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La commanderie de Jalès

L'implantation des Templiers, puis leur remplacement par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ont laissé à Jalès un important ensemble architectural dont la construction s'est étalée sur presque six siècles. Celui-ci se situe dans la plaine, sur l'ancienne commune de Berrias, aujourd(hui rattachée à celle Casteljau sous le nom de Berrias-et-Casteljau.

vue aérienne de la commanderie

La commanderie vue du sud
(Crédit Barge - Licence:Creative Commons)

Bref historique

Comme la plupart des commanderies templières installées dans des positions stratégiques permettant le contrôle du territoire environnant, la maison de Jalès fut solidement établie au sommet d'une légère éminence surveillant la plaine de Berrias et le front des Cévennes.
L'édification des bâtiments indispensables à la vie conventuelle des frères ainsi qu'à la vocation agricole du domaine, fut vraisemblablement entreprise aux alentours de 1140, conformément à la règle de l'Ordre : une cour centrée sur un puits, autour de laquelle la chapelle, le logis des religieux, le cellier, les écuries et les communs forment un quadrilatère qui, à l'origine, était ouvert sur la campagne.
Malgré les transformations apportées par les occupants successifs de la commanderie et les vicissitudes du temps, la plus grande partie des constructions romanes, édifiées en bel appareil régulier de calcaire de Berrias, a subsisté jusqu'à nos jours. Quant au domaine agricole, il ne va pas cesser de s'étendre durant un siècle et demi, jusque vers 1280, et devint ainsi considérable.
En 1313, à la suite de la dissolution de l'ordre du Temple, un commandeur de l'ordre des Hospitaliers fut désigné pour diriger la « maison » de Jalès qui fut intégrée dans le ressort du Grand Prieuré de Saint-Gilles du Gard. Mais aux xive et xve siècles, la commanderie allait connaître la crise économique et les conséquences désatreuses de la guerre de Cent Ans. Ces évènements conduisirent l'ordre des Hospitaliers à réorganiser le réseau de ses commanderies et c'est ainsi qu'en 1383 les deux établissements de Trignan, à Saint-Marcel d'Ardèche, et de Jalès furent réunis sous le gouvernement d'un même commandeur dont la résidence fut fixée à Jalès.

Le bailli de Suffren

Le bailli de Suffren
par Pompeo Batoni (1708-1787) - château de Versailles

L'insécurité du temps conduisit les Hospitaliers à fortifier la commanderie, en soudant entre eux les principaux corps de bâtiments et en aménageant des éléments de défense appropriés : échauguettes aux angles, pont-levis d'accès à la cour du puits, surélévation du mur méridional de la chapelle, tour carrée au-dessus du portail d'entrée alors fermé par une herse. Jalès était devenue une maison forte. Les vestiges conservés, encore bien visibles aujourd'hui, témoignent de l'importance des travaux réalisés à cette époque.
Aux xvie et xviie siècles, Jalès connut des phases de semi-abandon du fait de gouverneurs souvent éloignés et peu soucieux de venir contrôler de près la gestion de la commanderie.
Mais elle entre dans une période de renouveau à partir de 1740 sous l'impulsion du gouverneur Pierre Emmanuel de Lauberivière et de son intendant Antoine Fuzet. Les deux hommes mirent de l'ordre dans la perception des revenus fonciers et dans la mise en valeur des terres. Ils élevèrent de nouveaux bâtiments d'exploitation et de résidence et donnèrent ainsi une nouvelle prospérité à la commanderie. Le célèbre bailli de Suffren en aurait été commandeur de 1782 à 1788, mais s'il vint à Jalès, ce ne fut certainement que pour de courts séjours.
La commanderie fut le centre des rassemblements séditieux dits de Jalès de 1790, 1791 et 1792. Après l'échec de la révolte du comte de Saillans, elle fut incendiée comme le fut le château de Banne, mais ne fut pas l'objet d'un ordre de démolition.
Vendue comme bien national, elle se trouva partagée entre plusieurs propriétaires, ce qui la sauva de l'abandon et de la ruine, mais lui apporta quelques adjonctions regrettables.
Une grande partie des bâtiments de la commanderie est aujourd’hui la propriété du Département de l’Ardèche. Une partie abrite une antenne d'Archéorient, un laboratoire du CNRS spécialisé dans l’étude de l’environnement et des sociétés de l’Orient ancien.
L'association Act'Jalès (Les Amis de la commanderie templière de Jalès) anime la commanderie, notamment par l'organisation de visites et de concerts qui ont lieu dans le cellier roman.

Les bâtiments

Plan de la commanderie

D'après Michel Appourchoux (loc. cit.)

Depuis les débuts de sa construction, les bâtiments de la commanderie de Jalès ont connu beaucoup de transformations et de déboires. Néanmoins, les modifications apportées au cours des siècles ne sont pas telles qu'elles aient pu faire oublier les origines et il subsiste des constructions exceptionnelles de chaque époque.
Pour en simplifier l'examen, il est possible de dégager trois époques essentielles dans les bâtiments qui demeurent :
- le xiie siècle, époque de la création ;
- l'époque de la guerre de Cent Ans, fin du xive siècle, début du xve ;
- le xviiie siècle.
C'est autour de 1140 que les Templiers entreprirent la construction de la commanderie. Les principaux bâtiments furent alors édifiés autour de l'actuelle cour du puits : la chapelle au sud [A], séparée des autres bâtiments avec son petit cimetière au chevet, le logis des Templiers ou « palais » (palacium) à l'est [C], le cellier [D] surmonté des greniers au nord et, formant un L avec ce dernier, une aile ouest [E] contenant les écuries et les communs. Au centre de la cour intérieure, le puits très profond, assurait l'alimentation en eau potable dans un site éloigné de toute source.
Cet ensemble, ouvert à l'époque sur la campagne environnante, fut construit dans un très bel appareil roman, régulier, de calcaire gris à joints minces provenant d'une carrière de Berrias. Les pierres, très bien dressées, se distinguent aisément aujourd'hui de l'appareil plus irrégulier et plus grossier des constructions postérieures.

Les bâtiments du xiie siècle

La chapelle

Intérieur dela chapelle Intérieur dela chapelle
peinture de l'abside

Son plan, très simple, est celui que l'on trouve pour de nombreuses chapelles rurales de la région, à savoir une nef unique terminée par une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four. Cette nef de trois travées est voûtée en berceau et renforcée par des doubleaux qui retombent sur de simples consoles. Dans le mur nord, seule la petite porte en plein cintre qui permet l'accès depuis la cour du puits est d’origine. De même sur la paroi sud, seul le grand portail en plein cintre et deux fenêtres datent du xiie siècle.
On remarque, au fond, une baie romane obturée et des restes de peinture d’une époque indéterminée.

Le cellier roman

le cellier roman

Le cellier

Ce cellier est une superbe construction de 24 mètres de longueur sur 6 mètres de largeur couverte d'une impressionnante voûte en berceau continue, légèrement brisée, qui repose sans aucune discontinuité sur les murs, formant un ensemble parfaitement appareillé.
Bénéficiant d'une excellente acoustique, ce cellier accueille depuis quelques années des concerts organisés par l'association Act'Jalès.

Le logis des chevaliers

Le logis orienté sud-nord qui fermait à l'est la cour du puits ou palacium [C] était au xiie siècle séparé de la chapelle. De cette époque ne subsiste que la base des murs, car il a été profondément remanié au xviiie siècle et au delà.

L'aile ouest de la cour du puits

Ce bâtiment qui se raccorde en équerre au cellier a conservé ses murs romans jusqu'au deuxième étage. La façade ouest à l'extrémité de laquelle s'ouvre le portail du cellier est encore impressionnante par son ampleur et la qualité de ses murs.
L'accès à la cour du puits se faisait au xiie siècle et se fait toujours par un passage voûté situé à l'angle sud-ouest des bâtiments romans entre la chapelle et l'extrémité de l'aile ouest.

Aux xive et xve siècles, les Hospitaliers fortifient la commanderie

À l'origine, la commanderie des Templiers n'était qu'un gros domaine agricole, pratiquement ouvert sur l'extérieur, sans aucun ouvrage défensif, tour, donjon ou autre. Par contre, au xive et au début du xve siècle, les Hospitaliers durent fortifier la commanderie pour la protéger contre les incursions des bandes de pillards, Tuchins et autres, qui sévissaient durant la guerre de Cent-Ans. Ils construisirent un grand mur de protection et relièrent la chapelle au corps de logis par un bâtiment englobant son abside. L'accès à la cour du puits se fit désormais par une porte avec pont-levis et, toujours dans un but défensif, les murs des bâtiments romans furent surélevés, Ceci se voit particulièrement sur le mur sud de la chapelle, par la différence de qualité de construction entre le mur parfaitement appareillé du xiie siècle et la partie supérieure beaucoup moins soignée.
En 1428, les Hospitaliers construisirent une tour-donjon sur le portail sud [H] ; cette entrée subsiste de nos jours sous la forme d'un passage voûté en berceau, mais la tour a été démantelée.

le mur sud de la chapelle

Le mur sud de la chapelle.
On remarque la différence de construction entre la partie inférieure romane et la surélévation du xive siècle

la cour du puits

La cour du puits

La rénovation du xviiie siècle

Porte du 18e siècle

Porte du pavillon datant du xviiie siècle

On a vu qu'après environ un siècle et demi où la commanderie a été plus ou moins laissée à l'abandon et où les bâtiments se sont lentement dégradés, ceux-ci ont été non seulement restaurés, mais considérablement agrandis et magnifiquement aménagés à partir de 1740 par le gouverneur Pierre Emmanuel de Lauberivière. Ces constructions du xviiie siècle, aux grandes portes et fenêtres légèrement cintrées, en pierre de taille de grès fin, à la mouluration soignée, sont aujourd'hui encore facilement reconnaissables malgré toutes les mutilations qu'elles ont subies.

Sources

- Appourchoux (Michel), Berrias... La commanderie de Jalès, Éditioins Mémoire d'Ardèche et Temps Présent, 2004.

- Compte rendu de la visite de la Sauvegarde du 12 octobre 1996.

Quelques autres références