Situé sur un éperon rocheux, dominant la rivière Ouvèze qui le contourne harmonieusement, niché au cœur de collines boisées, avec son clocher d'allure romane, Coux offre aux regards le profil d'un village toscan.
Coux, qui s'est appelé « Cous » jusqu'au xviiie siècle, se
développe à partir du xiie autour du prieuré Saint-Barthélemy dépendant de l'abbaye Saint-Chaffre du
Monastier. C'était alors un quartier de Lubilhac (ancien
site gallo-romain) où se trouvait l'église paroissiale Saint-Martin dépendant du prieuré clunisien de Rompon. Les
guerres de Religion, l'insécurité régnant dans les
campagnes, causèrent la ruine de Lubilhac, les villageois
venant chercher protection dans le village de Coux.
Un village clos se développe alors, orienté nord-sud,
autour de sa rue centrale, route du Pouzin à Privas
jusqu'en 1830. L'entrée principale au nord-est est un
passage voûté défendu par un corps de bâtiment au-dessous
duquel passe le chemin venant du pont ; la partie
de droite a la forme arrondie d'une tête de caponnière
percée de meurtrières, construite sur le rocher, défendant
le côté nord du chemin. Les fenêtres hautes qui dominent
la clef de voûte servaient également pour défendre l'accès
du village. Nous entrons dans la partie la plus ancienne.
Les ruelles qui, de la rue centrale, donnent sur la
campagne, sont étroites, voûtées et coudées pour ne pas être prises en enfilade. Les maisons, très hautes,
s'imbriquent les unes dans les autres et forment autour du
village une enceinte continue ; la lisière nord est protégée
par un rempart naturel de rochers.
Une ruelle |
Malgré quelques aménagements ou constructions
intempestives, les maisons qui se dressent de part et
d'autre des calades ont gardé leur simplicité paysanne,
d'autres révèlent une architecture plus recherchée :
linteau en accolade, mitre de cheminée, fenêtre géminée
reposant sur des colonnettes ouvragées, fenêtre à
meneaux, sculptures et gravures, notamment des cœurs
sur les linteaux et quelques blasons illisibles. Une calade a
gardé son cachet et ses escaliers de galets de rivière, c'est
la calade de l'échauguette, dénommée ainsi pour cette
construction défensive visible sur une maison ancienne. Là
débouche la calade du pont.
La construction du pont sur l'Ouvèze ne remonterait pas
au-delà du xviie siècle. Ouvrage hardi d'une seule arche en
arc de cercle, à l'origine à dos d'âne, modifié en 1745, il est
inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments
historiques depuis 1932. Ce pont se distingue par son élégance et sa situation car il est alors le seul sur l'Ouvèze
sur la route du Pouzin à Privas. Coux et son pont (même
s'il est moins important en 1629) vont jouer un rôle
important lors du siège de Privas par Louis XIII : Coux
protégeait la rive droite de l'Ouvèze, alors qu'en face,
Salières protégeait le pont, le sentier de la Jaubernie et la
route du Pouzin ; une attaque surprise était impossible, il
fallait d'abord prendre Salières, simple logis organisé en
vue d'offrir une résistance suffisante à l'ennemi.
En 1629, Louis XIII vient assiéger Privas, ville importante
huguenote, devenue place de sûreté depuis l'Édit de
Nantes, défiant l'autorité royale et ne payant plus d'impôt.
Avec le maréchal Schomberg, il mène ses troupes par la
vallée de Chomérac alors que celles du duc de
Montmorency remontent la vallée de l'Ouvèze. De
nombreuses escarmouches ont lieu en cours de chemin. À
Salières la troupe royale est attaquée, ralentie, mais elle
triomphe rapidement. Les combats seront très violents
pour prendre le pont de Coux fortement défendu, une
brèche sera même percée dans les murs du village. Plus de
200 morts et de nombreux blessés. Un hôpital de
campagne est installé dans une maison de Coux. Au
deuxième assaut, le 17 mai 1629, les troupes protestantes
fuient et la jonction des deux armées peut alors se faire.
C'est alors que le marquis d'Uxelles est blessé à la veille
d'être fait maréchal de France. Il meurt à l'hôpital de Coux
où il avait été transporté.
Par la suite, la ville de Privas tombera sous les assauts de
l'armée royale et sera rasée. De nombreux habitants
périrent, d'autres avaient pu s'enfuir dans les bois et les
grottes de la Jaubernie qui servirent d'abris pendant
longtemps.
Après ce retour dans l'histoire, continuant notre promenade nous arrivons sur la place de l'église qui n'a rien conservé des temps anciens, à part la maison qui servit d'hôpital en 1629. Sur le toit, une étonnante souche de cheminée de forme cylindrique en pierres taillées a perdu son chapeau. Elle correspond à une très belle cheminée circulaire qui devait desservir plusieurs salles, mais elle a été coupée en deux lors de la restauration de cette maison. Côté ouest, cette même maison présente une très belle fenêtre géminée trilobée avec ses arcs brisés reposant sur des colonnettes ouvragées. Au rez-dechaussée, nous remarquons un imposant linteau au centre duquel est gravée une croix. Est-ce la chapelle Saint-Barthélemy du prieuré ? Nous ne pouvons l'affirmer.
Marques de couteaux sur un linteau en grès |
L'église que nous découvrons, d'une architecture sobre,
est bien intégrée dans le village ; son clocher avec ses
ouvertures de style roman s'inscrit remarquablement dans
le profil du village. Elle aurait été construite sur
l'emplacement d'un ancien four à pain ou de la salle d'une
confrérie, rien n'est avéré. Mais là, un peu d'histoire
s'impose.
Comme dans toute la région, à partir de 1560, la religion
réformée est majoritaire. En 1563, Nicolas de Vesc, vicaire
général de l'évêché de Viviers, constatera que les églises de
Coux et de Lubilhac sont ruinées, qu'il n'y a plus de culte
catholique et que les habitants sont devenus protestants.
Le culte catholique ne sera rétabli que bien après le siège
de Privas et les exactions qui suivirent.
C'est le curé Jean Blanc qui, à partir de 1664, commencera,
avec l'aide financière des États du Vivarais, la construction
de l'église, modeste, d'une seule nef sans sacristie ni
chapelle. Vers 1685 elle deviendra l'église paroissiale Notre-Dame de Coux. Un cimetière la jouxte, mais seulement
pour les catholiques, les protestants, qui résistent encore,
doivent enterrer leurs morts dans leurs propriétés. L'église
de Lubilhac qui avait été rouverte au culte catholique en
1635 est alors abandonnée et louée comme écurie et
grenier à foin par le prieuré de Rompon.
L'église |
De 1820 à 1861, l'abbé Combe donnera au bâtiment une
stature d'église paroissiale : il fera construire d'abord une
tribune intérieure, puis une première chapelle et, en 1844,
une seconde chapelle. La voûte du chœur sera rehaussée
de trois mètres afin d'éclairer l'église par des vitraux. Un
autel en marbre est réalisé et le clocher construit, coiffé
d'une flèche, aujourd'hui disparue. Parmi le mobilier, nous
remarquons une statue en bois doré de sainte Philomène
portant la palme du martyre, du xixe siècle, inscrite à titre
d’objet à l’Inventaire supplémentaire des Monuments
historiques, ainsi qu'un tableau représentant saint Jean-François Régis prêchant une mission, daté du xviiie siècle. Une
croix de procession du xixe siècle, l'autel en bois doré du
xviie de la chapelle du Sacré-Coeur et celui en bois
polychrome de la chapelle de la Sainte Vierge sont également inscrits. Le tableau du couronnement de la
Vierge peint par Bazin Aîné au xixe siècle a été restauré en
2013 par Catherine Arto, peintre restauratrice, grâce à un
partenariat financier entre l'Association d'Éducation
Populaire, Marc de la Charrière, la municipalité de Coux et
la Société de Sauvegarde des Monuments anciens de
l'Ardèche. Ce tableau a retrouvé sa place initiale dans le
chœur.
Le cimetière sera aménagé au pied de la colline des Grads à l'est. La place a été réaménagée récemment et l'église
sera restaurée prochainement.
Continuant notre promenade, nous voici devant la porte
centrale qui était la sortie sud du village primitif. Là aussi
des moyens défensifs peuvent être observés : passage
voûté et une tour de surveillance. Le village s'étendra vers
le sud de part et d'autre de la rue principale, nommée
« Grand Rue », dont on remarque l'étroitesse, ainsi que des
ruelles, encore plus étroites et souvent voûtées réparties
de part et d’autre.
Quelques détails architecturaux sont à remarquer sur
notre parcours :
- sur l’arc d’une porte, ce coeur renversé avec une date
1744 et les initiales D et M : date du mariage de Marguerite
Montusclat avec Jean Durand (cousin de Marie Durand,
l'acte de mariage a été retrouvé aux Archives
départementales) ;
- la date 1600 gravée sur la clef de l’arc d’une porte ;
- une fenêtre avec un encadrement en ogive très élégant et
une autre trilobée et moulurée du plus bel effet très bien
conservée et mise en valeur ;
- des anciennes échoppes dont une mise en valeur sur la
Placette ;
- portes avec accolade, fenêtre à meneaux ;
- sur la gauche, une ruelle en contre-bas débute par une
voûte avec un vieux portail surmonté d'un cœur.
Parmi tous ces vestiges, une pierre est particulièrement émouvante : un linteau en grès a gardé les marques faites
chaque jour pour aiguiser un couteau, un outil, par les
hommes qui vivaient là. Des gens simples, des travailleurs
agricoles. Derrière toutes ces pierres simples ou élaborées,
c'est l'homme qu'on retrouve, c'était notre aïeul...
À l'extrémité sud du village, nous découvrons un vénérable
mûrier qui aurait plus de 400 ans. En effet, il aurait été
planté sous le règne d'Henri IV et de son ministre Sully
qui voulait développer l'élevage des vers à soie.
Notre promenade se termine devant ce « bacha », bassin
creusé dans le grès recueillant l'eau d'une source,
surmonté d'une pierre taillée en forme d'éventail ou de
coquille Saint-Jacques. Ce petit monument, daté de 1911,
ne devait pas servir qu'aux animaux... Aujourd'hui, c'est un
porte-bonheur pour les jeunes mariés qui, après la
cérémonie, doivent venir « jourter » le bacha (donner un
coup de tête sur la pierre au-dessus de l'arrivée de l'eau)
pour consolider leur union.
On dit qu'en France tout finit par des chansons, ce n'est
peut-être pas très académique dans une revue aussi
sérieuse, mais je ne peux terminer cette visite sans évoquer la mémoire du Dr Chaussinand de Saint-Dizier
qui, passant des vacances à Coux, recueille, sous le
Second Empire, les chants du village. Il découvre ainsi
la chanson originelle dont s'était inspiré le poète
Frédéric Mistral pour composer l'air de Magali, chanson
qu'il aurait recueillie auprès d'un laboureur de son
père à Maillanne. C'est M. A. Perruche qui relate cette
information en juillet 1943 en précisant, je le cite :
« Jusqu'à preuve du contraire, Coux serait donc le
berceau de l'air de Magali. Paroles et musique
originaires de Coux ont été publiées en 1906 par Louis
Lambert dans son ouvrage sur les chants et chansons du
Languedoc, avec le concours de la Société pour l'étude
des langues romanes ».
C'est avec ce petit clin d'oeil que se termine notre visite.
Janine Jail
membre du bureau de l'association Arts et Mémoires