bandeau

LESPÉRON
Église Saint-Hilaire - Tour et vestiges de l'église de Concoules

Pour la visite organisée dans le cadre de notre « Journée champêtre » annuelle, le rendez-vous avait été fixé en 2006 devant l’église de Lespéron, en vue de la visite de cet intéressant édifice roman.

Le président de la Sauvegarde, Guy Delubac, et le maire de Lespéron, Jean Linossier

Le président de la Sauvegarde, Guy Delubac, et le maire de Lespéron, Jean Linossier

Notre groupe, qui bientôt atteindra une soixantaine de personnes, y est accueilli par le maire, M. Jean Linossier, qui nous présente rapidement sa commune. Celle-ci regroupe 280 habitants, sur un territoire de 2 880 hectares, aux confins de trois régions : Rhône-Alpes (Ardèche), Languedoc-Roussillon (Lozère) et Auvergne (Haute-Loire). Un participant fait remarquer qu’il en était de même autrefois avec les trois provinces du Vivarais, du Gévaudan et du Velay. M. le maire nous fait également part des soucis que lui cause le projet de mise à quatre voies de la route nationale 88 qui, dans sa forme actuelle, sacrifierait de nombreuses terres agricoles de sa commune, sans aucun profit pour elle.

Rappelons aussi que le hameau de Concoules, où nous nous sommes rendus lors de la journée champêtre de 2005, appartient à la commune de Lespéron. C’est là que se trouvent, outre une grosse tour carrée du xiie siècle, les vestiges de l’église Saint-Sébastien dont, dans un premier temps, la consolidation doit intervenir très prochainement, à l’initiative et avec le concours de la « Sauvegarde ».

 

 

L’église Saint-Hilaire de Lespéron

La première mention connue de cette église date du xie siècle, époque où elle a été cédée, en même temps que deux autres sanctuaires dont nous n’avons plus aucune trace, N.-D. et Saint-Martin, à l’abbaye Saint-Guilhem-du-Désert, par les seigneurs Ithier de Solignac et Pons de Jaujac. L’abbaye en fit un petit prieuré qu’elle conserva jusqu’à la Révolution. Lespéron était par ailleurs un fief des Montlaur.

L'église est classée Monument historique depuis 1941.

Extérieur

Portail

On aborde l’église par son côté sud, devant lequel s’étend une esplanade goudronnée qui occupe l’emplacement de l’ancien cimetière. Assez vaste, l’édifice que l’on s’accorde généralement à dater du milieu du xiie siècle, est solidement construit en pierres polychromes appareillées avec soin : granit blond ou gris, tuf volcanique brun, rouge et noir. Le portail qui s’ouvre au sud, protégé par un porche peu profond en granit blond, est certainement un rajout postérieur à l’époque romane. L’arcature polychrome du porche, la décoration en « zigzag » (ou « bâtons rompus ») autour du portail qui est entouré de deux larges voussures moulurées, l’une en granit, l’autre en lave rouge, forment un ensemble élégant. Très probablement, les voussures devaient autrefois reposer sur quatre colonnettes, comme cela s’observe souvent. Quand ont-elles disparu? Nul ne le sait. La toiture en lauzes déborde largement, protégeant une corniche qui court autour de l’édifice, soutenue, autour de l’abside et au-dessus du portail, par des modillons sculptés. Certains de ces modillons sont encore bien lisibles, présentant des masques humains et des têtes d’animaux.

Le clocher est en peigne, comme pour de nombreuses églises du plateau. Il est encore pourvu de ses quatre cloches. Comme d’habitude, ce clocher est certainement postérieur à l’époque romane.

 

 

L'église de Lespéron Clocher de l'église de Lespéron
Abside de l'église de Lespéron
Intérieur de l'église de Lespéron

Faisant le tour de l’édifice, nous remarquons l’abside pentagonale en lave rougeâtre et brune, percée d’une fenêtre sur chacune de ses faces. Une de ces fenêtres au moins a certainement été refaite, car elle est beaucoup plus large que les autres et n’est pas ébrasée. D’ailleurs, trois pans de l’abside semblent avoir été repris, à une époque indéterminée. Le soubassement en grosses pierres irrégulières est ici apparent, laissant supposer un abaissement du niveau du sol en cet endroit. Continuant le tour de l’édifice, nous observons contre le mur nord, d’énormes piliers servant de contreforts. Enfin, à l’angle nord-ouest, notre attention est attirée par un élément sculpté au-dessus d’un pilastre. Son style est difficile à identifier. Il présente des feuilles d’eau à la partie inférieure et, au-dessus, un damier et un motif de feuilles parallèles, étroites et allongées. Peut-être un remploi, puisque l’on sait que des édifices antérieurs ont existé à Lespéron.

Intérieur

Formée d’une unique nef en berceau de trois travées, dont une travée de chœur plus courte, il s’agit sans conteste d’une construction romane. L’abside est pentagonale comme à l’extérieur. La nef est rythmée par des arcs doubleaux en lave sombre qui ressortent bien sur l’enduit blanc, récemment refait, de la voûte et des murs.

La décoration mérite qu’on s’y attarde. Dans l’abside et la première travée, des chapiteaux en tuf volcanique, grossièrement sculptés de motifs végétaux, semblent très anciens, certains peut-être préromans. Entre la deuxième et la troisième travée, ce sont deux chapiteaux historiés qui retiennent notre attention. Côté sud, on voit un mouton enlevé par deux rapaces. Côté nord, l’interprétation est plus difficile. Le sujet principal est un personnage, que certains auteurs interprètent comme une femme allaitant des dragons, tandis que d’autres y voient une sirène à deux queues. Il est évident que ni l’une ni l’autre de ces lectures ne résiste à un examen attentif… mais nous n’avons pas trouvé jusqu’ici d’autre interprétation.

église de Lespéron: chapiteau église de Lespéron: chapiteau église de Lespéron: chapiteau

Ce chapiteau comporte un autre sujet sur sa face latérale gauche, difficile à discerner du fait de l’usure : sous bon éclairage, on peut néanmoins deviner un personnage qui maintient à deux mains la tête d’un serpent qui arrive au niveau de son menton, tandis que le corps du reptile lui enlace la jambe droite. Nous verrons un motif tout à fait analogue au portail de l’église de Coucouron. Notons enfin qu’au-dessus des personnages, ce chapiteau est orné d’une frise dont le motif rappelle celui de la pierre extérieure encastrée à l’angle nord-ouest de l’église.

Nous nous rendons ensuite à quelques centaines de mètres de l’église, sur une petite place au centre de laquelle se dresse une croix métallique dont le socle en pierre semble dater de la Renaissance, la croix de Pereire. On devine sur le socle une inscription très effacée ; il semble que l’on puisse y lire  « CRUS AVE », suivi de petits dessins, puis d’autres mots indéchiffrables. Mais nous sommes aussi venus là pour observer, dans un pré contigu, un curieux monument formé par la superposition de trois grosses pierres à base circulaire, de taille décroissante, formant un ensemble d’environ 1,50 m de hauteur, surmonté d’une croix. Il existe dans les environs deux autres édifices identiques. Il s’agirait des pierres de bornage du domaine du prieuré.

Groupe

On aperçoit au fond les trois pierres superposées qui marquaient, pense-t-on, la limite du domaine du prieuré.

Pierres de bornage du domaine du prieuré

On connaît deux autres monuments identiques dans le voisinage. Celui que nous voyons ici se trouve au bord de la route, à la sortie sud du village.

Concoules

Le hameau de Concoules, qui appartient à la commune de Lespéron, est situé juste au-dessus de l’Allier dont le sépare la voie ferrée de la ligne Clermont-Ferrand - Nîmes. À quelques centaines de mètres du village, on peut voir les vestiges d’une petite église et une imposante tour, deux monuments intéressants, mais complètement délaissés.

Concoules :  Tour et vestiges de la chapelle

Extérieurement, la tour a encore fière allure. Haute d’une vingtaine de mètres, de dix mètres de côté, elle est construite en pierres de granit soigneusement appareillées. Les fenêtres sont rares, mais assez grandes ; la plupart sont agrémentées de moulures, un linteau est décoré d’une accolade et il semble qu’il y ait eu des meneaux à certaines d’entre elles. Un escalier extérieur à double volée permettait d’accéder au premier étage, mais il n’est plus qu’un tas de pierres. L’intérieur de la tour est malheureusement complètement ruiné, car la toiture s’est effondrée en 1986 sous le poids de la neige et n’a pas été remise en état. On remarque encore que la plupart des pierres d’angles sont à bossage et peut-être certaines étaient-elles sculptées. Il s’agissait donc d’une construction soignée.

Mais que savons-nous de ce monument ? Bien peu de choses en vérité. Il ne semble pas que ce fût le donjon d’un château, dont on n’a trouvé aucune trace, et il est difficile d’imaginer quel pouvait être son rôle. À l’écart de toute voie de communication importante, placé à quelques centaines de mètres de l’Allier dans un repli du terrain d’où la vue est limitée par la masse imposante du volcan du Chapelas, il ne semble pas que ce bâtiment ait pu jouer un rôle stratégique. De telles tours isolées, dont il existe d’autres exemples dans la région, pouvaient être simplement « signe de la possession du territoire par le seigneur auquel elles appartenaient, en l’occurrence la famille d’Arlempdes. » , selon Marcel Girault que nous avons interrogé à ce sujet. (M. Girault est l’auteur d’une étude très détaillée du chemin de Regordane qui, s’il ne passe pas à Concoules, n’en est pas très éloigné : GIRAULT M., Le chemin de Regordane. Nîmes : Lacour, 1988.)

Concoules : La tour
Concoules : Vestiges de la chapelle

Nous disposons d’un peu plus de renseignements au sujet de l’église voisine de la tour, dont malheureusement seule subsiste la façade ouest percée d’un joli portail gothique et qui était surmontée d’un petit campanile dont seul un jambage est encore debout, pour peu de temps sans doute si des mesures de conservation ne sont pas prises rapidement. C’est pourquoi la « Sauvegarde » a récemment proposé son concours au maire de Lespéron pour l’aider, dans un premier temps, à consolider l’existant et, peut-être, envisager ensuite de rétablir l’intégralité du campanile.
Depuis la rédaction de ce compte rendu, les travaux de consolidation du jambage gauche ont effectivement été réalisés.

On sait, d’après le cartulaire de l’abbaye Saint-Chaffre du Monastier, que, comme nombre d’autres églises du diocèse de Viviers, Saint-Sébastien de Concoules faisait partie des possessions du prieuré de Langogne, lui-même dépendant de Saint-Chaffre. Elle fut église paroissiale jusqu’à la Révolution.

Les façades, la toiture et les cheminées du 1er et 3e étages de la tour ont été inscrites sur la liste supplémentaire des Monuments historiques en 1982, ce qui n'a pas empêché, on l'a vu, l'effondrement de la toiture quatre années plus tard. Les vestiges de l'église ont également été inscrits à la même date.