À côté des grands ensembles castraux, se sont développées des communautés rurales, dispersées sur ce vaste territoire agricole. Berzème, malgré la présence de son château qui ne fut au départ qu’une ferme fortifiée, en est un exemple. Les villages ont bien sûr beaucoup évolué au fil du temps, mais ils conservent encore souvent des traces de leur passé, passages voûtés ou maisons anciennes ; mais les édifices les plus représentatifs restent les églises. En dehors des agglomérations, le caractère isolé du plateau du Coiron a également favorisé parfois l’implantation de chapelles lieux de pèlerinage.
Toutes les églises du Coiron, comme celles qui, du fait de leur existence au sein d’un site castral, ont déjà été décrites dans la première partie de ce texte, ont une origine remontant fort loin. On les trouve mentionnées dans un certain nombre de documents parfois très anciens : actes de donation, chartes, etc. Elles ont malheureusement subi beaucoup d’avatars au fil des siècles et les bâtiments actuels n’ont souvent plus grand chose à voir avec les constructions d’origine.
L’église de Saint-Pons a été donnée par Géraud d’Ussel à l’abbaye de Pébrac au xie siècle. Celle de Darbres a été dédiée à Saint Accons, évêque de Viviers au milieu du viiie siècle, dont le village a porté longtemps le nom. Elle a fait partie en 1289 d’une sentence arbitrale de Guillaume, archevêque de Vienne et légat du pape, qui l’attribua au Corps de l’Université.
Église de Freyssenet - La façade occidentale et l'abside |
À Freyssenet, on sait que l’église existait
déjà au xiie siècle puisqu’elle a fait
l’objet à cette époque d’une donation
par Géraud, évêque de Viviers, à l’abbaye
de La Chaise-Dieu. Elle appartint ensuite jusqu’en 1470 au
prieuré d’Ucel, dépendance de Saint-Chaffre
du Monastier. Elle fut rebâtie dans les années 1860.
La façade, manifes-tement moderne, en date. Mais l’abside,
de forme polygonale, paraît beaucoup plus ancienne par sa
construction en moyen appareil de basalte et ses fenêtres étroites
dont l’une est encadrée par deux colonnes aux chapiteaux
sculptés. On peut voir à l’intérieur
deux colonnes formées de tambours en tuf volcanique de couleurs
alternées et coiffées de chapiteaux dont l’un
est historié.
On n’a que peu de renseignements sur l’église de Saint-Gineys-en-Coiron. Elle daterait du XIIe siècle et aurait été modifiée aux XVIIIe et XIXe siècles.
Église de Saint-Gineys-en-Coiron |
Église de Saint-Gineys-en-Coiron : Rosaces carolingiennes |
La façade, curieusement dissymétrique avec un énorme contrefort qui n’est évidemment pas d’origine, fait certainement partie des éléments nouveaux. En revanche, l’abside semi-circulaire, beaucoup plus basse que la nef, avec sa fenêtre étroite largement ébrasée, semble bien avoir traversé les siècles sans dommage. Il en est de même de l’intérieur avec sa nef en berceau légèrement brisé terminée par l’abside voûtée en cul-de-four. On peut voir, à gauche de la fenêtre de l’abside, deux pierres gravées d’étoiles à six branches, qualifiées par les spécialistes de « rosaces carolingiennes ». La présence de ces remplois pourrait alors indiquer une origine préromane de cette église.
On n’en sait pas plus sur l’église de Saint-Pierre-la-Roche, petit édifice rural, avec son clocher à peigne. Elle domine le petit village pittoresque autrefois appelé Saint-Pierre-de-Barry qui doit son nom actuel au pic volcanique qui le domine.
Église de Saint-Pierre-la-Roche |
Non loin de là, l’église de Berzème possède les mêmes caractéristiques et le même charme.
À Lussas, une première église dédiée à Notre Dame a été fondée par Saint Venance, évêque de Viviers, en 537. Une deuxième église fut bâtie au XIIe siècle, mais démolie au XIXe siècle. C’est de cette époque que date l’église actuelle.
En 877, la charte de Charles le Chauve donne à l’église
de Viviers les deux églises de Saint-Martin, l’Inférieur
et le Supérieur. Plus tard, c’est vraisemblablement
l’une d’elles dont il est fait mention sous la dénomination
de Saint-Martin-du-Poit, dans une bulle du pape Alexandre III datée
de 1173 qui la confirme comme bien de l’abbaye de Saint-André-le-Haut à Vienne.
La même est unie au prieuré de Lavilledieu en 1315.
Fortement remaniées au XIVe siècle,
les deux églises
furent ensuite détruites au cours des guerres de Religion
et laissées à l’abandon, sans prêtre
et sans offices, pendant plus de dix ans, avant d’être
reconstruites par les paroissiens. Il n’y reste de ce fait
plus grand chose des édifices antérieurs. Saint-Martin-le-Supérieur conserve encore sa nef voûtée
en plein cintre, probablement du XIe siècle. À Saint-Martin-l’Inférieur,
on retrouve quelques restes d’architecture romane, une façade
et les murs latéraux. Les arc-boutants sont sans doute postérieurs.
Le portail s’appuie sur deux colonnettes dont l’une,
de facture antique, est probablement un remploi.
Église de Saint-Martin l'Inférieur |
Église de Saint-Martin le Supérieur |
Cette chapelle est située sur la commune de Saint-Étienne-de-Boulogne,
dans un vallon isolé, le vallon de Combemale, au bord de
la route qui, du col de l’Escrinet, rejoint Saint-Laurent-sous-Coiron.
Elle est le site d’un très ancien pèlerinage,
dont l’origine pourrait remonter à l’installation
d’un ermitage au lieu-dit Solitari. De très vieilles
maçonneries découvertes par des fouilles faites vers
1850 pourraient en être la trace. De même, une statue
de la Vierge, élément d’une croix à double
face dont le crucifix fut brisé en 1804, en serait pour
le chanoine Saunier (in Notice sur N.D. de Pramailhet, Aubenas,
1876) une relique. Cette statue fut découverte, miraculeusement
dit la croyance populaire, par un cultivateur dont les bœufs
refusaient de piétiner le site où elle était
enfouie. Longtemps exposée dans la chapelle, elle a été récemment
mise en sécurité dans l’église paroissiale.
Le pèlerinage qui rassemblait des milliers de participants
dégénéra au fil du temps et prit un caractère
de plus en plus scandaleux. Il fut de ce fait interdit vers 1823
et ne fut rétabli qu’en 1872. Il est encore de nos
jours fréquenté, le premier dimanche de septembre,
par des centaines de pèlerins. De nombreux articles de journaux
s’en font l’écho.
La chapelle primitive, détruite pendant les guerres de
Religion, puis reconstruite en 1648, a été l’objet
d’un agrandissement avec d’importantes modifications
en 1781. Ayant subi une destruction par un violent orage au début
du XIX e siècle, elle ne fut relevée qu’en
1851.
Du bâtiment initial, il ne reste donc que peu d’éléments, à l’exception
d’un mur plus ancien qui apparaît à la base
du mur ouest. La construction de l’édifice actuel
combine basalte et calcaire suivant un schéma bicolore dont
nous avons déjà vu de nombreux exemples. Cette chapelle,
qui mesure 17 m sur 8 m, est de proportions modestes. La nef comporte
trois travées soulignées par des arcs-doubleaux.
L’abside à pans coupés comporte trois baies. À l’ouest
se trouve une chapelle latérale qui forme un petit transept.
D’importants travaux de restauration ont été réalisés
par la commune en 2004. Ils ont consisté en un ravalement
des façades et en la reconstruction du mur de soutènement
ouest qui, en empêchant la terre végétale de
s’y accumuler, évite les remontées d’eau
dans le mur ouest.
La Roche Chérie |
Il s’agit d’un hameau de la commune de Saint-Pons bâti au pied d’un neck niché entre les deux corniches basaltiques de la plaine du Regard et de la corniche de Jastrie. Au sommet, on trouve trace de la base d’un donjon rectangulaire et de quelques maçonneries. En contrebas, une chapelle est adossée au neck. Elle aurait été construite dans la deuxième moitié du XIXe siècle, toujours avec cet appareillage noir et blanc basalte-calcaire. P.Y. Laffont pense que le bâtiment actuel a sans doute succédé à un plus ancien. On trouve à l’intérieur des colonnes plaquées contre le mur et qui ne supportent rien. On peut penser que ce sont effectivement les vestiges d’une construction antérieure. Très dégradée il y a encore quelques années, cette chapelle a fait récemment l’objet d’un gros travail de restauration.
Le Beaumier de Mirabel (Photo Simone Delubac) |
Mention doit enfin être faite d’un site exceptionnel, proche du village de Mirabel. Au pied d’une falaise basaltique, un long mur ferme vers l’extérieur une vaste cavité et sert de façade à une habitation troglodyte. Si d’autres rares exemples en existaient encore en Ardèche il n’y a guère, celle-ci est peut-être la dernière qui serve encore de résidence.
On ne peut accéder à cette propriété privée dont les occupants ne souhaitent pas de visiteurs. La route qui longe le bord supérieur de la falaise offre cependant un très beau point de vue sur la maison et sur la cascade proche qui, malheureusement, ne coule pas en permanence.
Ainsi, sur ce plateau isolé, que l’on pourrait dire à l’écart de tout, le visiteur curieux pourra retrouver de nombreux témoignages du passé et satisfaire sa curiosité d’amateur de vieilles pierres. Nous ne saurions trop vous recommander d’aller explorer ses nombreux points d’intérêt. Vous y ferez quantité de découvertes émouvantes et reviendrez avec toujours autant de plaisir dans ses sites encore préservés … oui, mais pour combien de temps ?
Guy Delubac