Malgré des prévisions météorologiques peu encourageantes, près de cent personnes sont venues participer à la visite des environs d’Ozon et à l’assemblée générale 2006. Le rendez-vous était fixé à Eclassan ; un vent assez froid et plutôt violent nous montra que cette journée d’automne bien que proche de l’équinoxe serait fraîche, mais que les risques de pluie étaient faibles. Après un accueil chaleureux, le président nous indique le programme de la matinée. Mme d’Augustin, qui déplore l’absence de M. Gaston Pouenard retenu par ailleurs, nous fera visiter l’église d’Eclassan, le petit oratoire de Notre-Dame de Roche et la chapelle d’Ozon, M. Thierry de La Roque nous présentera le château des Prés.
Église d'Eclassan |
Les premières traces du prieuré d’Eclassan sont relevées dans le cartulaire de l’abbaye de Saint-Chaffre du Monastier au XIe siècle. L’église actuelle a été construite sur l’emplacement de l’ancienne église N.-D. de la Pitié devenue trop petite. Les plans ont été établis par l’abbé Manoha, prêtre et architecte qui assura la direction des travaux avec l’aide de son frère Alexandre, maire d’Eclassan. La construction fut possible grâce à la générosité des habitants. Les travaux furent commencés en avril 1858 sous le ministère de l’abbé Marmey et terminés en novembre 1862 sous l’abbé Garnodier, célèbre historien du son village. Son style est qualifié de romano-byzantin, elle se compose de trois nefs et d'une croix grecque. Une coupole placée en son milieu a été supprimée en raison de son entretien très difficile. Les boiseries intérieures, stalles du chœur, chaire, dons de la famille d’Argout, sont en noyer. Les marbres viennent d’Italie et ont été taillés à Lyon.
L’autel de la Sainte Vierge date de 1861. Celui de la chapelle du Sacré-Cœur a été placé en 1862 et celui du chœur en novembre 1866. Les dalles sont en pierre de Tournus. L’église a été dédiée à saint Maurice, chef de guerre romain, converti au christianisme et martyrisé pour sa foi avec un grand nombre de ses soldats qui s’étaient convertis avec lui. Un tableau situé dans le chœur à droite le représente à cheval, commandant une légion, tenant une oriflamme à la croix de gueule, portant un monogramme du Christ. Le tableau de la Vierge au chapelet a été donné par le ministre de l’intérieur, Apollinaire d’Argout, à la demande du baron de La Roque. Le tableau détouré de la Sainte Famille a été percé de cinq coups de sabre par un notaire de Quintenas en 1793, la légende dit que son sabre s’est brisé immédiatement après. Remarquer également à droite du chœur le porte burettes provenant de l’ancienne église N.-D. de la Pitié. Au-dessus de la porte d’entrée est placée une statue de saint Vincent réalisée par Marie-José Ségovia de Dragonet. Elle fut volée puis retrouvée dans une décharge, car sans valeur marchande.
L'oratoire N.-D. de la Roche |
Cet oratoire a été construit vers 1950 par Marcel
Deygas, artisan maçon à Eclassan, à l’initiative
du père Giraud et sous l’impulsion des fondateurs de
la Société de Sauvegarde, M. Louis Bourbon qui
en fut le président fondateur, du baron Chaurand, de la baronne
de La Roque et de M. Frachon.Tout était parti de la
découverte par Mme Cécile Vallet, ancienne habitante
du hameau de Roche à Eclassan d’une statue en pierre
représentant la vierge Marie et l’enfant Jésus.
La Vierge porte une grande cape par-dessus sa robe. Elle tient l’enfant
sur son bras gauche et l’entoure d’un pan de son vêtement,
sa tête arbore une couronne ornée de cercles. L’origine
de cette statue est très mystérieuse.
L’hypothèse la plus vraisemblable est celle avancée
par Michel Carlat, ancien conservateur délégué des
Antiquités et objets d’Arts de l’Ardèche : « elle
a pu faire partie d’une croix à personnages érigée
en 1586 lors des ravages de la peste à Eclassan et aujourd’hui
disparue ». Du vivant de l’abbé Giraud, un pèlerinage
avait lieu chaque année vers cet oratoire en l’honneur de celle
que l’on a appelée Notre-Dame de la Roche. Cette habitude fut
ensuite abandonnée, mais la statue est toujours là et Marie
veille sur ses enfants.
Au château des Prés |
C’est M. Thierry de La Roque qui nous fait l’historique
du château des Prés.
Ce qui est devenu aujourd’hui le château des Prés n’était à l’origine
qu’un ensemble de maisons dépendant du prieuré d’Eclassan.
Le plus ancien propriétaire des Prés est Mathieu Nesson. Il vivait
en 1455. En 1520 Les Prés furent achetés par André Noyer
qui transforma le bâtiment principal orienté face à l’est
en maison forte. Les Noyers n’appartenaient pas à la noblesse, Christophe
fut le premier à ajouter une particule à son nom, après
avoir acquis la seigneurie d’Ozon. Il avait épousé Marie
de Lestrange en 1620 et possédait de belles propriétés.
Mais un de ses descendants fut accusé du meurtre d’un protestant,
ses biens furent confisqués et mis aux enchères en place publique
de Tournon.
En 1756. Balthazar de La Roque du Pont de Munas rachète la baronnie d’Ozon et le château des Prés qui est décrit « comme étant tout en ruine, avec seulement une cuisine et deux mauvaises chambres ». En mai 1803, Jacques Joseph de La Roque, sous préfet de Tournon, s’installe aux Prés. À sa retraite, il met par écrit son projet : transformer Les Prés en château avec une orientation et une entrée principale au sud. Avant de mourir, il confie à son fils Gabriel le soin de réaliser ce projet. C’est finalement son petit-fils, Joseph, qui réalisera les travaux entre 1892 et 1917. L’objectif était de conserver au vieux bâtiment ses formes anciennes, de rajouter quatre tours, de construire une façade et une terrasse et de donner au tout un petit air féodal. Sa femme, Marthe Fournier va le mener à terme en rajoutant un peu de commodités à cette bâtisse.
Au cours de l’invasion allemande en juin 1940, Les Prés devient le Poste de Commandement du colonel Jouffraud qui combat l’armée allemande entre Annonay et Saint-Vallier. C’est à partir des Prés, dans le salon vert, que le colonel Jouffraud donne l’ordre de détruire le pont de Saint-Vallier, puis engage le combat à la tête de la 1ère brigade de spahis. Le château est bombardé à partir du Mont Rebut mais sauvé grâce à un brouillard providentiel, comme il s’en forme quelquefois à Ozon.
Après un tour rapide du château, nous rejoignons la grande salle de la mairie d’Ozon construite à l’emplacement de l’ancienne place forte disparue progressivement au XIXe et XXe siècles où se tiendra notre assemblée générale.
Le repas sera pris au restaurant Le Panoramic, nous en profiterons pour admirer la vue exceptionnelle sur le défilé de Saint-Vallier.
À notre programme de l’après midi la visite de la petite chapelle d’Ozon, puis, accompagnés par M. J.C. Bécheras, président de l’association A.S.P.E.C.T., nous visiterons le village d’Arras-sur-Rhône, l’église, la Tour Blanche, le vieux moulin et le musée.
La chapelle d'Ozon |
Divers documents mentionnent l’existence à Ozon d’un château, aujourd’hui disparu, et de sa chapelle. Au XIe siècle elle est cédée à l’abbaye de Saint-Chaffre. Elle est ensuite citée dans une bulle du pape Alexandre III en 1178, puis dans une bulle du pape Clément IV au XIIIe siècle, ainsi que dans divers actes au cours du Moyen Âge. En 1790, la section d’Auzon est divisée en trois pour le spirituel. Les masures et son château et toute la partie nord-est furent rattachés à la paroisse de Sarras, La Maladière à celle d’Arras, le reste demeurant à Eclassan. Le 7 avril 1804, Claude-Joseph Abrial fit la bénédiction de la cloche. L’abbé Ganodier écrit en 1868 « la chapelle d’Auzon existe encore, elle a même été restaurée en 1859. Néanmoins, l’on y dit plus la messe, ni fait de mariages ou enterrements depuis la tourmente révolutionnaire de 1789. »
En 1985, la municipalité d’Ozon qui a retrouvé un
peu de son ancienne prospérité avec les travaux d’aménagement
du Rhône et l’installation des centrales hydrauliques entreprend
entre autres tâches la restauration de la chapelle. La Ligue Urbaine
et Rurale propose de se charger des vitraux. C’est un peintre verrier
de Lyon, Mme Bitran, qui les réalisera. Le vitrail de la nef représente
saint Jean et saint Paul à qui est dédiée la chapelle.
Il s’agissait de deux officiers qui servaient dans les armées
de Julien l’Apostat et furent martyrisés pour leur foi à Rome
en 362. On reconnaît sur le vitrail leur casque et leur glaive. Au-dessus
de la porte d’entrée les couleurs bleu et blanc de la
Sainte Vierge, elles s’élancent vers l’infini. L’autel
est éclairé de tons jaunes, or et rouges apaisants et montrant
cette spiritualité marquée par l’élan vers Dieu.
Ces vitraux ont été inaugurés le 21 avril 1991 et la messe
célébrée par le père Fernand Clausel. On note également
un tableau du Christ dont le cadre est inscrit à l’inventaire supplémentaire.
L'église d'Arras
C’est M. Louis Bécheras qui fait un
historique rapide de cette église.
Le chœur est la partie la plus ancienne. En 937, la paroisse
aurait été remise aux chanoines de Saint-Barnard de Romans, puis
plus tard au prieuré de Saint-Vallier et ensuite aux chanoines de Saint-Ruf
de Vienne. Le nom de deux prieurs est connu, en 1518 Claude de Villeneuve et
en 1561 Guillaume Amzan, religieux Augustin de Saint Ruf, ainsi que, par les archives
paroissiales, le nom des dix-neuf prêtres desservants, de Jean Armand en
1659 à Amboise Vallon en 1986.
Au cours des temps, l’église subit de nombreuses transformations,
elle est agrandie, dotée en 1705 d’une tribune, supportée
par une borne milliaire, qui, plus tard, sera supprimée, les portes et
fenêtres qui communiquaient avec le prieuré seront murées
en 1789. Enfin elle s’est peu à peu dégradée avant
d’être restaurée en 1993 grâce au dévouement
et aux deniers de ses paroissiens sur les plans d’un architecte local.
Elle se singularise par six colonnes cylindriques surmontées
de chapiteaux construites en pierres du pays. Dans le chœur un Christ en
croix et de chaque côté, à gauche une statue de la Vierge
portant l’enfant Jésus et, à droite, la statue de saint Clair à qui
est dédiée la paroisse.
Enfin, sous le porche, une pierre tombale, classée monument historique,
porte l’indication PLACIDIE GRATUS et le monogramme du Christ.
Après avoir parcouru environ quatre cents mètres, un certain nombre de participants se rassemblent au pied de la Tour Blanche. Arras était une étape sur la voie romaine de la rive droite du Rhône, comme l'attestent deux bornes milliaires, l'une dédiée à l'empereur Dioclétien, l'autre à l'empereur Aurélien. Elles mentionnent la distance de 31 000 pas qui sépare Arras de Vienne. Arras était donc un site important pour le contrôle et la défense de la rive droite du Rhône. À quelle date ont été construits le château et les tours ? On ne sait, mais il y eut très vite deux fiefs, deux coseigneurs et deux tours : la tour carrée, la tour blanche ronde, seule à avoir résisté à l'épreuve du temps. En très mauvais état et menaçant ruine, elle a été restaurée grâce à l'association A.S.P.E.C.T. et l'aide de la Sauvegarde.
Avant d'arriver au pont qui enjambe la rivière Ozon, il est un vieux moulin avec sa grande roue métallique. Aménagé en 1852, il était alimenté par une levée située à deux cents mètres en amont et un canal de 80 cm de large et profond de 50 cm. Deux meules permettaient la fabrication de farine de blé pour les personnes et de seigle pour le bétail. Modernisé en 1935 pour répondre aux nouvelles exigences de la clientèle, il était doté d'un broyeur pour la farine de boulangerie et d'une des meules conservée pour la farine destinée aux animaux. En 1943, au décès du meunier, il est arrêté définitivement et transformé en locaux d'habitation. Seule la grande roue, vestige d'une époque révolue, est conservée.
La dernière visite sera consacrée au Musée d’Arras qui retrace la vie de la petite bourgade telle qu’elle s’est déroulée pendant des siècles. On retrouve les outils pour le travail de la terre ; noter les appareils utilisés pour la lutte contre le phylloxéra, le mobilier, les objets ménagers, les tables de classe et une photo assez émouvante des enfants de l’école communale groupés autour de leur maître.
Une ancienne sulfateuse |
Le vieux moulin |
Pour terminer cette agréable journée, M. J.-C. Bécheras nous offre le verre de l’amitié.
Jacques Dugrenot
À l’aide des documents fournis par
Mme d’Augustin, M. de La Roque, M. G. Betton et
MM. J.-C. et L. Bécheras.
Photographies : J. Dugrenot et P. Bousquet.