Sur la rive droite du Rhône, à environ une
vingtaine de kilomètres au nord de Tournon et à trois kilomètres
au sud d'Andance, dans un verger, coincé entre la RD 86 et la voie
ferrée, se trouve, à l'état de ruine, un monument atypique.
Après l'avoir remarqué en passant, bien qu'il s'agisse visiblement
d'une construction romaine, j'ai voulu en savoir plus à son sujet.
Au fil du temps, à travers les publications citées en référence
et suite à mes observations, j'ai pu mieux connaitre ce monument que
je présente ici afin d'attirer l'attention sur lui des visiteurs de
notre belle région.
Côté ouest - La porte et la niche creusée dans l'abside pleine pour recevoir les urnes cinéraires |
Murs nord et sud avec niches |
Il s'agit d'une ruine volumineuse, en pierres sombres,
régulièrement envahie par le lierre. Appellée « la
Sarrasinière » (je ne m'étendrai pas sur les différentes
origines qui ont été attribuées à ce nom), elle
a été classée Monument Historique en août 1883.
Il ne reste que le « squelette » du monument : la
maçonnerie de blocage totalement dépouillée de ses blocs
de pierre de parement et plus encore des statues qui ont pu l'orner. Enclavé dans
un terrain cultivé, il figure sur le cadastre de la commune d'Andance,
qui en est actuellement propriétaire, sous le numéro de parcelle
300 qui délimite son emplacement.
À l'époque de sa construction, sous le Haut-Empire
romain, il appartenait au territoire transrhodanien de Vienne ; il se trouve
aujourd'hui en Ardèche, sur la façade nord-est du département.
À la base, la construction forme un rectangle d'environ
10 x 7 mètres sur 8 mètres de haut. L'étude
par sondage des fondations a fait apparaitre les dimensions du socle portant
l'édifice, d'environ 11,70 x 8 mètres.
La façade se trouvait à l'est, tournée vers le Rhône,
face à ce qui est aujourd'hui la voie ferrée, mais où passait
sans doute une voie romaine. L'entrée du monument se trouvait sur le côté ouest,
face à la RD 86.
Les fouilles menées en 1970 et 1971, publiées en 1979 par Y. Burnand,
ont démontré l'emplacement d'un seuil de deux mètres de
large, n'occupant pas une position axiale. Les quatre faces du monument comportaient
des niches. Sur la façade est se trouvaient trois grandes niches de 3,10
m environ sur 82 à 87 cm. Elles devaient être destinées à abriter
une statue et sans doute également des inscriptions.
Au dessus, à environ cinq mètres de hauteur,
il y a la trace d'une plateforme qui a pu être dallée et supporter
une ou plusieurs statues. L'originalité de cette face est qu'elle
se traduit à l'intérieur du monument, en son centre, par une
forme en abside pleine, représentant un arc de cercle de cinq mètres
de rayon, donnant à l'édifice un plan unique, seul exemple
connu de cette période au moment de la publication. Ce plan peut
se définir ainsi : segment de tour ronde massive, enfermée
dans un enclos rectangulaire.
À l'intérieur du monument, au centre de la partie
arrondie, se trouve un emplacement de niche, agrandi par l'usure du temps ou
des dégradations volontaires, qui aurait pu recevoir des urnes cinéraires
et être fermé par un dispositif adapté à la forme
en arc de cercle du mur.
Les côtés nord et sud comportent chacun une niche. Sur
le côté ouest, de part et d'autre de la porte, se trouve également
une niche.
Ce monument devait avoir une couverture, probablement une toiture à deux
pans supportée par une charpente ou une voûte en berceau surbaissé,
avec un fronton côtés est et ouest.
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Longtemps considéré comme un trophée élévé par Q. Fabius Maximus, suite à sa victoire en 121 sur les gaulois transalpins, il apparait à la suite de différentes études comme un monument funéraire, un « tombeau familial ». Les fouilles minutieuses menées par Y. Burnand concluent à un mausolée datant approximativement du Ier siècle de notre ère, les niches, hormis celle de « l'abside », étant destinées à recevoir des statues et la plateforme supérieure à abriter un groupe statuaire funéraire.
Trace d'emplacement probable de plaque avec inscription ; aucune de ces inscriptions ne semble nous être parvenue : détruites ou enfouies ? Dans une collection particulière ? |
De nombreux trous de boulins sont visibles dans la maçonnerie.
Devenu un monument anonyme sans inscription à lui rapporter de façon certaine, on ne saura sans doute jamais qui a construit ce tombeau de famille situé sur les terres de propriétaires fonciers aisés, de la cité de Vienne. J'espère que, dans l'avenir, la municipalité signalera au moins par un petit panneau ce monument bien oublié. Mais il semblerait que sa mise en valeur soit maintenant prévue.
J'ai pu voir en Bourgogne, à Autun (Saône et Loire), un monument dont la construction est datée du Ier siècle qui offre des similitudes au niveau technique de maçonnerie avec la Sarrasinière. Il s'agit de la Pyramide ou Pierre de Couard, cette ruine constituant, comme à Andance, le « squelette » de ce qui semble avoir été un cénotaphe.
À cheval sur les communes d'Andance et
de Saint-Désirat, la colline du Châtelet comportait, à 360
m d'altitude, un important sanctuaire gallo-romain, dominant la vallée
du Rhône. Il fut fréquenté au moins jusqu'au ive siècle
de notre ère, avant d'être transformé en nécropole
paléochrétienne.
Il n'y a plus de vestiges visibles à ce jour. Statuettes,
chapiteaux, colonnes diverses et inscriptions, fragment de fronton et fragments
divers ont été découverts lors de fouilles au xixe siècle
et disséminés depuis.
Texte et photos : Christiane Bernard