Profitant de l'actualité de la recherche et de la récente soutenance de la thèse de doctorat de Claude Lefebvre, nous avons proposé une sortie d'hiver sur le site archéologique de Jastres-Nord, près de Lussas, sur le contrefort du Coiron. Lors d'une belle et froide après-midi d'hiver, Michel Boyer, président de l'Association de Sauvegarde du Plateau de Jastres, nous a aimablement accueillis et présenté cet oppidum (un habitat fortifié de hauteur) implanté en bordure de la falaise dominant la rivière Ardèche et la plaine d'Aubenas.
L'Ardèche et la falaise de Jastres |
Avant la conquête romaine, le territoire de l'actuel département de l'Ardèche était principalement occupé par les Helviens (dans le Bas-Vivarais). Ce peuple est essentiellement signalé par César, Strabon et Pline. Dans la Guerre des Gaules, César décide de rassembler ses troupes sur leur territoire lors de la coalition gauloise de 52 avant J.-C. Il fait allusion à leur ville et à leurs retranchements. Plusieurs éléments permettent de penser que les Helviens durent être précocement annexés à la province romaine de Transalpine : attribution de la citoyenneté romaine, amitiés avec César et considérations diverses de la part des romains. Le chef-lieu primitif des Helviens pourrait avoir été l'oppidum de Jastres, stratégiquement situé sur un itinéraire important entre la vallée du Rhône et le Massif Central.
L'oppidum de Jastres-Nord est de type « éperon barré » et couvre une superficie de 5 à 7 hectares. Trois remparts construits à des époques différentes barrent l'éperon. Un premier rempart de facture protohistorique (seconde moitié du iie siècle avant J.-C.), large de 4,80 mètres et en moellons posés à sec en double parement en moyen appareil et blocage interne. Le deuxième rempart a été construit vers 80/70 avant J.-C.. Haut de 3 à plus de 5 mètres et large de 3,50 mètres, il est rythmé par cinq tours massives et un bastion à l'est.
À gauche, la clavicula vue de l'intérieur. |
À l'ouest, une remarquable clavicula (un mur arrondi débordant) protège l'entrée frontale de la ville. Deux portes successives fermaient le passage. Le troisième rempart est dû à un remaniement de la fortification au milieu du ier siècle avant J.-C. et double le précédent. De nouvelles tours alternativement rondes et quadrangulaires culminaient à 10 mètres, rendant ainsi le site spectaculaire. Derrière les remparts, l'habitat reste peu connu en raison de la mauvaise conservation des vestiges et de la faible surface fouillée. On peut cependant dire que celui-ci était organisé de manière régulière. Les maisons, structurées le long des rues et de plan allongé, semblent bordées en front de rue, sur leur petit côté, par une boutique ou une échoppe.
L'Association de Sauvegarde du Plateau de Jastres restaure et entretient le site. Nous avons malheureusement pu constater que Jastres-Nord fait régulièrement l'objet de vandalisme et de vol de pierres, les remparts restant encore accessibles aux véhicules malgré les efforts de l'Association.
Texte : Marion Charlet
Photographies : Paul Bousquet et Michel Rouvière
(Visite de la Sté de Sauvegarde, janvier 2005)