Vue aérienne du site archéologique de Soyons |
Le village de Soyons est situé dans la moyenne vallée du Rhône, à 6 km au sud-ouest de Valence et 32 km au nord-est de Privas. Située en bordure du Rhône, cette commune est adossée à des massifs calcaires dominant la vallée du Rhône de 110 mètres à près de 250 mètres d’altitude.
Ce village possède un patrimoine naturel et archéologique remarquable. Le site archéologique de Soyons, toutes périodes confondues, couvre environ 30 hectares. L’occupation humaine est continue géographiquement sur cette zone depuis la Préhistoire jusqu’au Moyen Âge, mais ressort de plusieurs phases chronologiques. Il a donc livré une quantité importante de mobilier archéologique et des données scientifiques essentielles à la connaissance des populations préhistoriques et historiques. Cependant son potentiel archéologique reste considérable puisque seuls des sondages ou des fouilles non exhaustives ont été réalisés.
Sur le massif de Guercy, dès 1870, un ensemble exceptionnel de cavités
a été découvert et a livré des traces d’occupation
du Paléolithique Moyen. Ces grottes ont été utilisées
comme habitats / haltes de chasse par les hommes de Néandertal ;
elles ont été occupées par l’homme en alternance
avec des grands prédateurs.
L’Homo Sapiens a succédé à Néandertal
avec des habitats de plein air et deux aires de dépeçage de
mammouths, au quartier des Lèches.
Différentes populations
néolithiques vont ensuite s’installer à Soyons.
Au Chalcolithique notamment, l’homme enterre ses morts dans les grottes
sépulcrales (Grotte des Enfants, Trou Roland) et sous tumulus, tel
celui du massif d’Aurouze.
Les Âges du Bronze et du Fer sont également attestés
sur le site de la Brégoule. Pour le deuxième Âge du
Fer, un oppidum gaulois a été mis en évidence sur le
massif de Malpas : le peuple des Ségovellauniens y vénère
la déesse Soïo, divinité qui a donné son nom au
village.
Un habitat groupé semble se pérenniser à l’époque
romaine sous le village actuel sous la forme d’une agglomération
secondaire, alors que les coteaux, de Jaulan à Geny, sont occupés
par des structures diffuses agricoles.
À la fin de l’Antiquité,
l’occupation regagne le plateau
de Malpas, autour du centre religieux de la Chapelle Saint-Gervais,
puis une abbaye s’établit sur l’emplacement du village.
Enfin ce n’est que tardivement, au cours du xiiie siècle, que
sera construit le château enserrant le plateau de Malpas. Les guerres
de Religion verront la ville assiégée et détruite à plusieurs
reprises.
Le tableau ci-dessous tente de récapituler les informations concernant toutes les recherches archéologiques réalisées sur la commune de Soyons.
Date | Localisation | Datation | Responsable scientifique |
---|---|---|---|
1848 | Plateau de Malpas Découverte de l’autel de la déesse Soïo |
Période gallo-romaine | |
1870 | Découverte et fouilles de cinq grottes dans le massif de Guercy : grotte de Néron, la grotte des Enfants, le Trou du Renard, le Trou du Mouton, le Trou Roland | Paléolithique Néolithique Âge des Métaux |
Vicomte Lepic et Jules de Lubac |
1915 à 1919, 1930 1948 1950 1990 et 1991 |
Fouilles dans la grotte de Néron
Sauvetage urgent et sondage dans la grotte de Néron |
Paléolithique | G. Goury E. Beaux A. Blanc J. Combier, Veyrier, E. Beaux A. Defleur |
1956, 1958, 1959 | Sondages et fouilles sur le massif de Malpas | Néolithique au Moyen Âge | A. Blanc et P. Vallette A. Blanc et J.J. Hatt |
1958 | Fouilles du Tumulus du Serre d’Aurouze | Âge du Cuivre | A. Blanc |
1967-1968 1973 à 1974 |
Découverte et sondage dans le Réseau Double Borne (Trou du Renard) Sondages dans le Réseau Double Borne |
Paléolithique | J.E. et J.L. Brochier Dr Martin |
1972 à 1974 1976 à 1982 1991 à 2002 |
Découverte, sondages et fouilles de l’Abri Moula | Paléolithique Néolithique |
Club Crouzet Valence : R. Barbut puis P. Payen, A. Defleur |
1980, 1982à 1985, 1989 à 1990, 2001 |
Fouilles sur le site de la Brégoule | Mésolithique au Moyen Âge | Dumazel A. Beeching G. Dal Pra |
1981 | Fouilles sortie sud du village | Période gallo-romaine et médiévale | G. Dal Pra |
1982 | Ramassage sur le site de Jaulan | Paléolithique sup. | G. Dal Pra |
1982 2002 |
Sondage aux Freydières Diagnostic aux Freydières |
Néolithique, période protohistorique et gallo-romaine | Peloux E. Ferber |
1983 | Fouilles dans le village, la cour Dumazel | Période gallo-romaine et médiévale | G. Dal Pra |
1984 | Sauvetage urgent au quartier du Bas-Guercy | Néolithique | G. Dal Pra |
1985 à 1986 | Sauvetage urgent au quartier des Lèches | Paléolithique | G. Dal Pra |
1989 et 1991 | Découverte et sondage du Réseau Ursus | Paléolithique | G. Dal Pra |
1992 | Sauvetage urgent dans le village, le garage Crouzet | Période gallo-romaine | G. Dal Pra |
1993 | Dégagement d’éboulis dans le Trou du Renard accédant à l’Abri Moula | G. Dal Pra | |
1992 et 1993 | Ramassages urgents à l’emplacement de la Mairie | Néolithique Âge du Fer |
G. Dal Pra |
1996 | Sondages dans le village, la cave Valette | Période gallo-romaine | G. Dal Pra |
1996 et 1997 | Fouilles dans le village, maison Servanton | Période gallo-romaine et médiévale | G. Dal Pra |
1997 | Prospections dans le village | Période gallo-romaine | G. Dal Pra |
1997 2001 |
Sondages dans l’église (ou chapelle ?)
Saint-Gervais, massif de Malpas Fouilles dans l’église (ou chapelle ?) St Gervais |
G. Dal Pra, O. Darnaud et J.C. Courtial | |
2000 | Découverte d’un site : les Terrasses du Rhône | Paléolithique supérieur | G. Dal Pra |
2003 | Diagnostic à Geny | Bas-Empire | E. Ferber |
2005 | Diagnostic Place des Ecoles | Période gallo-romaine et médiévale |
Les grottes de Soyons occupent la façade est du massif de Guercy. En l’état actuel des connaissances, sept cavités sont connues : la grotte de Néron, la grotte des Enfants, l’Abri Moula, la grotte de la Madeleine, le Trou du Renard, le Trou du Mouton, le Trou Roland.
Des recherches récentes réalisées dans certaines grottes ont permis de faire des découvertes majeures, notamment des restes humains néandertaliens portant des traces de décarnisation, un gisement paléontologique comprenant ours, hyènes, lions des cavernes… et des réseaux à concrétions.
Actuellement deux grottes préhistoriques et à concrétions sont aménagées et ouvertes au public : la grotte de Néron et le Trou du Renard. Un sentier botanique nous conduit jusqu’aux cavités, mais avant d’arriver au porche de la première grotte, notre regard est attiré par la beauté de l’environnement naturel et le magnifique panorama sur la vallée du Rhône et le Vercors.
évocation d'une scène de vie néandertalienne - Grotte de Néron |
La grotte de Néron, classée Monument historique par
arrêté du 7 octobre 1965, fut aménagée et
ouverte au public en 1999. Elle illustre l’univers préhistorique à l’aide
de reconstitutions d’hommes de Néandertal autour d’un
foyer et des prédateurs qui vivaient à leurs côtés,
tels que l’ours, le lion et la hyène des cavernes.
Un espace
dans cette cavité est réservé à la
présentation de restes osseux et d’outillage lithique.
Une aire d’initiation à la fouille préhistorique
est aménagée pour les enfants à l’entrée
de la grotte.
La grotte « Le Trou du Renard » fut aménagée et ouverte au public en 1989. Elle nous plonge dans le monde souterrain et permet d’accéder à un splendide réseau de concrétions de calcaire : les eaux d’infiltration dans le massif ont sculpté cette grotte et lui ont laissé un décor féerique de stalagmites, stalactites, draperies, colonnes…
Le Trou du Renard |
Labellisé « musée de France »,
ce musée de site présente les collections qui sont le
résultat de fouilles réalisées à Soyons
et dans les environs ; il retrace l’occupation humaine locale
depuis le Paléolithique Moyen avec l’homme de Néandertal
jusqu’au Moyen Âge, à savoir la destruction de la
ville médiévale soyonnaise.
En 1956, un dépôt
municipal de fouilles de 25 m² a
vu le jour au cœur du village afin de recueillir le mobilier
archéologique découvert à Soyons. Ce dépôt
fut créé sous l’impulsion de M. Dumazel,
maire de Soyons, la Société Linnéenne de Valence
avec M. Vallette et M. Blanc et l’association des « Amis
du vieux Soyons ». Ce dépôt était installé place
de la déesse Soïo, dans la salle Néolithique de
l’actuel musée.
Rapidement ce dépôt-musée
ne suffisait plus à contenir
les découvertes nouvelles et la donation de l’importante
collection de M. Beaux par sa veuve. Il fut agrandi en
1976 d’une
nouvelle salle de 20 m² grâce à la commune de Soyons
et l’association des « Amis du vieux Soyons ».
Crâne d'ours des cavernes |
Sépulture d'un enfant de 4 ans |
Table d'autel ornée de rosaces carolingiennes |
L’apport continuel de mobilier issu des fouilles a entraîné le projet de réaménagement et d’agrandissement du bâtiment réalisé par M. Dal Pra. L’actuel musée municipal fut ainsi inauguré en avril 1987.
Le musée comprend aujourd’hui quatre salles d'exposition permanente disposées sur deux niveaux : à l’étage sont aménagées les collections sur la Préhistoire et au rez-de-chaussée les collections protohistoriques et historiques. Le visiteur suit ainsi l'évolution de l'homme et de ses activités, la faune, le climat… selon un parcours chronologique et didactique. Les objets présentés sont exceptionnels, tels le squelette partiel d’un mammouth, un outillage lithique du Paléolithique Moyen et Supérieur remarquable, des séries céramiques de référence pour le Néolithique, les médaillons d’appliques et leurs moules gallo-romains, l’autel à sacrifice dédié à la déesse Soïo, une mosaïque gallo-romaine…
Le site de la Brégoule |
Situé au pied du versant nord du plateau de Malpas, le site
de la Brégoule est un chantier archéologique conservé in
situ. Ce site atteste de l’occupation humaine continue du
Mésolithique
jusqu’au début du Moyen Âge : la stratigraphie
représente environ sept mètres de puissance.
Il fut découvert
lors de travaux d’agrandissement de
l’école primaire en 1980. Des opérations archéologiques
débutèrent, mais finalement seuls des sondages y ont été réalisés
pour une connaissance générale du site.
Un bâtiment
fut construit en 1990 afin de protéger les
vestiges et une aire d’initiation à la fouille pour les
enfants aménagée.
Inscrite à l’inventaire des Monuments historiques par
arrêté du 31 mai 1927, la Tour Penchée est l’unique
vestige des fortifications médiévales du plateau de
Malpas.
Ce massif de Malpas, éminence calcaire de 218 mètres
d’altitude, domine le village de Soyons. Depuis ce massif, les
randonneurs ont un point d’observation remarquable sur la vallée
du Rhône, les massifs du Vercors à l’est, le massif
du Ventoux au sud…
La « Tour Penchée » et vue sur la vallée du Rhône |
L’histoire de ce massif est liée à une succession
d’occupation et d’abandon par l’homme. Tout d’abord
ont été constatées des phases successives d’habitats
de populations protohistoriques, leurs premières traces apparaissant
aux alentours du viie siècle
avant notre ère. Le peuple
des Segovellauni installe sur ce plateau de Malpas son oppidum,
un habitat fortifié qui va subir plusieurs destructions et
reconstructions.
Durant le Moyen Âge, les populations réinvestissent
le Malpas. Au xiiie siècle, le plateau et le village en contrebas
sont dotés de fortifications.
Au cours des guerres de Religion,
le massif et le village ont été l’objet
de plusieurs sièges et destructions. La ruine complète
du village médiéval et des fortifications eut lieu à l’issue
du siège d’avril 1629.
Actuellement ne subsistent que quelques vestiges des remparts médiévaux et la « Tour Penchée » située sur le point le plus élevé du plateau.
Nathalie Derym
Conservatrice du musée de Soyons
Photographies : musée de Soyons
(sauf la table d'autel)
Place de la déesse Soïo
07130 SOYONS
RD 86, sortie sud du village
07130 SOYONS
Tél.: 04.75.60.88.86 - e-mail : musee@soyons.fr
Internet : https://www.soyons.fr
Du 1er avril au 31 octobre : de 14h à 18h
Juillet et août : de 10h30 à 18h30
Vacances de février, Toussaint et Noël : nous consulter.
Dernière visite guidée des grottes : départ 1h avant la fermeture.
Une épitaphe découverte en 1975 dans le sol de l’église de Soyons atteste l’existence en ce lieu d’un sanctuaire chrétien dès le second quart du vie siècle.
Au viiie siècle, une abbaye y fut fondée par les religieuses de N.-D. du Rhône de Viviers qui fuyaient leur monastère détruit par les invasions sarrasines. Elles y apportaient les reliques de leur fondateur, l’évêque saint Venance. Cette abbaye, malgré de nombreux avatars, perdura jusqu’aux guerres de Religion. À un sanctuaire carolingien certainement important succéda une église romane dont subsistent notamment les trois absides soigneusement construites en appareil moyen de grès fin.
Mais les transformations qui, au xixe siècle,
ont défiguré tant
de nos édifices romans ne l’ont pas épargnée et ont
même été particulièrement radicales. En effet, pour
des raisons de commodité d’accès sans doute, on en a inversé le
plan. L’abside centrale a été carrément éventrée
pour créer un nouveau portail que l’on a surmonté d’un
imposant clocher rectangulaire, tandis qu’un nouveau chevet était
créé à l’extrémité occidentale du bâtiment.
Mais l’intérêt de l’église de Soyons est dû pour
beaucoup au fait qu’on y a découvert, à l’occasion
de travaux de restauration, et qu’on y conserve de nombreux fragments sculptés
d’époque carolingienne. Au nombre de dix-huit, ces fragments qui
proviennent d’un chancel avec baldaquin forment l’un des ensembles
les plus importants du sud de la France qui, selon Micheline Buis1,
offre un double intérêt, d’abord celui de comporter « un échantillonnage
presque complet des motifs de la sculpture à entrelacs carolingienne »,
ensuite celui de présenter un rare fragment d’arc de baldaquin, « à ce
jour le seul connu dans le sud de la France ».
Fragment d'un arc de baldaquin |
Extrêmité de pilier ou fragment de plaque de chancel |
Fragment de pilier |
Extrêmité d'un pilier |
Fragments de plaques de chancel |
Selon Robert Saint-Jean2, « la richesse, la diversité et le caractère soigné des entrelacs de Soyons, que l’on date de la première moitié du ixe siècle, sont certainement à mettre en relation avec l’importance de l’abbaye à l’époque carolingienne et surtout à la présence du tombeau de saint Venance dans le sanctuaire ».
Paul Bousquet