* Pour davantage de renseignements sur Boffres : Simone Foray, Boffres en Vivarais, La Galipotte (Saoû), 2007.
Boffres est un petit village perché dominant la vallée du
Duzon, affluent du Doux, situé entre Vernoux et Alboussière
dans le Haut Vivarais. On aperçoit de loin une haute tour et une église,
au sommet d’un éperon rocheux à 680 mètres d’altitude
environ. Quelques vieilles maisons s’étagent sur la pente le
long de « calades ».
De la place de l’église on a une belle vue sur la vallée
, sur les collines environnantes et sur une partie du massif alpin.
Une table d’orientation guide les visiteurs.
L’origine du nom
de Boffres vient de son appellation ancienne « Balfredo »,
rocher escarpé froid
(bal, baux, rocher dominant et fredo, froid en occitan).
Effectivement, un vent glacial y souffle souvent en hiver.
L'église en haut du village |
Le premier document que nous ayons sur Boffres date du XIIe siècle.
En 1160 Galbert de Balfram en est le seigneur. Puis ce fut Guillaume
de Beaudiner.
Au XIIIe siècle,
il y eut des co-seigneurs : Giraud Bastet,
seigneur de Crussol, les Templiers de Valence… Boffres était
un fief de l’église de Valence et les seigneurs rendaient hommage à ses évêques.
En
1246 , Philippa de Fay, veuve du puissant comte de Valentinois,
laissa en héritage à son petit fils, Roger d’Anduze,
La Voulte et Boffres. Pendant des siècles le mandement va appartenir
aux seigneurs de La Voulte : les d’Anduze, les Lévis Ventadour,
les Rohan, jusqu’à la
Révolution.
Boffres va vivre une période très noire
pendant la guerre de Cent Ans, puis retrouve la prospérité.
Depuis
1176, les Templiers de Valence ont un établissement à Grozon
qui s’est considérablement agrandi au cours des siècles.
Leurs terres vont s’étendre sur six mandements au XVIIIe siècle
et ils ont joué un rôle politique et économique important
dans la région.
Du milieu de XVIe au
milieu du XVIIIe siècle,
les guerres de Religion affectent profondément la région très
largement convertie au protestantisme ; l’horrible massacre
de l’Herbasse
en 1683 au serre de Muans, la Révocation de l’édit
de Nantes provoquent un exode des habitants et des destructions
de temples.
Plus tard, l’insurrection de Leyris en 1708, l’arrestation du
pasteur Deshubas à Vernoux provoquent répressions et bains
de sang. Il faudra attendre 1787 pour que la paix soit enfin rétablie
et que les protestants retrouvent leurs droits civils.
L'église et le donjon |
La période
révolutionnaire est relativement calme. Bien que
souhaitant des réformes, les habitants évitent les excès
commis ailleurs et plus tard s’opposent aux mesures anti-religieuses.
Un
apogée économique et démographique débute
avec le Consulat et jusqu’à la IIIe République.
C’est le règne des notables et Boffres profite de l’amélioration
des cultures, de l’élevage et des communications (en 1826,
chiffre de population maximum : 1796 habitants)
Le village se singularise
en étant la commune de France ayant répondu
par le plus gros pourcentage de non par rapport à sa population
au plébiscite de Napoléon III, le canton de Vernoux étant
le seul canton ayant refusé ce coup d’état en 1851.
Un
chemin de fer de Valence à Vernoux fonctionne pendant quelques
années, mais la guerre de 1914 a fauché 82 hommes et le chiffre
d’habitants ne cesse de baisser (crises de la châtaigne,
du textile, attraction de la vallée du Rhône).
La municipalité doit
prendre de nombreuses mesures d’assistance.
Peu à peu, la vie va s’améliorer, mais la guerre de
1939 va arrêter cet élan. Beaucoup de jeunes entrent dans la
Résistance et les habitants apportent une aide aux maquis voisins
de Gilhac.
Après la guerre, on prend vite conscience de la nécessité de
développer le tourisme. Chambres d’hôtes, gîtes
ruraux se multiplient, de grands domaines accueillent les vacanciers
et proposent des stages divers… La vie culturelle et sportive se
développe. Le
nombre d’habitants augmente : 620 au dernier recensement, en
2008
De l’histoire de ce village, on peut retenir sa volonté de
résister à tous les absolutismes, pour la liberté de
conscience sous Louis XIV, contre le coup d’état de Napoléon
III, contre les excès de la Révolution….
Le donjon |
Dans le castrum médiéval, on peut voir un certain
nombre de vestiges. La haute tour en fer à cheval est un donjon du XIIIe siècle,
en pierres de granit, qui dominait toutes les routes menant à Boffres
au Moyen Âge. Il en reste les faces est et sud-est avec deux meurtrières.
Du
château, il ne subsiste qu’une citerne, des arases de maçonnerie
et une enceinte relativement bien conservée avec ses ouvertures de
tir.
En dehors de cette enceinte, l’ancienne chapelle du château
est en partie romane (chœur et chevet), devenue église paroissiale
en 1780 après avoir été reconstruite et agrandie, incendiée
en 1745 pendant les guerres de Religion.
L’association Carta, venue
en avril 2008, décèle
un arrachement au nord du bâtiment qui pourrait correspondre à un
escalier menant au clocher.
Avant qu’il y ait cette église,
Boffres avait deux paroisses éloignées
du bourg castral : Saint-Sixte, prieuré bénédictin
dépendant de Cruas et Saint-Michel de Vernes proche de Grozon (Garauzon)
qui dépendra longtemps des Templiers.
Une autre enceinte cerne le
vieux village, en partie conservée et récemment restaurée
dans sa partie méridionale.
On peut en suivre tout le tracé.
Une vieille tour est enserrée
dans la construction de l’église,
portant des éléments de récupération.
Des tours
de l’enceinte, il reste un soubassement et une tour particulièrement
intéressante. Située à l’est du castrum,
cette tour, improprement appelée par les habitants « tour
du calvaire » a
une forme particulière : de 8 m², elle
est constituée par une partie pleine de 3 m²
et une autre de 5 m² dont il reste une basse fosse
et une amorce de voûte en berceau. À la fin du XIXe siècle,
on y installe une croix de mission et au début du XXe on
en fait un belvédère accessible par un escalier, ce dernier
heureusement supprimé.
L’historien Pierre-Yves Laffont, dans
son livre « Atlas
de châteaux du Vivarais du Xe au
XIIIe siècle » estime
qu’il s’agit d’un donjon primitif. Ce peut être
aussi une simple tour de flanquement de l’enceinte dominant le chemin
d’accès au site qui débouchait alors prés de
l’église. Dégagée jusqu’à ses fondations,
on constate qu’elle a de grandes pierres d’angle en grés.
le mur d'enceinte |
La « Tour du Calvaire » |
En avril 2007, la municipalité entreprend des travaux de réfection
du mur d’un jardin privé, à proximité de cette
tour. On a la surprise de trouver d’énormes blocs de pierres
qui, après nettoyage, forment une allée dallée, mais
après photos et prélèvements, il a fallu reconstruire
le mur.
On pense aussi qu’il y eut plusieurs enceintes, une muraille épaisse
est d’ailleurs visible dans la cave d’une maison au sud-ouest
du castrum. Le château lui-même a été reconstruit :
un acte a été signé en 1311 dans « la
maison neuve du château » .
Il y a donc un certain nombre de données intéressantes concernant
ces vestiges qui ne pourraient être interprétées que
par des fouilles archéologiques et des analyses. Mais, pour
commencer, il faudrait consolider la tour dite « du calvaire » et
faire un relevé topographique du castrum.
La municipalité qui
essaie de faire attribuer le label de « village
de caractère » à Boffres souhaiterait une réhabilitation
du site souvent visité (aux journées du patrimoine de 2007,
une centaine de touristes ou habitants ont assisté à une présentation
des lieux).
Simone Foray