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GRAVIÈRES

Commune très étendue, Gravières présente un habitat très dispersé comportant un grand nombre de fort belles maisons. À l'écart de la route, le « centre » du village ne regroupe autour d'une vaste place occupant l'emplacement de l'ancien cimetière, que la mairie, l'école et l'église Saint-Victor.
Cette dernière a fait l'objet de plusieurs visites de la Société de Sauvegarde, notamment en 1974, 1986 et 2017. Nous nous réfèrerons ici aux comptes rendus de ces différentes visites ; celle de 1986 était commentée par Robert Saint-Jean.
Par ailleurs, notre association a apporté son concours à la remise en état d'un ensemble monumental particulier, le Sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes, encore appelé le Rosaire.

L'église Saint-Victor

L'église Saint-Victor est classée monument historique depuis 1907. Gravières, jadis le plus important centre religieux de la région, constituait un doyenné enclavé dans le diocèse de Viviers, une sorte de sous-diocèse comprenant 14 paroisses jusqu'en 1790, date d'un démembrement qui les répartit entre les diocèses de Viviers, Nîmes et Mende.

Gravières : église Saint-Victor portail

Une première mention de Gravières apparaît en 1096, date de la cession par l'évêque d'Uzès de l'église aux chanoines de Saint-Ruf, lesquels la rétrocèdent en 1200 à l'évêque d'Uzès. En 1373 est fondée la chapellenie de Tous les Saints et plus tard celle de N.-D. de la Tribune par les Fustier de Combret qui y ont leur tombeau. Parmi les familles notables, on peut encore citer les Roure (déjà mentionnés à Brahic), les La Tour, les Malbosc...

Extérieurement n'apparaît de l'édifice primitif qu'une partie de l'abside romane, bien conservée avec sa frise ornée de modillons. R. Saint-Jean insiste sur la qualité de l'appareil en moellons de grès taillés avec soin et assemblés à joints fins.
Au sud, le mur de la nef du xiie siècle est entièrement masqué par des adjonctions ultérieures, à savoir, d'est en ouest, deux chapelles latérales, la seconde supportant le haut clocher construit au xvie siècle, puis un très beau porche gothique flamboyant et enfin la travée occidentale ajoutée au xixe siècle.
Le porche gothique est remarquable par son dessin et la qualité de sa réalisation avec ses  arcs en accolades aux multiples voussures ; c'est une œuvre qui témoigne de la virtuosité des artisans tailleurs de pierre du xvie siècle et qui est significative de la période baroque du gothique flamboyant.

Quant à la travée occidentale du xixe siècle, on doit se féliciter que son constructeur, l'abbé Canaud, ait eu le mérite, fort rare à cette époque, de respecter l'harmonie du monument et de continuer la construction dans un appareil de qualité semblable à l'ancien.

Gravières - église Saint-Victor : l'abside modillons
modillons

Intérieur

La nef chapiteau chapiteau

Les deux travées primitives de la nef sont couvertes d'une voûte en berceau très légèrement brisé, qui est renforcée par des arcs doubleaux retombant sur de hautes colonnes engagées. Elles sont séparées de l'abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four par l'arc triomphal et par une très courte travée de chœur voûtée en plein cintre. La travée occidentale du xixe siècle est, elle aussi, voûtée en plein cintre. L'ensemble est recouvert d'un décor peint datant du xixe siècle. Y-a-t-il des fresques anciennes au-dessous ? Les églises romanes étaient peintes. Étant donné la qualité de l'appareil extérieur, on peut supposer un intérieur semblable.

Quelques curieux chapiteaux, de facture assez primitive, surmontent les colonnes : Sur l'un, un personnage entre deux arbres est généralement interprété comme représentant Adam, peut-être choisissant entre l'arbre de Vie et celui de la Connaissance. On trouve aussi plusieurs représentations d'un personnage avec deux grandes ailes, peut-être « l'aigle de Cluny ». Dans la chapelle de la Vierge les nervures de la voûte retombent sur des culs-de-lampe figurant un visage d'homme, puis deux animaux. Aux fonts baptismaux se voient les vestiges d'un ancien retable et une cuve en pierre (carolingienne ?).

D'autres têtes sculptées apparaissent encore sur la flèche du clocher ; la clef de voûte du porche représente deux visages en opposition.

L'arbre de Jessé

Gravières - église Saint-Victor : L'arbre de Jessé

L'église de Gravières renferme un remarquable bas-relief, représentant l'arbre de Jessé, pièce très rare que Robert Saint-Jean a étudiée en détail et a datée de la fin du xive siècle. (cf bibliographie)
Situé à gauche à l'entrée du chœur, haut de 2,47 mètres et large de 2,20, ce retable est taillé dans des dalles rectangulaires en calcaire de Barjac. C'est un triptyque ouvert encadré d'une moulure, deux tores séparés par une profonde gorge. Il a été fortement saccagé en 1556 par les protestants qui ont supprimé toutes les têtes.
Il a été classé Monument historique le 26 septembre 1903.
Une question se pose alors : « Comment expliquer la présence d'une œuvre d'une telle qualité dans une église rurale à l'époque de la Guerre de Cent Ans ? »
Il se trouve que le prieuré de Gravières dispose alors d'une certaine aisance. Le prieur Arnulphe, en 1385, en aurait-il été le commanditaire ? Ou serait-ce un don des Lagarde-Malbosc, puisque primitivement il se trouvait dans la chapelle de la Sainte-Vierge où était leur tombeau ?
Sur certains panneaux, sont visibles des taches de couleur bleue. En effet, le curé Canaud, dans un désir de bien faire, avait badigeonné de bleu indigo et de blanc toutes les sculptures. Il a été décapé et restauré en 1973.
Dans le panneau central se trouve l'arbre de Jessé qui rappelle la prophétie annonçant la naissance du Christ : « Il sortira un rejeton du tronc d'Isaïe (Jessé en grec) et une fleur naîtra de ses racines. »
Dans la tige, se trouve la lignée des douze rois de Juda et dans la fleur, Jésus. Jessé est couché sur le sol, le corps tourné vers le spectateur. Derrière lui, sur le tronc de l'arbre, un cep de vigne est disposé en forme de candélabre. Les rois de Juda sont couronnés, portant un sceptre et tenant un court phylactère.
La Vierge à l'Enfant est représentée à mi-corps, couronnée et tenant un sceptre ou un fleuron de la main droite. Elle est vêtue d'un manteau à larges plis. L'enfant est habillé d'une longue tunique d'où sortent ses pieds nus.
Les scènes de la vie du Christ sont représentées dans douze tableaux rectangulaires, sans perspective ni arrière-plan. Trois retracent son enfance, six la Passion et trois la Glorification.

retable détail

De bas en haut : L'annonciation, la Nativité et l'Adoration des Mages

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De bas en haut : L'ejntrée de Jésus à Jérusalem,
le baiser de Judas et l'arrestation de Jésus et
la Crucifixion

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De bas en haut : La déposition de la croix,
la descente aux enfers et la Résurrection

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De bas en haut : L'Ascention, la Pentecôte et le Christ en majesté dans une mandorle

Sur le volet gauche
- L'Annonciation : l'ange est agenouillé, ailes déployées, tenant un phylactère. Marie porte un manteau agrafé sur la poitrine.
- La Nativité : Marie est couchée dans un lit dont la couverture dessine un beau drapé. À droite, Joseph assis, le bras levé, semble désigner la crèche surmontée des têtes de l'âne et du bœuf.
- L'adoration des Mages : c'est la scène la mieux conservée. Marie est encore alitée. L'enfant est debout sur le lit. Le premier Mage dépose sa couronne aux pieds de Marie. Les autres, debout, sont représentés de face. Un serviteur tient la bride des chevaux dont on aperçoit les têtes.
- L'entrée de Jésus à Jérusalem : la ville est évoquée par une tour crénelée sur laquelle on distingue le buste d'un petit personnage tenant une couronne ou une palme. Jésus, monté sur une ânesse, est accompagné de deux disciples.
- Le baiser de Judas et l'arrestation de Jésus : les visages de Jésus et de Judas sont à demi détruits, mais le groupe de soldats, portant lances, épées et boucliers est relativement épargné. Ils sont vêtus d'une cotte de maille sur laquelle est passé un surcot d'étoffe ou de cuir. L'un d'eux est orné de cercles, un autre de longues mèches. Le troisième porte un large ceinturon.
- La crucifixion : ce tableau est très mutilé. On y voit Marie et Jean placés sous la croix exprimant leur douleur. Le porte-lance et celui qui tient l'éponge, de très grande taille, sont curieusement vêtus comme des disciples et non comme des soldats.
Sur le volet droit :
- La déposition de la croix : les personnages sont réduits à des silhouettes informes.
- La descente aux Enfers : le Christ, la croix à la main, délivre trois âmes nues de la gueule béante de l'Enfer.
- La Résurrection : le Christ, la croix à la main, se glisse hors d'un sarcophage. Au premier plan, les trois gardes endormis sont vêtus comme des soldats du xive siècle.
- L'Ascension : l'espace est complètement rempli par le groupe compact des douze apôtres alignés de profil et vêtus de longues tuniques. Dans l'angle, la tête du Christ émerge d'un nuage.
- La Pentecôte : les apôtres sont répartis en deux groupes de part et d'autre de la Colombe placée au sommet du tableau, avec des langues de feu et des rayons émanant de l'Esprit-Saint.
- Le tableau supérieur représente le Christ en majesté dans une mandorle. Robert Saint-Jean l'a interprété comme « une vision de l'Apocalypse, le Christ trônant dans une gloire entouré des quatre Vivants (aigle, ange, lion et bœuf). »

Le maître-autel du xviie siècle

L'église contient un autre objet d'art digne d'intérêt. Il s'agit du maître-autel en bois doré, à l'ornementation chargée, qui n'est en place que depuis le milieu du xixe siècle, mais qui daterait de la fin de la première moitié du xviie.

 Au-dessus de la niche qui surmonte le tabernacle, on remarque une couronne qui est sans conteste celle des souverains d'Espagne, ce qui ne laisse aucun doute sur l'origine de l'autel, qui est probablement un don de l'État. On dit même qu'il fut offert par l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, mais le fait n'est pas avéré.

Bibliographie