Historique - Église Saint-Andéol - église Saint-Polycarpe - Hôtels particuliers - Palais des évêques - Ancien couvent des Ursulines - Couvent de la Présentation de Marie
Ancien couvent des Récollets - Anciennes fontaines - Bassin de Neptune - Vallon de Tourne (lavoir, bas-relief de Mithra) - La statue de Dame Vierne.
En ce début de xxie siècle,
Bourg-Saint-Andéol se
présente comme une petite ville de moins de 8 000 habitants.
Sa population a tendance à baisser au profit des communes du canton,
conséquence
d’une forme de périurbanisation.
De façon classique,
le centre ancien est installé sur un
site de défense et de communication : un rocher au-dessus du
Rhône, au niveau d’un haut fond qui facilite la traversée
du fleuve. Sa situation est intéressante, elle appartient à la
petite région naturelle de la plaine de Pierrelatte qui s’étend
des défilés de Donzère au nord à ceux de Mornas
au sud, c’est-à-dire environ 25 km du nord au sud sur 7-8 km
d’est en ouest. Cet espace se situe au milieu de la vallée
du Rhône, axe majeur de communication et donc à mi-chemin entre
Lyon et Marseille.
Bourg-Saint-Andéol possède un riche patrimoine ; c’est en effet la première commune d’Ardèche par le nombre de monuments classés ou inscrits, donc protégés. Cependant, sa richesse patrimoniale n’a rien d’exceptionnel par rapport aux autres petites villes de cette région ; Saint-Paul-Trois-Châteaux, chef-lieu de cité romaine puis siège épiscopal jusqu’à la Révolution, ne manque pas de monuments intéressants ; Bollène, au débouché du Lez, au nord du Comtat Venaissin, présente aussi de beaux édifices ; grâce à son pont médiéval, Pont-Saint-Esprit, autre ville rhodanienne, contrôle le franchissement du fleuve à sa confluence avec l’Ardèche et sa richesse commerciale marque encore le paysage urbain, notamment avec le remarquable bâtiment aménagé actuellement en musée d’art sacré.
Dolmen du Bois des Géantes |
L’occupation humaine de Bourg-Saint-Andéol est ancienne et
remonte au moins au néolithique, au iiie millénaire
av. J.C. environ, sur le plateau calcaire du Laoul, à l’ouest ;
on y observe la présence de plusieurs dolmens. La nécropole
des Géantes avec ses six sépultures a été fouillée
récemment par une équipe franco-allemande dirigée par
M. Pape et présente les trois types de dolmens qui existent en France.
Plus tard, toujours en hauteur, on repère deux oppida.
À l’époque
romaine, de riches villas se sont installées
plus bas, sur les collines. Une agglomération secondaire est attestée à l’emplacement
de la vieille ville ainsi qu’un temple de Mithra dans le vallon de
Tourne.
À partir des xie-xiie siècles,
la documentation plus abondante montre une cité dynamique, tournée
vers le Rhône
avec un commerce important ; on entrevoit une ville riche. D’après
les travaux de M. Valladier-Chante1 sur les Estimes
de 1464, pour le quart sud-est de l’Ardèche, la moyenne des
fortunes s’élève à 47 livres alors qu’à Bourg elle est de 76 livres ! De plus,
les deux premières fortunes sont bourguésannes et de très
loin. De nombreux monuments rappellent ce passé : les remparts,
les églises
romanes de Saint-Andéol et Saint-Polycarpe puis, plus tard, ce seront
le Palais des Évêques, les couvents des Visitandines et Ursulines,
les hôtels particuliers des xvie,
xviie et xviiie siècles.
Mais à travers cette évocation apparaît un autre caractère de la ville qui est la dimension religieuse, plus précisément catholique. La tradition y situe le martyre d’Andéol, vénéré comme l’évangélisateur du Vivarais ; les évêques de Viviers sont à l’origine de son culte au ixe siècle et de sa relance aux xie et xiie ; ils sont seigneurs de la cité depuis le Moyen Âge et y résident le plus souvent entre la fin du xvie siècle et 1742. Bourg-Saint-Andéol a été, de fait, le centre de la Réforme Catholique en Vivarais au xviie siècle.
Les remparts |
La ville a souffert de la Révolution, perdant les riches terres de la rive gauche du Rhône et les nouvelles divisions administratives la coupent de ses liens naturels avec le sud, avec Pont-Saint-Esprit et le Languedoc plus particulièrement. L’Ardèche est désormais orientée vers le nord !
Alors qu’en France en général, le xixe siècle est marqué par la croissance démographique et l’urbanisation, Bourg-Saint-Andéol voit sa population stagner autour de 4 400 – 4 600 habitants. La cité compte cependant des activités florissantes comme les filatures de soie, les tanneries, les marbreries ; l’entreprise Bouvas a une réputation nationale et l’usine de carrelages Lauzun se développe en lien avec les ciments Lafarge. La ville est l’une des premières de France à bénéficier de l’électrification des rues en 1888 grâce aux revenus de la forêt du Laoul. Après la Révolution, les religieuses de la Présentation de Marie ont installé ici, dans l’ancien couvent de la Visitation, la Maison Mère de leur congrégation ; elles sont aujourd’hui présentes sur les cinq continents.
Au cours du xxe siècle, la ville a perdu peu à peu toutes ses activités industrielles et artisanales. Elle a aussi été profondément traumatisée par la tragédie du bombardement du 15 août 1944 par l’aviation américaine ; cette dernière voulait détruire le pont afin de gêner la retraite des troupes allemandes : elle a manqué le pont, mais meurtri la ville. On a dénombré 150 morts et de nombreux blessés pour une population d’un peu plus de 3 000 habitants et plusieurs quartiers de la ville ont aussi été détruits.
Aujourd’hui, l’évolution démographique de la commune est liée aux cycles d’activités de la vallée du Rhône, la construction des barrages, puis les usines atomiques ; désormais, le travail se trouve sur la rive gauche du fleuve, dans la plaine pierrelattine appelée « le Tricastin » où tout dépend de l’industrie nucléaire. Cette plaine se situe dans un couloir de circulation de première importance à l’échelon national et européen, mais cette petite région est faible par manque d’unité ; en effet, elle est divisée administrativement en trois régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie) et quatre départements (Ardèche, Drôme, Gard et Vaucluse), ce qui l’éloigne des centres de pouvoir que sont Lyon, Marseille et Montpellier.
Marie-Solange Serre
L'église Saint-Andéol est une des plus importantes de la vallée du Rhône. Élevée entre la fin du xie et le début du xiie siècle, elle occupe l'emplacement de l'église carolingienne élevée au milieu du ixe siècle par l'évêque Bernoin, dont il ne subsiste rien.
On sait que Bernoin fut, en 858, l'« inventeur » des
reliques de saint Andéol. D´après la tradition, le diacre
Andéol aurait fait
partie d'une équipe de missionnaires envoyée par Polycarpe, évêque
de Smyrne, à Irénée, évêque de Lyon,
ceci au tout début du iiie siècle.
Tandis que ses compagnons se dirigeaient vers la Bourgogne, Andéol
descendit le Rhône et s'arrêta vers Bergoiata où ses
prédications eurent un trop grand succès aux yeux de l'empereur
Septime Sévère qui, se trouvant à passer par là avec
ses troupes, ordonna l'exécution d´Andéol. Le malheureux
aurait eu la tête fendue en
forme de croix... avec une épée de bois ! Son corps jeté dans le fleuve aurait été recueilli
et enseveli secrètement
par une pieuse dame romaine convertie au christianisme,
du nom de Tullie.
Ces faits sont rapportés dans un texte du ixe siècle,
la vita ou « Passion » de saint Andéol,
ce qui, en 858, incita l'évêque Bernoin à rechercher
les reliques du saint. Saint Polycarpe lui-même lui aurait révélé en songe l'emplacement
de la sépulture
d'Andéol, près du Rhône, là où fut édifiée
ultérieurement l'église
Saint-Polycarpe. Le corps du martyr fut
alors placé dans un sarcophage
antique en marbre blanc qui avait été celui d'un enfant
de cinq ans. Ce sarcophage, actuellement déposé dans
l'église Saint-Andéol, aurait
séjourné dans la crypte de l'église Saint-Polycarpe
jusqu´au début
du xiie siècle.
S'il ne reste rien de l'église carolingienne, quelques éléments sculptés nous sont en revanche parvenus, au premier rang desquels la pierre tombale de l'évêque Bernoin, mort en 874. Celle-ci porte une épitaphe dont le texte a été ainsi restitué (R. Saint-Jean) :
IC INVENITUR TUMULOS BERNUINI EPISCOPI QUI INVENIT CORPUS BEATI ANDEOLI MARTIRIS ET ANC DOMUM ET FONDAMENTUM EREXIT. REXIT ECCLESIAM VIVARIENSEM ANNOS XXIII ET OBIIT PACIFICE IDUS DECIMBRIS V.
Pierre tombale de l´évêque Bernoin |
(Ici se trouve la tombe de l'évêque Bernoin qui découvrit le corps du bienheureux Andéol martyr et qui construisit cette maison [l'église] depuis ses fondations. Il dirigea l'Église de Viviers durant 23 ans et mourut dans la paix le 5 des ides de décembre.)
Cette inscription est entourée d´un superbe entrelacs en forme de tresse à trois brins.
L'une des faces de ce sarcophage antique dans lequel ont été placées,
lors de leur découverte, les reliques de saint Andéol a conservé son
décor d´origine. L'autre face a fait l'objet d'une nouvelle sculpture
au xiie siècle,
lors du transfert du tombeau dans l'église nouvellement construite.
Sur la face « païenne »,
deux petits génies ailés tiennent un cartouche qui nous apprend
que ce tombeau était celui d'un enfant de cinq ans du nom de Tiberius
Julius Valerianus.
L'autre face, reprise donc au début du xiie siècle
et non à l'époque carolingienne comme on l'a cru longtemps, comporte
une longue inscription en l'honneur de saint Andéol gravée dans
un cartouche souligné d'une bordure perlée. Au-dessus et au-dessous
de cette inscription deux bandeaux sont ornés, le premier de deux
motifs d'entrelacs, le second de quatre petits panneaux rectangulaires
renfermant des couples d'animaux affrontés. Enfin, de part et d´autre
de l'inscription, sont figurés deux personnages, saint Polycarpe
à droite, saint Bégnine à gauche.
Sarcophage de saint Andéol, face "chrétienne" |
Sa construction est attribuée à l'évêque de Viviers Léger (ou Léodegaire) (1096-1124). En 1108, pour assurer au nouveau sanctuaire une vie religieuse régulière, l'évêque y appela les chanoines de Saint-Ruf d´Avignon, ordre de chanoines réguliers qui bénéficiait alors d'une grande réputation. Mais bientôt le clergé séculier, sans doute mécontent d'avoir été évincé d'un sanctuaire aussi important, se révolta et chassa les chanoines. Il s'en suivit un siècle de dissensions, ponctué de bulles pontificales enjoignant à l'évêque de réintégrer les chanoines. Ce n'est qu´en 1206 qu'Innocent III réussit à imposer leur retour définitif. Ils administrèrent l'église et le prieuré jusqu'à leur sécularisation en 1772.
Au cours des guerres de Religion, l'édifice subit des dégâts
considérables et son trésor fut pillé lors de la prise de la ville
par les troupes du baron des Adrets en 1568.
Malgré des réparations, d'ailleurs plus ou moins heureuses, réalisées
aux xviie et xviiie siècles,
l'église était en piteux état lors de son classement en 1854. Une
restauration radicale fut réalisée entre 1862 et 1868, mais souvent
sans respecter le style de l'édifice, notamment en ce qui concerne
l'intérieur de l'abside. L'église échappa par miracle au bombardement
du 15 août 1944, deux chapelets de bombes étant tombés au nord
et au sud.
Le chevet orné d´arcatures lombardes |
Pierre de remploi encastrée dans un contrefort de l'abside |
L'édifice est remarquable par son chevet, son transept saillant, sa puissante tour lanterne élevée dans la deuxième moitié du xiie siècle, surmontée plus tard d'une flèche.
Deuxième étage de la tour lanterne |
Côté sud |
Les trois absides semi-circulaires, relativement hautes et étroites, sont ornées d'arcatures lombardes, décor qui s'étend d'ailleurs à l'ensemble de l'édifice. Il a été restauré au xixe siècle. Ce décor, ainsi que le parement des murs en petit appareil calcaire régulier sommairement taillé au pic reste dans la tradition du premier art roman méridional.
La tour-lanterne octogonale repose sur une souche carrée qui recouvre la coupole de la croisée du transept. La base en est également décorée d’arcatures lombardes. Le premier étage, construit en moyen appareil, avec des pilastres unis aux angles de l’octogone, est simplement ajouré de grandes baies plein-cintre. Mais le deuxième étage a reçu une ornementation beaucoup plus riche. Souligné par un cordon d’oves et de dents d’engrenage, il est flanqué de pilastres cannelés, tandis que ses baies géminées sont richement décorées d’archivoltes très travaillées et de colonnettes aux chapiteaux sculptés, tous différents.
Les façades latérales, très restaurées au xixe siècle, sont contrebutées par des arcs-boutants construits au xviie siècle pour consolider l'édifice gravement endommagé au cours des guerres de Religion.
Façade occidentale |
La façade occidentale ne date que du xviiie siècle, car l’église était jusque là dotée d’une deuxième abside, ou contre-abside, disposition rare en France, mais qui existe encore tout près de Bourg-Saint-Andéol, à La Garde-Adhémar, dans la Drôme. Cette contre-abside était creusée à l’intérieur de niches, suivant une disposition d’inspiration probablement catalane, que l’on rencontre dans quelques autres églises ardéchoises. Le petit clocheton flamboyant a été élevé au xvie siècle pour abriter une horloge.
C'est une architecture aux lignes très pures, soulignées par la rareté de la décoration, que nous découvrons en pénétrant dans ce vaste édifice dont les voûtes culminent à près de 17 mètres de hauteur. La lumière dorée qui tombe des vitraux contemporains atténue agréablement la sècheresse de la pierre blanche.
Son plan
comporte une nef de quatre travées, flanquée de
collatéraux,
un transept saillant sur lequel s'ouvrent une grande abside et
deux absidioles de plan semi-circulaire voûtées en cul-de-four ;
chacune des trois absides est précédée d´une courte
travée de chœur.
La nef est couverte d´un berceau plein cintre renforcé de doubleaux
qui retombent sur de minces pilastres dont l'imposte est simplement
chanfreinée.
Les bas-côtés, également voûtés en berceau communiquent avec la nef par de
grandes arcades en plein cintre. Au-dessus des collatéraux, les
murs de la nef sont percés de baies en plein cintre qui en assurent
un éclairage relativement abondant.
La croisée du transept est couverte d’une audacieuse coupole, profonde de sept mètres et qui culmine à près de 24 mètres. Il faut remarquer le clavage rayonnant des trompes, d’une rare perfection, et le motif en forme de coquille à leur départ. Les tableaux qui les séparent sont garnis d’une triple arcature portée par de courtes colonnettes à chapiteaux ornés. Une disposition analogue a été reprise dans la petite église de Larnas.
Détails de la coupole
On peut ainsi conclure, avec Yves Esquieu (loc. cit.) que, malgré la suppression de la contre-abside au xviiie siècle et des restaurations souvent abusives au xixe, l'église de Bourg-Saint-Andéol reste un édifice marquant de l'art roman dans la vallée du Rhône.
- Saint-Jean (Robert), Vivarais roman, La Pierre-qui-Vire, Zodiaque, 1991, p. 95.
- Esquieu (Yves), « Bourg-Saint-Andéol - L'église de Saint-Andéol » Congrès archéologique de France - Moyenne vallée du Rhône, Paris, Société française d'archéologie, 1992.
C'est saint Polycarpe, évêque de Smyrne, disciple de saint Jean, qui, selon la tradition, aurait envoyé le diacre Andéol en Gaule. L'église que nous voyons aujourd'hui est un édifice roman dont l'origine paraît remonter au deuxième quart du xiie siècle, mais qui a subi tant de transfomations qu'il est impossible à première vue d'en imaginer la structure initiale. Pourtant celle-ci, particulièrement intéressante, a pu être retrouvée, grâce notamment au travail de maîtrise d'Anne Deirmendjian, effectué sous la direction de Yves Esquieu. (Anne Deirmendjian, L'église Saint-Polycarpe à Bourg-Saint-Andéol (Ardèche), mém. de maîtrise, Université d'Aix-Marseille I, 1997).
Le portail est décoré d'une frise de palmettes |
Il s'agit d'une église à nef unique, voûtée en berceau légèrement brisé, avec arcs doubleaux et arcs de décharge latéraux. Mais l’organisation de l’espace y était très particulière.
Église Saint-Polycarpe - Plan et coupe longitudinale ouest-est de l'édifice du XIIe siècle (restitution par Anne Deirmendjian)
Le trait rouge représente le sol de la nef actuelle.
Le chœur, probablement surmonté d'une coupole, était surélevé par rapport à la nef, dont le sol se situait bien au-dessous du niveau actuel et à laquelle on accédait à partir du portail par des escaliers. Formé d'un transept peu débordant et d'une abside semi-circulaire, ce chœur était construit au-dessus d'une crypte de plan tréflé. On atteignait celle-ci par deux escaliers ménagés dans l'épaisseur des murs nord et sud de la nef, accessibles par des portes s'ouvrant dans les murs occidentaux des bras du transept (voir le plan ci-dessus).
La construction de la crypte apparaît très soignée, en pierres de taille avec de nombreuses marques de tâcherons. Elle a certainement été construite pour abriter les reliques de saint Andéol, ce que tend à confirmer une inscription du xiie siècle, dans l’escalier nord, ainsi rédigée : « Sce Andeole intercede pro nobis ». L'église a été édifiée pour permettre la vénération de ces reliques, avec l’autel situé juste au-dessus de celles-ci. Au Moyen Âge, cette vénération est reliée à l’Eucharistie ; on veut bien affirmer ainsi que c’est le Christ seul qui sauve.
La crypte était de plan tréflé, formée de trois absides semi-circulaires voûtées en cul-de-four ; |
Buste de saint Andéol (sur l'autel) |
Plan actuel |
Mais les modifications ultérieures masquent complètement cette organisation primitive. À l'origine, l'intérieur du bâtiment formait un seul volume étroit et de grande élévation (voir la coupe ci-dessus). Or, à une époque indéterminée, il fut divisé en deux dans le sens de la hauteur par la création, au niveau du chœur, d'un plancher qui forme le sol de la nef actuelle. L'abside a été détruite et la nef a été ensuite prolongée jusqu’aux remparts, par la création de deux travées supplémentaires. Par ailleurs au xixe siècle, lors de la construction des quais, le sol du niveau inférieur de l'église a été surcreusé et se trouve actuellement à 1,84 m au-dessous de son niveau primitif. C'est à cette hauteur que se retrouvent par exemple la base des pilastres soutenant les doubleaux de la nef, qui se prolongeaient jusqu'au sol primitif.
Marque de tâcheron dans la crypte / |
En conclusion, selon Anne Deirmendjian, « L'église Saint-Polycarpe apparaît désormais comme un témoignage monumental du culte andéolien, dont le sarcophage n'est ainsi pas seul représentatif. À ce titre, elle mérite d'être plus largement connue car l'originalité de sa crypte de plan tréflé, la rareté de son chœur surélevé en font un monument unique dans la région et même exceptionnel en rapport des dimensions de l'édifice. C'est un exemple intéressant d'architecture entièrement suscitée par la liturgie qui s'y déroulait, toute entière élevée à la gloire d'Andéol ; si l'historicité du martyr a été niée, son culte n'en a pas été moins réel et le nom qu'il a laissé à la ville, à l'église principale et à nombre de localités environnantes le prouve. L'église Saint-Polycarpe, longtemps prise pour preuve de l'existence de saint Andéol est en réalité un superbe témoignage de foi et d'hommage rendu, envers celui qui restera dans la mémoire légendaire "l'apôtre du Vivarais". »
Bourg-Saint-Andéol qui, rappelons-le, est la commune d'Ardèche qui compte le plus grand nombre d'édifices protégés au titre des Monuments historiques, a conservé en particulier de magnifiques hôtels particuliers. En voici quelques-uns.
Tour de l'hôtel Nicolay |
La famille de Nicolay est considérée comme la plus importante parmi celles issues du Bourg-Saint-Andéol. Elle dut le commencement de sa fortune au commerce du drap. Le premier Nicolay apparaît dans les archives en 1386, date où il épousa Monette Privat, d'une vieille et riche famille du pays. Un de ses fils, Ahoult, fut consul en 1414. C'est son fils Jean, premier du nom, qui entreprit la construction de l'hôtel vers 1450. Le fils de ce dernier, Jean II, fut conseiller au Parlement de Toulouse. Il accompagna Louis XII lors de la conquête de Naples et fut nommé par le roi grand chancelier de ce royaume, charge qu'il occupa de 1501 à 1503, date où les Français furent expulsés de Naples. Il fut ensuite nommé maître des requêtes, puis premier président de la Chambre des Comptes, charge qui se transmettra de père en fils jusqu'à la Révolution, huit de ses successeurs l'occupant ainsi pendant près de trois siècles.
Jean II agrandit et embellit l'hôtel familial. Sous l'influence de l'architecture italienne qui l'avait séduit lors de ses voyages, il fit ajouter à la tour l'élégant balcon à deux étages avec balustres et décor de rinceaux que l'on admire encore, dans le style alors nouveau de la Renaissance.
C'est ainsi que nous trouvons côte à côte une partie de style gothique tardif, la tour et la façade orientale, et une autre de style Renaissance, la double galerie avec notamment sa clef pendante.
La tour octogonale crénelée renferme un
bel escalier à vis à noyau hélicoïdal évidé.
Porte de la tour |
Base de la tour et balcon Renaissance avec balustres, décor de rinceaux et clef pendante |
Vers la fin du xvie siècle, les Nicolay, retenus à Paris par leurs hautes fonctions, n'habitaient plus le Bourg et vendirent leur hôtel en 1583. Celui-ci connut plusieurs propiétaires, notamment l'illustre famille de Serre, marquis de Gras, qui le conserva et l'entretint de 1672 jusqu'au début du xixe siècle. En 1879 il fut racheté par l'héritier et chef de famille de la maison de Nicolay à laquelle il appartient depuis et qui en entreprit la restauration.
Malheureusement, le bombardement meurtrier du 15 août 1944 détruisit complètement l'hôtel et endommagea la tour. Le propriétaire, marquis Aymard de Nicolay, entreprit la reconstruction de l'hôtel avec ses attributs ornementaux d'origine, opération qu'il put partiellement mener à bien.
L'hôtel de Nicolay est inscrit sur la liste supplémentaire des monuments historiques depuis 1926.
Motif décoratif du portail |
Les Bonot sont présents à Bourg depuis la fin du xve siècle. Ils ont été successivement notaires, puis marchands de draps (seconde fortune derrière les Nicolay en 1464), hommes de loi avant de devenir nobles. Leur hôtel dans la Grand Rue a été agrandi et réaménagé au xviiie siècle à l’occasion du mariage d’Emmanuel de Bonot, marquis de Villevrain (par sa mère) avec Marie-Elizabeth Xavière Robert d’Aquéria de Rochegude, originaire d’Avignon, en 1748. C’était une alliance courante entre deux noblesses, l’une récente mais riche et l’autre ancienne mais désargentée.
Il s’agit d’un hôtel entre cour et jardin, plan habituel dans le quartier du Marais à Paris et diffusé en Province. Il se compose d’un corps principal et de deux ailes. On pénètre dans la cour d’honneur par une porte en plein cintre décorée de motifs floraux sur des cuirs enroulés. La porte du bâtiment principal est mise en valeur par un perron avec des balustres en forme de poires.
Escalier d'honneur |
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Cheminée monumentale |
À l’intérieur, l’escalier d’honneur
affiche le rang social des propriétaires avec une superbe rampe en
fer forgé.
Celle-ci apparaît très ouvragée avec des feuilles d’acanthe
et des feuilles d’eau. Au centre, en fer repoussé, on retrouve
les initiales des Aquéria-Villevrain surmontées de la couronne
de marquis.
En montant par l’escalier, on accède à la
Grande salle qui semble plus ancienne, peut-être du xviie,
avec un plafond à la
française. Là se trouve une monumentale cheminée en
stuc à l’ornementation très chargée.
Jean de Digoine a été consul en 1581 ; il se distingua par sa conduite courageuse lors d'une épidémie de peste et en 1588 il représenta la ville aux états du Vivarais. Son fils Jean-Baptiste fut deux fois consul, collecteur des tailles et juge de l'évêque de Viviers. Plusieurs de ses descendants furent également consuls.
Ce n'est qu'au début du xviiie siècle que la famille Digoine se fit construire une belle demeure au quartier de Briançon. Celle-ci confrontait une maison appartenant à M. Mathieu Giraud, négociant en soie, qui fut lui-même consul en 1775 et dont les descendants ont occupé aussi d'importantes situations. L'un deux, dans le courant du xixe siècle, alors que les vers à soie étaient décimés par la pébrine, entreprit un voyage en Chine à la recherche de nouvelles souches.
En 1774, Jean Agathange de Digoine, qui avait quitté le Bourg pour aller s'istaller à Germigny-en-Bourbonnais, pays de son épouse, vendit son hôtel à son voisin Giraud. Celui-ci réunit les deux demeures et en fit la belle habitation que nous connaissons. Elle est composée d'un corps de logis principal flanqué de deux ailes autour d'une cour pavée. La grille d'entrée en ferronnerie présente un couronnement décoré de feuilles et des initiales des propriétaires.
Actuellement la demeure a été aménagée en maison d'hôtes.
La famille Doize était fort ancienne au Bourg, mais elle ne commença à jouer un rôle important qu'au début du xviiie siècle et ce rôle fut de courte durée, s'éteignant au début de la Révolution.
Hôtel Doize |
L'accession rapide à la fortune et à la noblesse de la famille Doize se fit à la faveur de spéculations financières heureuses. En effet, Jean-François Doize, qui avait obtenu une charge de secrétaire du roi, mit à profit son séjour à Paris pour prendre part aux spéculations
financières qui furent provoquées, entre 1715 et 1720, par les opérations du
banquier Law, contrôleur des finances sous la Régence, et qu'on
a appelées « le système de Law ». Plus heureux ou plus adroit que la plupart
des agioteurs de cette époque qui essuyèrent des pertes considérables, François Doize eut la chance de
réaliser d'importants bénéfices qui lui permirent de faire
l'acquisition de grands domaines à Pierrelatte et à Lapalud ;
il acheta également la terre et le château de Frémigières, situés au
terroir de Saint-Marcel-d'Ardèche et fit construire son hôtel en 1733.
Avec la fortune, le désir des honneurs était venu à François Doize ; on le voit, en effet, acheter, en 1740, un office de président à la Chambre des Comptes de
Grenoble, puis la terre et le fief de Vinsobres en Dauphiné
dont il obtint, en 1753, l'érection en comté.
C'est de cette époque que date l'agrandissement
et l'embellissement de l'hôtel où furent ajoutées
la belle façade et la cour d'entrée du plus pur style Louis XV. Il y avait tous les appartements en double, pour l'été et pour l'hiver, en tout 22 pièces richement ornées.
L'hôtel Doize abrite actuellement une collection privée en exposition permanente de dentelles (xvie-xxe siècles), vêtements brodés (xviie-xxe) et textiles anciens (iiie-viie).
L'hôtel Doize est en grande partie classé Monument historique. La partie non classée est inscrite sur la liste supplémentaire.
La famille Girard joua un rôle important au Bourg aux xviie et xviiie siècles. Le premier connu est un certain Guillaume Girard, venu s'y installer avec sa famille en 1550. Plusieurs de ses descendants furent consuls, beaucoup exercèrent des professions libérales, notaires, avocats, maîtres-chirurgiens. L'un d'eux, prêtre, fut curé de Saint-Polycarpe, puis de Saint-Andéol. En 1750 Nicolas Girard, la principale illustration de la famille, est conseiller du roi, avocat au Parlement, juge général des terres de l'évêché et consul.
En 1763, son fils quitte le Bourg et vend le bel et vaste hôtel de la famille à deux acquéreurs qui se le partagèrent, la partie principale revenant à Pierre Pontal, négociant. C'est là que se trouve
la belle porte d'entrée, du plus pur style Louis XV, surmontée d'un
élégant balcon avec rampe en fer forgé sur lequel s'ouvre une grande fenêtre ornée de délicates sculptures. L'ensemble est très
décoratif ; malheureusement, cette porte, qui dut être ajoutée au
xviiie siècle, n'a aucun rapport d'architecture avec le reste de
la façade dont la construction, plus simple, est bien antérieure.
à signaler, dans cette maison, un beau vestibule, une rampe
d'escalier en fer forgé et un jardin suspendu obtenu avec des
terres rapportées.
L'hôtel devint la propriété de Mme Pontal, née de Mégret, veuve du docteur Paul Pontal,
un des descendants directs de Pierre Pontal, l'acquéreur de 1763.
La porte, le balcon et l'avant-corps de l'hôtel sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1939.
Hôtel du Charnève |
Bourg Saint-Andéol possède bien d'autres joyaux architecturaux, témoins de la prospérité de la ville durant plusieurs siècles.
Citons :
- l'hôtel de Gabriac (10 rue Paul-Mazet). Date du xviiie siècle ; une chambre à alcôve au 1er étage est inscrite.
- un immeuble du xviiie siècle (maison Ymonier), place Julien-Rigaud (ex place du Marché) présente une belle façade avec balcons en ferronnerie très ouvragée. Partiellement inscrite en 1946 (façade sur rue et toitures, escalier avec sa rampe en fer forgé.
- Maison Charmasson-Chalamel (place Julien-Rigaud). Celle-ci présente une jolie tour de style gothique engagée dans la façade, tour qui abrite un escalier en vis desservant tout le bâtiment.
Partiellement inscrit (façade sur rue et escalier).
- l'hôtel de Balzagette du Charnève (32 Grande Rue). Datant du xviie siècle, cet hôtel particulier est partiellement inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques (façade sur la Grande Rue, toitures et escalier).
À gauche, façade de la maison Ymonier. |
- Grande Rue se trouvent aussi les écoles publiques du Centre, à l’emplacement même où fut fondé le premier collège religieux de la ville ; après une première tentative par les Oratoriens en 1654, ce sont les Barnabites (clercs réguliers de Saint-Paul) qui vont faire la réputation de l’établissement, ne le quittant que par obligation en 1790. Seul témoin de l’église Notre-Dame de Lorette, une chapelle dédiée à saint Charles Borromée (xviie siècle), construite pour l’évêque Louis de Suze, bienfaiteur du collège : servant aujourd’hui de débarras, elle mériterait un bon rafraîchissement avec la mise en valeur de ses piliers et de la voûte.
Palais des évêques - Façade orientale |
Le palais des évêques fut construit vers 1540 par Claude de Tournon qui, en tant que seigneur spirituel et temporel du Bourg, voulait avoir dans cette ville un palais qui portât l'empreinte de sa souveraineté et fût en même temps une résidence plus confortable que l'ancien évêché de Viviers. Il en choisit l'emplacement au bord du Rhône, sur une falaise escarpée dont le fleuve baignait le pied. Son successeur, Jean de l'Hostel, en désaccord avec son chapitre, vint se fixer au Bourg en 1602. Les évêques y résideront ensuite jusqu'en 1742, date à laquelle, sur ordre du Saint-Siège, François-Renaud de Villeneuve retourna s'installer à Viviers dans le magnifique hôtel qu'il venait de s'y faire construire, aujourd'hui hôtel de ville.
Le palais des évêques connut ensuite diverses destinations, d'abord petit séminaire, puis hôtel de ville et même caserne durant la Révolution, de nouveau petit séminaire puis, lorsque celui-ci fut transféré à Aubenas, l'édifice fut racheté par les religieuses de la Présentation. Il est de nos jours la propiété d'une association.
Palais des évêques - Cour principale - Entrée du musée Margotton |
La façade principale du palais, qui regarde le Rhône, bâtie dans le style gothique,
est restée fort belle malgré les modifications qu'elle a subies ; elle comporte deux étages élevés sur rez-de-chaussée
et percés de grandes fenêtres dont les meneaux ont
disparu. Le haut du
mur est couronné par une corniche portée sur des corbeaux et
garnie de gargouilles malheureusement mutilées. Les créneaux ont
disparu mais, en revanche, d'élégantes échaugettes bien
conservées achèvent de donner à cette construction un beau
caractère.
Primitivement, il existait, au-devant du rez-de-chaussée, un
grand balcon soutenu par une voûte dont les pieds-droits reposaient
sur le roc. Malheureusement, en 1862,
on eut l'idée d'utiliser le vacant de dessous en y construisant des
locaux industriels qui furent recouverts par une immense terrasse
reliée au balcon primitif. De ce chef, la falaise sur laquelle est
bâti le palais fut masquée.
Le Palais des évêques est classé Monument historique dans son intégralité depuis 1946.
Les religieuses Ursulines se dévouèrent à Bourg-Saint-Andéol depuis leur arrivée le 28 mars 1618 jusqu'à leur expulsion le 16 septembre 1792. Ces « Dames de Sainte Ursule » viennent du couvent de Montélimar et s'installent, tout d'abord, au nord de la ville. Elles s'y établissent, selon la vocation de leur fondatrice, Angèle de Merici, pour assister les personnes en difficulté et surtout donner une éducation gratuite aux jeunes filles pauvres.
Mairie actuelle |
Elles ouvrent immédiatement une école qui a un grand succès :
vers 1630 elles ont une centaine d'élèves, sans compter
les jeunes pensionnaires qui logent dans le couvent. N'étant pas
cloîtrées, elles vont secourir les pauvres à domicile.
Mais les autorités religieuses voient d'un mauvais œil ces
femmes « libres » et font pression sur elles pour qu'elles
s'enferment dans un cloître. Elles obéissent en 1624 et se
consacrent ensuite surtout à leur rôle d'éducatrices.
Leur premier couvent est rapidement trop petit et, en 1622, elles achètent
une plus grande maison dans le quartier de Briançon, au sud-est du
Bourg. Ce qui est maintenant la place de la Concorde est à l'époque un entassement
de maisons, chazals, étables et feniers, enfermés dans l'angle
des remparts et dominés par deux tours, la tour de Constance et la
tour des Grailles. Pour désenclaver leur couvent, elles achètent
peu à peu les maisons avoisinantes qui sont abattues et font place à leur
jardin, puis aux nouveaux bâtiments.
La construction du couvent se
fait en trois étapes principales : d'abord, de 1622 à 1627,
l'aile sud (Hôtel de Ville actuel).
Puis, de 1642 à 1651, l'aile ouest qui comprend surtout leur grande église.
Enfin, de 1682 à 1686, l'aile nord où logeront les pensionnaires.
Cette aile a une particularité : le chef d'entreprise qui l'édifie
est une femme, Bénigne Chalamel. Ce n'est donc qu'au bout de 64 ans
qu'elles ont achevé leur couvent, en fer à cheval autour du
cloître, celui-ci étant fermé sur le quatrième
côté par le rempart est de la ville.
Que reste-t-il de cet ensemble qu'admiraient les habitants de l'époque ?
Bien peu de choses sont encore visibles aujourd'hui. La façade
de la mairie, l'aile sud, a été entièrement remaniée
en 1891 avec ajout d'un perron monumental et d'une corniche. L'aile
nord, divisée entre plusieurs particuliers, a été utilisée,
entre autres, pour entreposer le matériel d'entretien du pont suspendu.
Quant à l'aile ouest, elle est abattue après le bombardement
du 15 août 1944 et laisse place à la rue.
Pour retrouver un
témoin de l'époque des Ursulines, il faut
descendre dans le sous-sol de la mairie. Là, semi-enterrée
depuis le relèvement du niveau de la place, subsiste la chapelle
qui a servi aux religieuses entre 1627 et 1651. Elle était ornée
de peintures sur un enduit de chaux (ou de fresques ?) représentant
des rinceaux de feuillage avec un cartouche dont on peut encore
lire une partie de l'inscription :
« Dans ce Temple Sacré [...] chantons les louanges [...] de la terre et des cieux [...] en ces saints lieux [...] avec les concerts des anges. »
Ces peintures très endommagées finissent de se dégrader et n'existeront probablement plus dans un proche avenir si aucune mesure de sauvegarde n'est entreprise.
On trouvera une étude très détaillée du couvent des Ursulines dans l’article de Claude Chidaine cité en référence.
Marie Rivier |
C'était avant la Révolution le couvent de la Visitation, fondé en 1660. C'était un important établissement d'éducation pour les jeunes filles, plutôt réservé aux enfants des familles aisées, tandis que celui des Ursulines s'adressait davantage aux classes populaires. Survint la Révolution qui dispersa les Visitandines et confisqua leurs biens.
Pendant ce temps, à Montpezat, une pauvre fille de 18 ans, de santé fragile, Marie Rivier, sans aucun appui, avait fondé en 1786, avec trois compagnes, une école, un patronage pour les jeunes filles et une œuvre d'assistance aux pauvres. En 1796 elle fondait à Thueyts, avec quatre compagnes seulement, la congrégation de la Présentation de Marie. Celle-ci se développa rapidement puisqu'à la mort de sa fondatrice, en 1828, elle comptait pas moins de 141 établissements et plus de 350 religieuses. De nos jours, la congrégation compte près de mille religieuses réparties dans 19 pays.
La maison mère de Thueyts étant devenue insuffisante, les religieuses choisirent de s'installer au Bourg-Saint-Andéol, ce qui fut réalisé en 1819, dans l'ancien couvent des Visitandines qui, malgré ses dimensions, nécessita d'importants agrandissements.
Aujourd'hui cet établissement joue un rôle économique et social important, étant le premier employeur de la ville (lycée et maison de retraite).
On peut encore voir à l'étage la chambre et le lieu de travail de la fondatrice où se trouvent toujours son lit et ses objets personnels.
Bureau de Marie Rivier |
Chapelle du couvent |
Fresques de la crypte |
Vitrail |
Dessin : Baussan in R. Labrely, op. cit. |
Proche du couvent de la Présentation se trouve l'ancien couvent des Récollets, aujourd'hui hôpital. La fondation de ce couvent remonte à 1473, grâce à un don de Raymond Nicolay, don auquel vinrent s'ajouter ensuite d'autres donations. Le couvent fut dévasté en 1562 par les troupes protestantes du baron des Adrets. Après remise en état des bâtiments par la ville, les Récollets s'y réinstallèrent en 1588. Ils se signalèrent en particulier pour leur dévouement lors de la peste de 1629.
à la Révolution, le couvent fut vendu comme bien national. M. Mathieu Giraud,
membre du Bureau des pauvres et de la commission de l'hospice,
s'en rendit acquéreur pour le prix de neuf mille cinquante livres pour le compte de l'hôpital, qui y fut transféré peu de temps
après.
La chapelle est surmontée d'un clocher construit au xviie siècle, formé d'une tour carrée, surmontée d'une seconde tour octogonale et d'un dôme sur lequel repose une élégante lanterne. Cette chapelle est classée Monument historique depuis 1919, avec les nombreux objets d'art qu'elle abrite (retable en bois sculpté du début du xviie siècle, devant d'autel en soie brodée, lavabo de marbre et nombreux tableaux).
Après s'être alimenté en eau durant des siècles au moyen de puits insalubres et de deux sources situées en dehors de l'agglomération, le Bourg entreprit en 1612 l'adduction des eaux du ravin de Tourne. Les travaux furent exécutés très soigneusement ; on construisit en effet un souterrain voûté sur le
sol duquel les tuyaux furent déposés à nu, la hauteur du souterrain permettant de faire facilement l'inspection de
l'état de la conduite et d'exécuter les réparations nécessaires. Dans l'agglomératiion, on construisit notamment une fontaine adossée au mur de clôture de l'hôtel de Digoine, dite Les Grandes Fontaines (inscrite à l'inventaire supplémentaire) et une autre rue Ramade, dite Les Petites Fontaines.
On aménagea également près
de la source un petit lavoir qui a été remplacé en 1846 par le grand lavoir actuel.
Petites Fontaines |
Grandes Fontaines |
Le Grand Jardin est une propriété qui fut créée vers le milieu du xviie siècle par l'évêque de Viviers, Louis-François de la Baume de Suze, qui avait fait du Bourg sa résidence habituelle. Il habitait le somptueux palais construit par son prédécesseur Claude de Tournon, mais qui ne disposait pas de jardin. Aussi souhaita-t-il se faire construire, comme pied-à-terre, une villa avec un vaste et beau jardin sur un grand terrain qu'il acquit au bord du Rhône. Il y fit amener les eaux de la fontaine de Tourne, celles-ci débouchant dans un élégant bassin orné d'une statue de Neptune assis sur une urne d'où coule l'eau de la source.
Le bassin de Neptune est classé Monument historique depuis 1932.
Dessin : Baussan in R. Labrely, op. cit.
Ce site verdoyant et bien aménagé, situé en pleine ville, inspirateur de nombreux poètes et écrivains, notamment de Frédéric Mistral dans son Poème du Rhône, est surtout remarquable par deux sources abondantes, formant la fontaine de Tourne ; celle-ci se présente sous la forme de deux bassins, situés à faible distance l'un de l'autre et adossés à un rocher calcaire, le Grand Goul et
le Petit Goul. Il s'agit en fait de deux résurgences de type Vauclusien. Outre ces deux sources, une troisième jaillit sur la rive gauche de la rivière. Elle est invisible, car captée depuis 1847 dans un réservoir hémisphérique adossé au lavoir qu'elle alimente. C'est cette source qui fut captée dès 1612 pour alimenter les Grandes et Petites Fontaines et quelques autres points de la ville, notamment l'hôpital et le Grand Jardin de Mgr de Suze.
La rivière de Tourne, avant de se jeter dans le Rhône quelques centaines de mètres plus loin, faisait autrefois tourner plusieurs moulins et alimentait aussi des tanneries.
Le petit lavoir aménégé au xviie siècle a été remplacé en 1846 par l'imposant monument de style antique que nous voyons aujourd'hui.
Les Fontaines de Tourne ont été classées en tant que site en 1934. Le lavoir est inscrit à l'inventaire supplémentaire (1946).
Bas-relief de Mithra à Bourg-Saint-Andéol |
Les eaux de la fontaine de Tourne s'échappent du pied d'une paroi rocheuse à pic sur laquelle est sculpté un bas-relief d'époque romaine de 1,15 m de hauteur sur 1,25 m de large qui représente le dieu Mithra. La scène est assez difficilement lisible du fait de l'érosion, mais la connaissance que l'on a d'autres de ses représentations aide à la reconstituer. Mithra se présente sous la forme d'un jeune homme vêtu d'une tunique et d'un manteau court et coiffé d'un bonnet phrygien. Du genou, il presse et tient assujetti un taureau dont la queue se termine par trois épis de blé ; de la main gauche, il lui tient le mufle relevé, tandis que de la droite il le frappe d'un poignard. Sous le taureau rampe un grand serpent.
Cette partie principale de la composition est accompagnée de plusieurs
figures allégoriques. Un chien s'élance vers le cou de la victime comme pour lécher
le sang qui en découle. Au-dessous du taureau un énorme
scorpion cherche à le piquer. Dans le haut et au milieu du
tableau, un corbeau est prêt à fondre sur la victime. Aux angles
supérieurs sont deux figures, l'une à droite, entourée
de onze rayons, représente le soleil ; l'autre à gauche, surmontée d'un croissant, figure la lune.
à l'angle inférieur gauche du bas-relief un cartouche comporte une inscription latine qui n'est plus guère lisible, qui a donné lieu à diverses interprétations avant celle que Roger Lauxerois a proposée en 1972, que l'on doit pouvoir considérer comme définitive :
(R. Lauxerois, « La dédicace du bas-relief mithriaque du Bourg-Saint-Andéol », Revue du Vivarais, n° 631, 1972.)
« Je propose la restitution :
Num[in]ib(us) Au[g]ustor(um) / Deum Inuictum /
T(itus) Aur(elius) [...?] d(e) s(ua) p(ecunia)
f(ecit).
avec la traductiion suivante :
Aux numina des Augustes. Titus Aurelius... a fait faire (cette image du) dieu invincible à ses propres frais ».
Roger Lauxerois pense pouvoir dater cette œuvre de la fin du iie ou du début du iiie siècle ap. J.-C.
Elle est classée Monument historique depuis 1927.
De nombreux monuments relatifs au culte de Mithra se trouvent dans le monde, mais on n'en compte que cinq en France, parmi lesquels celui de Bourg-Saint-Andéol occupe une place particulière, car c'est le seul qui soit sculpté sur la paroi d'un rocher, sur le lieu même du culte. Le musée du Louvre en possède un très bel exemplaire de grandes dimensions (2,54 m x 2,75 m) sculpté dans le marbre.
Mithra au musée du Louvre |
Mithra est un dieu indo-iranien dont l'existence est avérée dès le xive siècle av. J.-C. Divinité solaire, il est garant de la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort ; dans sa forme gréco-romaine, Mithra apparaît comme un cosmocrator (responsable du cosmos), garant du mouvement des astres et en premier lieu du soleil. La vie de Mithra est une succession d'exploits : ayant pris en charge le cosmos dès sa naissance, il fait, dans le courant de sa vie, apparaître une source fécondante grâce à un tir à l'arc dans un rocher. Puis il capture un taureau qui détient des éléments vivifiants et l'égorge. Le sang du taureau irrigue la terre et régénère la vie dans l'univers. Mithra vit alors son apothéose : alliance avec le soleil, repas pris en commun et envol sur le char solaire.
D'après Plutarque, le culte de Mithra est connu des Romains lors des expéditions de Pompée en Asie Mineure au ier siècle av. J.-C. Cette religion à mystères, exigeant une initiation, des vertus morales, assurant le salut dans l'au-delà contrairement à la religion romaine traditionnelle, développant une réelle fraternité entres ses adeptes, réconforte et connaît un grand succès dans l'empire romain aux iie et iiie siècles ap. J.-C.
Sa diffusion est favorisée par les déplacements des armées romaines d'un bout à l'autre de l'empire, le développement des échanges commerciaux et la faveur de plusieurs empereurs dont Néron qui se fait initier au culte de Mithra.
Ce culte, réservé aux hommes, séduit surtout les soldats, car Mithra est aussi le protecteur des défenseurs du territoire, mais également tous ceux qui souffrent et ne trouvent aucun réconfort dans la religion traditionnelle, les esclaves et les affranchis. Les lieux de culte sont surtout sur le limes (frontières de l'empire), dans les ports et autres centres de grand commerce.
Comme tous les cultes païens, celui de Mithra est interdit par l'empereur Théodose en 391-392 ap. J.-C.
Françoise Bousquet-Ledavre
- Le Glay (Marcel), La religion romaine, Armand Colin 1971
- Sur Internet : leg8.fr/monde-romain/culte-de-mithra
Sur la place du Champ de Mars, une fontaine monumentale en marbre blanc de Carrare, datant de 1888, est surmontée de la statue de Dame Vierne, personnage resté dans la mémoire des Bourguésans comme une grande bienfaitrice de leur ville qui leur aurait fait en particulier don des Bois du Laoul, importante source de revenus. Ce sont ces derniers qui permirent notamment à Bourg-Saint-Andéol de devenir une des premières villes de France à disposer de l'éclairage électrique public.
L'existence de Dame Vierne, longtemps considérée comme un personnage légendaire, est bien attestée par de nombreux actes notariés depuis 1221. Ce sont même en réalité deux membres de la puissante famille de Balazuc (de Baladuno) qui sont restés populaires sous l'unique nom de Dona Vernia de Baladuno. Sans entrer dans le détail, disons que la première, Vierne I, qui s'était retirée chez les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem après le décès de son époux, Guillaume de Balazuc, fit don à cette communauté de troupeaux et d'une somme d'argent, tout en se réservant la possibilité d'échanger cette donation contre l'équivalent en terres. C'est sa petite-fille, Vierne II, qui usa de cette possibilité en récupérant les troupeaux et l'argent contre la remise aux Hospitaliers de terres comprenant essentiellement les Bois du Laoul.
Il est donc certain que les dames Vierne firent un don de terres aux Hospitaliers, mais rien ne nous dit comment celles-ci échurent ensuite à la commune de Bourg. Et est-ce que les bois donnés en 1221 constituent bien la forêt communale actuelle ? Ce n'est pas certain.
L'étude réalisée dans l'ouvrage intitulé La forêt du Laoul1 montre que les actes de donation manquent de précision dans la dénomination des territoires et de leurs limites, à l'origine des contestations de propriété ; c'est ainsi que les bois du Laoul appartenant au Bourg n'ont pu faire l'objet que d'une cession par accords verbaux ou bien par un acte écrit à jamais disparu. Bien que non prouvé historiquement, les habitants du Bourg ont toujours considéré la famille Balazuc et les deux dames Vierne, propriétaires de ces vastes territoires, comme leurs donatrices et bienfaitrices. (Alain Fambon)
1 - A. Fambon, X. Maurin, F. Reynaud, C. Rouchouse, Mémoire d'Ardèche et Temps Présent, 2012, pages 85 à 95.
P. Bousquet (texte et photos, sauf mention contraire)