Il convenait que le lieu du rendez-vous, choisi par Guy Delubac, organisateur de la journée, représenté en son absence par Michel Rouvière, soit au cœur du village de Chassiers, sur la place que domine le chevet de l’église, falaise impressionnante de grès au pied de laquelle s’ouvre un arc d’anciennes demeures.
Chassiers (Cliché Michel Rouvière) |
Jean-Marie Knockaert, maire de Chassiers, non seulement est là pour nous accueillir, mais il a accepté d’être notre guide vers les monuments majeurs qui qualifient sa commune. Il peut évoquer les dossiers en cours qui concernent la valorisation du chef-lieu et les exigences auxquelles la commune doit se soumettre pour que Chassiers entre dans la liste des villages de caractère. La visite partielle de l’agglomération nous convainc de ses richesses patrimoniales qui justifient hautement ce label convoité.
Un aménagement est prévu pour la placette où nous sommes : la croix monumentale du xixe siècle sera mise à distance des voitures. Les demeures qui ceinturent le lieu disent l’aisance de la fin de l’époque médiévale et du xvie siècle. Les porches et les fenêtres à meneaux font confidence sur ce que protègent les façades : cours intérieures, escaliers à larges paliers, salles voûtées, vastes cheminées.
Au sud, la chapelle Saint-Benoît est proche. Cette œuvre romane, classée, suscite les interrogations et n’obtient pas toutes les réponses. La charta vetus semblerait annoncer ici l’existence d’un monastère vers les années 550. Au xiie siècle, l’édifice fut élevé avec deux nefs solidaires prolongées par deux absides qui se distinguent par un chevet à pans et un chevet semi-circulaire. Notre guide rappelle toutes les questions qui se posent : quelle est la nef édifiée dans un premier temps ? Quel fut l’usage de ces nefs dissemblables qui se jouxtent ? Quelle abbaye bénédictine a été l’ordonnatrice de cet ensemble original ? On répète que ce fut l’abbaye vellave du Monastier-Saint-Chaffre mais aucun texte ne l’affirme explicitement.
Chapelle Saint-Benoît |
Reste une œuvre étonnante par ses volumes dissymétriques, par la qualité du grès utilisé, par la finesse des joints, par la souplesse des lignes, par la variété des figures décorant les modillons. Le pignon ouest, qui concerne les deux nefs, a perdu une partie de ses modillons ; un projet de réhabilitation de la corniche est en cours. Le porche est au sud, il s’ouvre sous un cintre à double rouleau porté par des colonnettes, l’une ronde, l’autre polygonale. À l’intérieur, les nefs sont couvertes par des voûtes en berceau brisé, les chapiteaux s’ornent de simples feuilles d’eau. Les nefs communiquent au niveau des travées occidentales et des sanctuaires. La chapelle nord, qui avait été utilisée par la confrérie du Corps-Dieu, devint en 1584 le lieu de réunion des Pénitents bleus qui marquèrent la vie religieuse de Chassiers jusqu’à l’orée du xxe siècle. Notre guide rappelle les souhaits des services de conservation et ceux de la commune : ouvrir le plus possible la chapelle, offrir au lieu un éclairage adapté, conserver les témoins de l’histoire du monument. Du chevet de la chapelle, une large vue s’étend sur les vallonnements de vignes et de bois.
Maison forte des Chalendard de la Motte (clichés Simone Delubac,et Michel Rouvière) |
Le cheminement, toujours bénéficiant de commentaires sur l’habitat ancien et sur le développement actuel du village, nous oriente toujours au sud, permettant de découvrir encore de belles façades et de majestueuses ouvertures plein cintre. Nous atteignons la maison forte des Chalendard de la Motte. Celle-ci est essentiellement une reconstruction des années 1570 et témoigne de l’insécurité due aux guerres religieuses qui avaient provoqué d’ailleurs l’incendie du lieu. Un large fossé, que franchissait auparavant un pont-levis, protégeait la demeure à l’est. Celle-ci a gardé ses tours encadrant un corps de logis, elle a conservé de part en part l’œil soupçonneux de ses canonnières, mais elle a su prendre par l’adjonction d’escaliers et de terrasses et par l’aménagement d’un environnement arbustif une élégance sereine.
Les ruelles nous entraînent à nouveau devant des façades dont les éléments architecturaux ou les dates nous renvoient aux époques fastes des décennies 1460-1560 et 1750-1860. À l’approche de l’église, se signalent une fontaine, dont la voûte se déploie en coquille, et le jardin du Curé. Fontaine et jardin doivent recevoir des soins pour qu’ils soient mis en valeur.
Chassiers - Église Saint-Hilaire |
L’aspect de l’église, classée, la désigne comme un lieu fortifié, édifié en des temps peu sûrs. Tourelles, échauguettes, bretèche, fenêtres hautes et étroites, tour-clocher défensive, tout rappelle les épreuves subies lors de la guerre de Cent Ans. C’est en effet en 1396 que fut signé le contrat de construction de l’église entre les marguilliers, représentants de la paroisse, et les entrepreneurs.
L’œuvre est gothique et les ogives se déplient sur trois travées formant nef, sur le chœur et sur les deux chapelles dessinant une sorte de transept bas. La lumière pénètre essentiellement par la baie axiale orientée et par l’immense oculus occidental. Une seule porte, celle que nous avons empruntée, était l’accès unique à tous les membres de l’édifice : la nef, le clocher, la crypte qui permettait au sanctuaire d’être en élévation. Car la construction de l’église, prise en charge par les habitants de l’époque, a dû être favorisée par la présence de deux lignées seigneuriales déjà installées à Chassiers, les Chalendard qui firent de la crypte une chapelle funéraire familiale et les Lavernade qui ont laissé leur blason sur la clé de voûte de la chapelle nord.
Les sculptures originelles sont discrètes sur les chapiteaux et sur les clés de voûtes : décor géométrique, fleurs, Majesté divine, symboles des évangélistes, Jean-Baptiste, anges musiciens… Un Christ en bois polychrome, classé, aurait appartenu à une croix élevée sur la place du village. Le mobilier récent a été réalisé par des artisans locaux : ambon, Christ en bronze, lampe de sanctuaire, support de lumignons.
Après l’évocation de la tour à bossage et de la maison forte des Lavernade où est logée la mairie, il a été possible de musarder en voiture de hameau en hameau jusqu’à la chapelle de Notre-Dame de Bon-Rencontre, au quartier de Joux, situé à 3 km du chef-lieu. Cette chapelle modeste mais aux lignes attrayantes a été rénovée extérieurement à l’initiative de la municipalité. Un projet de réfection intérieure est en cours, auquel participe notre association.
Bernard Nougier
(Visite de la Société de Sauvegarde du 13 juin 2009)
Maison forte de La Vernade (Cliché Jean-François Cuttier) |
Chapelle Notre-Dame de Bon Rencontre (Cliché Michel Rouvière) |