L'implantation des Templiers, puis leur remplacement par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ont laissé à Jalès un important ensemble architectural dont la construction s'est étalée sur presque six siècles. Celui-ci se situe dans la plaine, sur l'ancienne commune de Berrias, aujourd(hui rattachée à celle Casteljau sous le nom de Berrias-et-Casteljau.
La commanderie vue du sud |
Le bailli de Suffren |
L'insécurité du temps conduisit les Hospitaliers à fortifier la commanderie, en soudant entre
eux les principaux corps de bâtiments et en aménageant des éléments de défense appropriés :
échauguettes aux angles, pont-levis d'accès à la cour du puits, surélévation du mur
méridional de la chapelle, tour carrée au-dessus du portail d'entrée alors fermé par une herse.
Jalès était devenue une maison forte. Les vestiges conservés, encore bien visibles
aujourd'hui, témoignent de l'importance des travaux réalisés à cette époque.
Aux xvie et xviie siècles, Jalès connut des phases de semi-abandon du fait de gouverneurs
souvent éloignés et peu soucieux de venir contrôler de près la gestion de la commanderie.
Mais elle entre dans une période de renouveau à partir de 1740 sous l'impulsion du
gouverneur Pierre Emmanuel de Lauberivière et de son intendant Antoine Fuzet. Les deux
hommes mirent de l'ordre dans la perception des revenus fonciers et dans la mise en valeur
des terres. Ils élevèrent de nouveaux bâtiments d'exploitation et de résidence et donnèrent
ainsi une nouvelle prospérité à la commanderie. Le célèbre bailli de Suffren en aurait été
commandeur de 1782 à 1788, mais s'il vint à Jalès, ce ne fut certainement que pour de courts
séjours.
La commanderie fut le centre des rassemblements séditieux dits de Jalès de 1790, 1791 et
1792. Après l'échec de la révolte du comte de Saillans, elle fut incendiée comme le fut le
château de Banne, mais ne fut pas l'objet d'un ordre de démolition.
Vendue comme bien national, elle se trouva partagée entre plusieurs propriétaires, ce qui la
sauva de l'abandon et de la ruine, mais lui apporta quelques adjonctions regrettables.
Une grande partie des bâtiments de la commanderie est aujourd’hui la propriété du
Département de l’Ardèche. Une partie abrite une antenne d'Archéorient, un laboratoire du CNRS
spécialisé dans l’étude de l’environnement et des sociétés de l’Orient ancien.
L'association Act'Jalès (Les Amis de la commanderie templière de Jalès) anime la
commanderie, notamment par l'organisation de visites et de concerts qui ont lieu dans le cellier roman.
D'après Michel Appourchoux (loc. cit.) |
Depuis les débuts de sa construction, les bâtiments de la commanderie de Jalès ont connu beaucoup
de transformations et de déboires. Néanmoins, les modifications apportées au cours des siècles ne
sont pas telles qu'elles aient pu faire oublier les origines et il subsiste des constructions
exceptionnelles de chaque époque.
Pour en simplifier l'examen, il est possible de dégager trois époques essentielles dans les bâtiments
qui demeurent :
- le xiie siècle, époque de la création ;
- l'époque de la guerre de Cent Ans, fin du xive siècle, début du xve ;
- le xviiie siècle.
C'est autour de 1140 que les Templiers entreprirent la construction de la commanderie.
Les principaux bâtiments furent alors édifiés autour de l'actuelle cour du puits : la chapelle au sud
[A], séparée des autres bâtiments avec son petit cimetière au chevet, le logis des Templiers ou « palais » (palacium) à l'est [C], le cellier [D] surmonté des greniers au nord et, formant un L avec
ce dernier, une aile ouest [E] contenant les écuries et les communs. Au centre de la cour intérieure,
le puits très profond, assurait l'alimentation en eau potable dans un site éloigné de toute source.
Cet ensemble, ouvert à l'époque sur la campagne environnante, fut construit dans un très bel
appareil roman, régulier, de calcaire gris à joints minces provenant d'une carrière de Berrias. Les
pierres, très bien dressées, se distinguent aisément aujourd'hui de l'appareil plus irrégulier et plus
grossier des constructions postérieures.
Son plan, très simple, est celui que l'on trouve pour de nombreuses chapelles rurales de la région, à savoir une nef unique terminée par une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four.
Cette nef de trois travées est voûtée en berceau et renforcée par des doubleaux qui retombent sur de
simples consoles. Dans le mur nord, seule la petite porte en plein cintre qui permet l'accès depuis la
cour du puits est d’origine. De même sur la paroi sud, seul le grand portail en plein cintre et deux
fenêtres datent du xiie siècle.
On remarque, au fond, une baie romane obturée et des restes de
peinture d’une époque indéterminée.
Le cellier |
Ce cellier est une superbe construction de 24 mètres de longueur sur 6 mètres de largeur couverte d'une
impressionnante voûte en berceau continue, légèrement brisée, qui repose sans aucune discontinuité
sur les murs, formant un ensemble parfaitement appareillé.
Bénéficiant d'une excellente acoustique, ce cellier accueille depuis quelques années des concerts
organisés par l'association Act'Jalès.
Le logis orienté sud-nord qui fermait à l'est la cour du puits ou palacium [C] était au xiie siècle séparé de la chapelle. De cette époque ne subsiste que la base des murs, car il a été profondément remanié au xviiie siècle et au delà.
Ce bâtiment qui se raccorde en équerre au cellier a conservé ses murs romans jusqu'au
deuxième étage. La façade ouest à l'extrémité de laquelle s'ouvre le portail du cellier est
encore impressionnante par son ampleur et la qualité de ses murs.
L'accès à la cour du puits se faisait au xiie siècle et se fait toujours par un passage voûté
situé à l'angle sud-ouest des bâtiments romans entre la chapelle et l'extrémité de l'aile ouest.
À l'origine, la commanderie des Templiers n'était qu'un gros domaine agricole, pratiquement
ouvert sur l'extérieur, sans aucun ouvrage défensif, tour, donjon ou autre.
Par contre, au xive et au début du xve siècle, les Hospitaliers durent fortifier la commanderie
pour la protéger contre les incursions des bandes de pillards, Tuchins et autres, qui
sévissaient durant la guerre de Cent-Ans. Ils construisirent un grand mur de protection et
relièrent la chapelle au corps de logis par un bâtiment englobant son abside. L'accès à la
cour du puits se fit désormais par une porte avec pont-levis et, toujours dans un but défensif,
les murs des bâtiments romans furent surélevés, Ceci se voit particulièrement sur le mur sud
de la chapelle, par la différence de qualité de construction entre le mur parfaitement
appareillé du xiie siècle et la partie supérieure beaucoup moins soignée.
En 1428, les Hospitaliers construisirent une tour-donjon sur le portail sud [H] ; cette entrée
subsiste de nos jours sous la forme d'un passage voûté en berceau, mais la tour a été
démantelée.
Le mur sud de la chapelle. |
La cour du puits |
Porte du pavillon datant du xviiie siècle |
On a vu qu'après environ un siècle et demi où la commanderie a été plus ou moins laissée à l'abandon et où les bâtiments se sont lentement dégradés, ceux-ci ont été non seulement restaurés, mais considérablement agrandis et magnifiquement aménagés à partir de 1740 par le gouverneur Pierre Emmanuel de Lauberivière. Ces constructions du xviiie siècle, aux grandes portes et fenêtres légèrement cintrées, en pierre de taille de grès fin, à la mouluration soignée, sont aujourd'hui encore facilement reconnaissables malgré toutes les mutilations qu'elles ont subies.
- Appourchoux (Michel), Berrias... La commanderie de Jalès, Éditioins Mémoire d'Ardèche et Temps Présent, 2004.
- Compte rendu de la visite de la Sauvegarde du 12 octobre 1996.