
au premier rang desquelles le maire, M. Pascal
Waldschmidt, entouré de plusieurs membres de l’équipe
municipale et de l’un de ses prédécesseurs, M. Roussel,
ainsi que de membres de l’association des Amis de
Beaumont, notamment Mmes Jeanine Berdaguer, Nicole
Chamayou, Josette Lemoine et Laurence Rieu.
Après avoir remercié toutes ces personnalités de leur
accueil, notre président Pierre Court présente les excuses
du président de l’association, M. Michel Mignaton, retenu à Paris, et évoque la mémoire de M. Guy Berdaguer,
ancien maire qui, en cette qualité, avait eu l’occasion de
recevoir la Sauvegarde en 1988 et avait fait une présentation du village et
de son église qui fut très appréciée.
C’est d’ailleurs une étude très documentée réalisée par
M. Berdaguer, aimablement communiquée par son épouse, qui va nous servir de fil conducteur pour la visite
de l’église.
Primitivement, l’église de Beaumont s’appelait Notre-Dame de Chabreillles. C’est sous ce vocable qu’on la trouve au xiiie siècle dans le cartulaire de Cluny : Beate Maria de Cabriolis. Pourquoi Cluny ? Parce qu’à cette époque, elle relevait du prieuré clunisien de Ruoms.
Mais là, nous sommes déjà au xiiie siècle et l’église actuelle était construite. Mais avant ?
N.-D. de Chabreilles, la première église de Beaumont, était certainement d’origine très ancienne. Mais quel était son emplacement ?
M. Berdaguer examine l’hypothèse qui voudrait qu’elle se soit située en un lieu dit « Chabreyre », à un kilomètre environ au sud-ouest de Beaumont. À l’appui de cette thèse, la toponymie bien sûr, mais aussi la tradition orale… et la légende. Il est allé voir sur place, mais n’a trouvé aucun vestige apparent. En l’absence de fouilles, qui ont peu de chances d’avoir lieu, la question de l’emplacement de la première église de Beaumont reste posée.
En 1289, par la sentence arbitrale de l’archevêque de Vienne déjà plusieurs fois évoquée, l’église de Beaumont est confiée au corps de l’Université des prêtres de Viviers qui devient coseigneur du lieu.
Nous nous rendons d’abord dans le cimetière pour observer le chevet. L’abside polygonale est bâtie en granit ; elle est couronnée par un entablement mouluré soutenu par des modillons sculptés, le tout en grès fin. La construction, œuvre des bénédictins, est soignée. Nous pouvons en même temps admirer la belle toiture de lauzes dont la réfection prochaine fait partie des opérations soutenues en 2012 par la Sauvegarde.
Sur la façade occidentale s’ouvre un portail en arc brisé finement mouluré avec deux colonnettes dont les chapiteaux sont décorés de feuillages de facture gothique. Par son élégance, ce portail contraste avec le reste de la construction plutôt massive ; on pense qu’il est assez largement postérieur au début de la construction de l’église. R. Saint-Jean ne le datait cependant pas au-delà du xiiie siècle. On pense qu’au début l’accès se faisait par le sud où subsiste une porte.
Le clocher est évidemment postérieur. On remarque que la façade a été remaniée, avec une partie en schiste local, comme les constructions de part et d’autre édifiées ultérieurement.
L’édifice initial se composait d’une nef de deux travées, d’une travée de chœur et d’une abside à cinq pans. L’abside a une voûte nervurée, la travée de chœur une voûte en berceau légèrement brisé.
Les deux travées de la nef sont voûtées d’ogives d’une facture primitive, correspondant peut-être à un achèvement plus tardif ou à une reprise, au cours du xiiie siècle, de la construction initiale, sans doute de la fin du xiie. Les travées sont cantonnées par des piliers rectangulaires surmontés d’un tailloir mouluré qui se prolonge en corniche tout autour de l’édifice à la naissance de la voûte.
Ensuite, comme très souvent, des chapelles latérales ont été ajoutées au cours des siècles. Elles sont ici nombreuses et l’étude de M. Berdaguer nous est encore particulièrement précieuse car, par l’étude des archives, il a pu retrouver la date d’édification de chacune d’elles, depuis le xive jusqu’au xixe siècle. Du côté nord, dans l’ancienne chapelle Sainte-Catherine du xive siècle, se trouve le tombeau des seigneurs de Beaumont. En face, sous l’ancienne chapelle du Saint-Esprit, dans une crypte voûtée, sont inhumés les prieurs. Dans cette même chapelle, Mme Berdaguer nous détaille les armoiries de différentes familles sculptées sur des culs-de-lampe et sur la clé de voûte.
Paul Bousquet