Pour une présentation détaillée de l'église romane Saint-Pierre de Larnas, voir ici.
Le remarquable travail de Paul et Marie Bousquet sur les églises romanes d’Ardèche a déjà reçu bien des hommages, mais il mérite une reconnaissance allant bien au-delà : car non seulement ils ont réussi à toucher un large public, mais aussi à faire découvrir à des Ardéchois (dont je fais partie) certains monuments dont ils ignoraient l’existence ou l’importance archéologique (faute parfois à la difficulté de se les faire ouvrir). Leur travail est une porte ouverte à d’autres chercheurs pour approfondir nos connaissances sur ces sites.
Dans cet immense édifice, je n’ai apporté « qu’un grain de sable » limité à l’église Saint-Pierre de Larnas, par la description d’un remploi extérieur et la fourniture de la photo d’une pierre de remploi à l’intérieur. Faute de place dans le temps limité du DVD, cette pierre n’y a pas été décrite. Elle fait donc l’objet de cet article, car ce motif a, je pense, un triple intérêt :
Pierre de remploi à l'intérieur de l'église de Larnas |
Il s’agit d’une pierre approximativement carrée (environ 25 x 20 cm). Elle est coupée en bas et une bordure est visible sur trois côtés (fragment de pilier de chancel ou bordure de plaque ?). Les joints d'encastrement de la pierre ne permettent pas d'analyser les cassures pour s'en faire une opinion plus précise. Elle est incluse dans le mur ouest du transept à environ quatre mètres de hauteur. Elle est sculptée dans un calcaire jaune différent de celui de l’église.
« Pilier wisigothique » à Rennes-le-Château |
Le motif : cercle lié au carré, appartient à la famille définie par Mme Buis de la « Torsade liée au losange » dans son traitement simple5. Plusieurs définitions avaient été données, depuis le début du XXe siècle, pour ce motif4. Mais pour Mme Buis ces définitions décrivaient des dessins dans lequel le cercle est indépendant (comme il semble que ce soit justement le cas à Larnas) alors qu’elles s’appliquaient à des descriptions de pierres où les cercles sont reliés entre eux par une torsade5. Mais il y a des variantes dans la même catégorie de motif et elle a finalement conservé la définition élargie précitée pour l’ensemble des motifs de cette famille, dont Larnas fait partie.
À Larnas le cercle est perlé, de perles ovales, le départ du motif de la frise au carré est en étrier et le ruban est à trois brins (ou trois fils). On retrouve ce motif en remploi à Rennes-le-Château (Aude) sur le bien connu « pilier wisigothique » et à Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault).
Il est à préciser que le motif du pilier de Rennes-le-Château a été remployé à l’envers (retourné) tout comme la croix à volutes faussement potencée, qui orne l’autre face du pilier.
Le motif de Larnas semble se singulariser dans sa catégorie par le fait que le cercle est indépendant (comme à Donzère, dans la Drôme) et non relié par la torsade comme sur les deux sites précités. Malgré la cassure de la pierre on ne distingue pas d’amorce de la continuité du ruban de la torsade. Mme Buis émet l’hypothèse que le motif avec cercle indépendant soit plus tardif que celui avec cercles reliés entre eux. Cela reste à démontrer par une étude plus étendue et approfondie de ces motifs en divers lieux.
Les fragments de Rennes-le-Château et Saint-Guilhem-le-Désert sont datés de la deuxième moitié du IXe siècle2.
Saint-Guilhem-le-Désert |
Si ce fragment, ainsi que les autres de Saint-Pierre de Larnas étudiés par Mme Buis ne peuvent être en toute certitude attribués comme appartenant à l’église existant en 950, il est toutefois à peu près certain que ces fragments témoignent de l’existence d’un édifice antérieur à l’église romane du XIIe siècle visible actuellement2 construite sur l’emplacement d’un sanctuaire gallo-romain où d’autres sanctuaires ont pu se succéder comme en d’autres lieux en Ardèche6.
Sous forme de remploi (obéissant à la tradition préromane qui préconise de réemployer des vestiges d’édifices cultuels antérieurs pour construire de nouveaux bâtiments sacrés), on rencontre ce motif en d’autres lieux dans toute l’Europe. Un grand nombre en Italie datés à partir du tout début du IXe siècle comme à Turin (806), en Istrie, etc.
Mais il semble que ce motif que l’on trouve déjà au VIIIe siècle (Pavie première moitié du VIIIe siècle et Albenga fin VIIIe siècle) et qui peut avoir une origine antérieure, ait été ensuite reproduit après la fin de la période carolingienne, sur des édifices romans jusqu’au début du XIIe siècle5.
Texte et photographies : Christiane Bernard