Saint-André-Lachamp se trouve dans le sud-ouest du
département de l'Ardèche, sur sa bordure cévenole. Proche de Joyeuse, limitrophe de Ribes, Faugères,
Planzolles ou Lablachère, la commune fait partie de la
communauté de communes « Beaume-Drobie ».
Le territoire communal (17 km²) s'étire sur les deux
versants d'un serre orienté ouest-est, entre les vallées de la
Drobie au nord, de l'Alune au sud, toutes deux affluents
de la Beaume.
Le relief est très contrasté, différencié aussi selon la nature
de la roche, schistes cévenols ou grès du Trias, ces
derniers situés souvent, du fait de failles au jeu important,
en contrebas des schistes pourtant plus anciens. Les
altitudes s'étagent de 220 à 880 mètres, les versants,
autrefois cultivés en terrasses, sont largement boisés
aujourd'hui. Il subsiste quelques exploitations agricoles,
les espaces entretenus autour des hameaux nous montrent
l'importance ancienne des oliviers dans le bas des pentes,
tandis que les châtaigniers se mêlent plus haut aux
conifères. Il ne reste guère de traces de la vigne.
Aubade donnée par Jeff Barbe, facteur de flûtes |
La paroisse de Saint-André a été plus vaste avant que celle
de Planzolles en soit détachée au xviiie siècle et que
certains hameaux soient rattachés ultérieurement à Ribes.
La population atteignait près de 800 personnes environ
en 1840, elle avoisine aujourd'hui 160 habitants, mais peut
doubler au cours de l'été du fait de l'importance prise par
le tourisme résidentiel. L'habitat est dispersé en de
multiples hameaux, souvent proches des sources les plus
abondantes, la plupart situés à l'adret, sur le versant sud
en rive gauche de l'Alune.
Notre visite de ce 24 mai a pour objet de nous faire
découvrir l'église romane dédiée à saint André, le moulin
de Gournier sur l'Alune qu'une association entreprend de
restaurer, les vestiges de l'ancienne usine de traitement du
minerai de zinc autrefois extrait dans l'un des hameaux. Et
aussi de nous faire rencontrer dans son atelier Jeff Barbe,
facteur de flûtes.
Notre rendez-vous, en fin de matinée au chef-lieu, est
l'occasion de constater que celui-ci n'est constitué que de
quelques bâtiments (mairie, ancienne école, église et sa
maison curiale), dispersés en bordure d'une prairie et
d'une châtaigneraie bien entretenue. Le très beau temps
nous permet de profiter pleinement de la situation
dominante et des larges horizons qu'elle nous offre vers le
sud. Nous mesurons aussi dès notre arrivée tout l'intérêt
que portent au patrimoine communal le maire, Luc Parmentier et son conseil municipal qui nous
accompagneront tout au long de cette journée à laquelle
ils ont aussi invité un journaliste de Ma Bastide : leur
accueil chaleureux se traduira notamment à l'occasion du
déjeuner partagé au pied de l'église, à l'ombre des grands
cèdres.
L'église de Saint-André apparaît au premier abord curieuse
et imposante.
Curieuse par ce que la vision que l'on en a est d'abord
celle de ses toitures de lauzes de micaschiste, imbriquées
l'une sur l'autre pour culminer à l'auvent du clocher-mur
et à son faîtage pyramidal. Curieuse parce ce que l'on n'a
pas de recul sur la façade de ce clocher masquée par la
maison curiale toute proche. Curieuse enfin parce que sa
construction apparaît quelque peu disparate, l'unité étant
au final rendue par l'appareil régulier des murs de grès et
des toitures de lauzes.
Imposante par son isolement dans cet environnement
champêtre, par l'élévation de son clocher-mur à deux
étages, par l'aspect massif de l'ensemble, accentué encore
par le cimetière toujours niché à son pied.
Cliché Archives Sauvegarde |
En émane l'impression d'un refuge capable de résister à
toutes les tempêtes, à même de vous en protéger.
L'église est tournée vers l'orient. Si l'appareillage en grès
est soigné et régulier, il comporte des exceptions : la base
du clocher-mur, certainement plus ancienne, est en
schiste, roche sur laquelle est construit l'édifice. Et l'angle
nord-ouest, qui s'appuie à ce clocher, est d'un appareil
moins soigné et semble avoir été rapporté tardivement
pour agrandir et compléter le collatéral nord. De même le
mur monté en schistes qui supporte à l'ouest l'avancée de
la toiture abritant le porche.
Le clocher-mur dispose sur deux niveaux de six ouvertures
pouvant recevoir des cloches, quatre au premier que
protège un auvent, deux au second. Les textes
mentionnent seulement trois cloches sous l'Ancien
Régime, une seule étant conservée après la Révolution : la
tradition locale prétend que les deux autres, cachées avant
réquisition, n'auraient jamais été retrouvées par la suite…
Le clocher est percé à sa base d'une porte, au plus près de
la maison curiale, en son centre d'un œil-de-boeuf par où
pénètre la lumière du couchant dans la tribune et la nef.
L'accès à l'église se fait au midi, où le porche en plein
cintre, d'une belle mais simple facture romane, est protégé
par l'avancée de la toiture. L'église n'est pas très grande,
on imagine que cette
contrainte a facilité la
revendication des
paroissiens de Planzolles
à l'autonomie.
On sait peu de choses
de l'histoire de sa
construction : la base
montée en schistes du
clocher-mur pourrait
être antérieure au
xe siècle, tandis que le
porche, une grande
partie de la nef, et
peut-être une chapelle,
paraissent nettement
romans, et pourraient
remonter au xiie ou
xiiie siècle, avant
modifications et ajout de différentes chapelles latérales.
Le portail s'ouvre au midi |
On ne trouve cependant de mention précise qu'avec la
première des visites canoniques de l'église, datant de
1501.
Cette visite, effectuée sous le ministère de l'évêque Claude
de Tournon, ne mentionne que deux autels latéraux, que
l'on peut assimiler à deux chapelles, l'une consacrée à
sainte Madeleine, l'autre à saint Louis : le plan de l'église
aurait pu ainsi avoir à cette époque la forme d'une croix
latine.
La seconde inspection a été effectuée en 1675 sous le
ministère de Louis de Suze. Ce même évêque aurait en
1634 visité les paroisses proches de Joyeuse accompagné
de François Régis, devenu ensuite missionnaire en
Vivarais : le passage de ce dernier à Saint-André pourrait
expliquer la dévotion dont il a été ici l'objet. La visite de
1675 mentionne l'existence d'une tribune et de quatre
chapelles : au nord celle de Notre-Dame de Pitié accolée au
chœur, et celle de saint Sébastien. Au sud celle de saint
Jean transformée en sacristie et celle de saint Louis,
proche de l'entrée.
La visite canonique de 1714 s'effectue sous le ministère de
Martin de Ratabon : on retrouve la tribune, la sacristie et
les trois autres chapelles, au nord celle de Notre-Dame de
Pitié et celle du Saint-Sacrement (patronnée par la
confrérie du même nom) substitué à saint Sébastien, au
sud celle de saint Louis. Cette visite décrit aussi les fonts
baptismaux, en pierre avec une couverture de noyer, et le
bénitier « proche de la grande porte à main droite, de
bonne pierre avec son pied bien travaillé ».
On retrouve aujourd'hui une disposition très proche,
même si la dédicace des chapelles a été en deux cents ans
modifiée : une chapelle ajoutée au nord-ouest, dédiée à
saint Louis (vitrail), suivie au nord de celle de saint
Sébastien (vitrail), et de celle de saint Joseph, au sud celle
de la Sainte Vierge et la sacristie.
La nef et le chœur sont fermés aujourd'hui par une voûte
assez élevée en arc brisé, ce qui a permis de ménager deux
fenêtres évasées éclairant le haut de la nef, tandis que le
chœur ne reçoit la lumière que de deux fenêtres étroites.
Les chapelles latérales sont voûtées d'une croisée
d'ogives : à la clé figurent des blasons parfois
reconnaissables, ainsi celui des Balazuc dans la sacristie, et
un autre où semblent figurer une louve et des louveteaux,
qui pourrait évoquer la famille de Valoubière (son château
se trouvait sur Planzolles).
L'interprétation à donner à certains visages de facture
romane sculptés au culot des arêtes de voûtes a été l'objet
d'échanges amusés – ou passionnés – à l'occasion de notre
visite.
Le mobilier sculpté ou peint que l'on trouve aujourd'hui
dans l'église a fait l'objet depuis 2000 de restaurations,
souvent de grande qualité. Il reflète les dédicaces
successives ou les dévotions particulières des habitants de
la paroisse :
- une curieuse statue représente ainsi saint André, une
belle pietà de bois polychrome (postérieure à la visite de
1714, qui ne mentionne qu'un tableau de Notre-Dame de
Pitié) est conservée dans la sacristie, un Christ en bois
démonté d'une croix de chemin a été installé après
restauration près de l'entrée.
- outre les tableaux d'un chemin de croix, un tableau
original représente une Marie-Madeleine blonde en prière
dans son ermitage, deux imposants tableaux (la toile de
l'un recouvrait celle du plus ancien, retrouvé à l'occasion
de la restauration) représentent saint François Régis dans
l'exercice de son ministère.
L'intérieur de l'église n'a pu faire l'objet de restauration
récente, la commune a relevé quelques infiltrations et
prête aussi attention à l'état de la tribune et des sols.
En 1983 et 1984, la Sauvegarde a apporté sa contribution, sur fonds du Conseil général et sur ses fonds propres, à d'importants travaux de restauration : drainage du mur nord, réfection de la toiture et du fronton du clocher.
L'église est inscrite sur la liste des Monuments historiques depuis 1929.
Saint François Régis |
Sainte Marie-Madeleine |
Notre visite de l'église a été enrichie par les commentaires
de M. Prat qui s'est aussi attaché à photographier les croix
de chemin, certaines remarquables, érigées sur le
territoire de la commune, et qui avait mis en place à notre
intention une exposition de ces photos. Cette visite s'est
terminée par l'aubade dont nous a gratifiés à la flûte
Jeff Barbe.
Enfin dans la salle communale ménagée au rez-dechaussée
de la maison curiale figure une photo ancienne
(1910) de la fête des agriculteurs. La Saint-André, tombant
fin novembre après les vendanges et la récolte des
châtaignes, donnait lieu chaque année à une procession
attirant de très nombreux habitants de la paroisse et des
environs.
Jean-François Cuttier
Le moulin de Gournier, aujourd'hui bien dégradé par les ans, présente toutefois une grande valeur patrimoniale qu'une association nouvellement créée a pour but de protéger par une restauration des bâtiments et des mécanismes. Lors de la visite, les travaux de débroussaillage faits par l'association ont permis une vue générale sur les bâtiments qui croulaient jusque-là sous le lierre et sur la vaste écluse où était stockée l'eau destinée à mettre en jeu le moulin. Celui-ci en effet est bâti en rive gauche du petit ruisseau d'Alune qui ne permettait qu'un fonctionnement par éclusée. L'eau stockée était dirigée à travers les murs du moulin par des conduits bien visibles aujourd'hui. Bâtis en dalles de grès avec une section qui diminue progressivement, ils permettaient de concentrer l'eau sur les cuillères de roues métalliques (le moulin a fonctionné jusqu'à la deuxième moitié du xxe siècle et a été modernisé) que l'on devine dans une chambre d'eau partiellement ennoyée.
Façade sud du moulin sous sa chape de lierre... |
... et largement débarrassée de sa chape de lierre |
Au fond de l'écluse, départ des conduites d'eau actionnant les meules |
Lorsqu'on pénètre dans le bâtiment qui s'étage sur trois niveaux, on découvre, au-dessus de la chambre d'eau, deux grandes salles présentant de très belles voûtes de grès. Ce type de construction assez rare se retrouve toutefois dans les Cévennes au petit moulin de Marceau à Faugères ou à celui encore plus petit de Lespinas à Montselgues. Ici les voûtes sont de plus grande dimension, bien conservées dans leur ensemble. Elles abritaient deux mécanismes de mouture, un pressoir à huile remarquable et ses équipements destinés à chauffer noix ou olives afin de faciliter l'extraction de l'huile. Cette salle basse présente des pierres de très grande dimension, numérotées et pour l'une gravée d'une fleur de lys, le tout en réemploi témoignant d'une reconstruction ancienne du moulin.
Fleur de lis gravée en remploi |
Au-dessus de cette salle se trouvait un autre espace partiellement voûté, les deux étant reliés par un escalier de pierre appuyé sur un des murs du moulin construit directement sur la roche en place, un schiste qui tranche avec le grès employé pour la construction, sans doute taillé au-dessus du moulin ou sur le versant opposé (le toponyme d'Eymolières y rappelle depuis le xve siècle l'existence d'une carrière de meules). La partie voûtée abrite encore le haut du pressoir alors que la partie meunerie a perdu son toit. On trouve en place un couple de meules de grès assez grossier, probablement local, et destiné à la confection de nourriture pour les animaux.
Le bâtiment est donc complexe et témoigne de l'évolution du
moulin au fil des siècles.
Une première mention d'un moulin apparaît dans une
reconnaissance faite au xive siècle au seigneur de Joyeuse1, en
1464 un moulin est déclaré par André Rode avec d'autres
possessions au terroir de l'Aulagnet, un autre est évoqué sur la
rive opposée par
Michel Rodier. Les
deux anthroponymes
évoquent, on le
remarque, des roues
souvent désignées
alors dans les
Cévennes par le
terme de roda. Ces
tenanciers ont
respectivement les
sixième et huitième
fortunes de la
paroisse sur soixante-treize
déclareés2. Ce
sont donc des familles
relativement aisées
comme à l'époque beaucoup de celles qui détiennent des
moulins.
Sur la carte de Cassini, relevée à la fin du xviiie siècle, deux
moulins sont encore représentés. Un seul est figuré sur le
cadastre napoléonien. En 1762, le meunier du moulin dit « de
Gournier » est Louis Vernet3 mais on ignore s'il s'agit du
moulin dont on a aujourd'hui les vestiges ou de celui qui a
disparu. Plusieurs dates sont gravées sur des linteaux du
moulin actuel qui figure sous le nom de moulin de Gournier
sur les cartes IGN. Au-dessus d'une porte, on lit celle de 1691,
au-dessus d'une autre plusieurs dates dont « Jean Dupui 1805 ».
La famille Dupuy a fait tourner le moulin jusqu'au milieu du
xxe siècle.
Salle voûtée ayant servi pour la fabrication de l'huile. |
Pressoir à huile |
Le cadastre comme les photographies aériennes de l'IGN permettent de suivre les évolutions les plus récentes des abords du moulin. Sur le cadastre napoléonien le chemin de Saint-André-Lachamp « allant à Lablachère » traverse la rivière en aval du moulin, il se continuait par le chemin qui longe le ruisseau des Moulières sur cette dernière commune.
Photo aérienne de 1949 |
Sur une photographie aérienne de 1949, il apparaît qu'un
chemin a été construit en rive droite de l'Alune et qu'un
embranchement dessert le moulin immédiatement en amont
de celui-ci, avant de se prolonger sur la rive opposée. Le
chemin longeait alors les façades ouest et sud du moulin,
passait au dessus de l'écluse sur une succession d'arches puis
franchissait la rivière sur le pont dont on peut voir encore les
vestiges. En 1968, le chemin est en partie effondré au-dessus
de l'écluse alors que le moulin fonctionne encore. Les activités
de meunerie et d'huilerie cessent respectivement en 1968 et
1970.
Aujourd'hui témoin de cette évolution, la dernière arche qui
permettait la traversée de la rivière est toujours en place, bien
que très dégradée sur sa partie supérieure.
L'association du moulin Dupuy, du nom du dernier meunier,
envisage la sauvegarde de l'ensemble.
Colette Véron
En quittant le moulin de Gournier, notre groupe se dirige
vers l’ancien site minier du Roustalou accessible par un
mauvais chemin caillouteux et un petit pont sur l’Alune.
Au pied d’une colline, les restes de bâtiments sont
impressionnants : un mur principal en bel appareil, haut
de 5 à 6 mètres, limite l’ensemble vers le bas ; à l’arrière,
des constructions en ruine restent bien visibles ; au
sommet de la butte, on trouve des aménagements
hydrauliques (canaux, bassins de décantation...) et le
passage d’une canalisation d’amenée d’eau.
Il s’agit là de bâtiments industriels pour le traitement d’un
minerai de zinc exploité localement ; le sulfure était
séparé de la roche stérile, après concassage et broyage,
grâce à leur différence de densité. Mais il est possible que
l’ensemble n’ait jamais vraiment fonctionné et ait été
abandonné dès sa construction !
L'usine fin 1903 |
L’activité minière du secteur de Saint-André-Lachamp
s’inscrit dans la période
du développement
industriel français du
xixe siècle.
Les recherches minières et
l’exploitation des minéralisations
zincifères de la
concession de Saint-André-Lachamp ont connu deux
épisodes principaux
d’activité :
1)1861 à 1878 : Jean-Baptiste Dalmas, géologue
ardéchois, indique en
1872 que des
minéralisations zincifères ont été mises en évidence dans
le secteur de Saint-André-Lachamp – Planzolles dès 1861.
Une concession d’exploitation des minerais de zinc, plomb
et autres métaux connexes est accordée à la société
anonyme des Mines et Fonderies des Rives-du-Rhône en
novembre 1874. L’exploitation portera principalement sur
le secteur de l’Esplanel, au nord du hameau de Bertoire.
L’activité s’arrête en 1878.
2)1899 à 1904 : La concession devient la propriété de la
Compagnie des Mines de Saint-André-Lachamp fin 1899. À
partir de 1900, des travaux d’exploration sont repris dans
le secteur de l’Esplanel, au village de Planzolles et au
hameau de Civade. L’exploitation se cantonne cependant
aux galeries de l’Esplanel. De 1900 à l’été 1903, un atelier
de préparation mécanique, une laverie et deux fours sont
bâtis au lieu-dit le Roustalou, au bord de la rivière Alune.
La compagnie des Mines de Saint-André-Lachamp cesse
son activité en février 1904 et est liquidée.
De manière plus anecdotique, une partie du permis minier
de Saint-André-Lachamp est redemandée en concession
par la Compagnie française du zinc représentée par
M. Robert Lance, le 17 mars 1924. Mais dès février 1925,
celle-ci abandonne son projet minier et renonce.
Les minéralisations sont localisées dans le Trias inférieur.
Il s’agit de dépôts stratiformes. La carte géologique de la
feuille de Largentière recense huit affleurements
minéralisés depuis Planzolles au sud-ouest jusqu’au
secteur de Ribes au nord-est. La minéralisation primaire à
blende (sulfure de zinc) et barytine (sulfate de baryum)
est disséminée. La galène (sulfure de plomb) est
subordonnée. L’altération météorique conduit à
l’oxydation du sulfure de zinc et à l’apparition de
calamine : mélange de silicate hydraté de zinc
(Zn4Si2(OH)2.H2O) et de carbonate de zinc (ZnCO3). Les
teneurs en zinc sont toujours faibles, de 2 à 6 %, et les
teneurs en plomb sont insignifiantes. Dès 1877, la
remobilisation de
cette minéralisation
primaire dans les
failles qui recoupent
les bancs de grès et
dolomie du Trias est
remarquablement
décrite par l’ingénieur
des Mines qui visite
l’exploitation pour
statuer sur les
demandes du
concessionnaire.
Il faut remarquer que
les minéralisations de
Saint-André-Lachamp
sont de même type que celles de Largentière : stratiformes
liées à la base des formations triasiques avec
remobilisation de la minéralisation dans les failles, mais
diffèrent quant à la nature des métaux présents : plomb et
argent dominants à Largentière et zinc à Saint-André-Lachamp.
Michel Beurrier
Bernard de Brion
Jeff Barbe à la flûte de Pan |
« Facteur », c'est ainsi que l'on dénomme les luthiers qui
travaillent sur des instruments autres que les cordes :
Jeff Barbe exerce cette activité de facteur de flûtes depuis
plus de trente-cinq ans. Sa formation initiale n'était pas
celle-là, mais le hasard d'abord, la curiosité ensuite, et
surtout une inlassable soif d'apprendre, de faire,
d'expérimenter, de refaire à nouveau jusqu'à obtenir le
résultat juste, ont fait de lui ce professionnel aujourd'hui
très recherché. Il a installé son atelier dans une vieille
maison restaurée dans la vallée de l'Alune, dont il s'attache
aussi avec sa compagne Isabelle à entretenir les terres,
vignes et arbres fruitiers. L'atelier n'est pas très grand,
encombré par les matériaux destinés à ses prochaines
productions, il en a déménagé une partie sur sa terrasse
pour mieux nous accueillir.
Il nous présente différents types d'instruments à vent se
rattachant à cette famille des flûtes, depuis ceux dont la
facture peut apparaître très simple comme les flûtes de
Pan, jusqu'aux modernes flûtes à bec dont l'utilisation se
répand à partir de la fin du Moyen Âge, en passant par les
flûtes à encoche utilisées dans les musiques
traditionnelles andines ou les flûtes traversières. Il nous
explique comment le son est produit par l'oscillation de la
lame d'air au rebord d'un tube qui peut être ouvert ou
fermé, comment l'on est passé d'instruments où le souffle
n'est dirigé que par les lèvres de l'instrumentiste sur ce
rebord, cette direction pouvant être facilitée par la forme
du rebord ou la présence d'une encoche, jusqu'à la mise
en place dans la flûte à bec d'un « bloc » inséré à son
entrée qui dirige le flux d'air sur un biseau. Il nous montre
comment la note est d'abord fonction de la distance
parcourue par le flux d'air dans le tube,
d'où sa longueur (flûte de Pan), ou les
écarts ménagés entre les trous,
comment le facteur modifie le résultat
obtenu dans une flûte à bec en
retravaillant le bloc ou en ajustant le
biseau, comment il peut réaliser un
accordage fin en évasant légèrement
l’un des trous en « sous-coupage »…
Les matériaux mis en œuvre sont variés :
les productions manufacturées utilisent
différents bois comme l'érable ou le
buis, voire des plastiques, Jeff Barbe
produit essentiellement à partir de
matériaux à « perce naturel », les mêmes
que ceux utilisés pour les instruments
traditionnels : ce sont le roseau (dont
une espèce cueillie en Languedoc), le
bambou, le sureau, ou encore l'os ou la
corne. Chaque matériau a des qualités de son qui lui sont
propres, ainsi du bambou à la sonorité très harmonique, à
l'inverse de celle du sureau, mais chaque variété, chaque
lot parfois, aura aussi des caractéristiques spécifiques que
le facteur de flûtes doit apprécier : il doit ainsi veiller à
leur provenance, à leur stockage, à leur vieillissement.
Il nous présente les reproductions réalisées (parfois à
partir seulement de gravures ou vitraux) d'instruments
médiévaux, flûtes à bec à six trous, flûte double
comportant un bourdon, flûte tambourinaire à trois trous.
Il nous montre certains instruments très anciens,
notamment en os, qu'il a su reproduire ou compléter à
partir de résultats de fouille parfois fragmentaires.
Ces instruments sont utilisables, ils sont joués : il a fallu
souvent de nombreux essais et corrections pour parvenir à
ce résultat.
Aucun des instruments qui sortent de son atelier n'est
produit à l'identique du précédent. La production de Jeff
Barbe se partage aujourd'hui entre reproduction
d'instruments anciens, notamment médiévaux ou propres
aux musiques traditionnelles andines, et création
d'instruments inspirés de ces différentes cultures
anciennes ou traditionnelles, adaptés
souvent à la demande particulière d'un
client. Cette clientèle est diverse, elle
comporte nombre d'amateurs ou de
débutants, comme de grands
professionnels exigeants, répartis sur
différents continents, dont les
instruments sont souvent développés à
partir du dialogue noué entre
l'instrumentiste et le facteur de flûtes.
Jeff Barbe n'a guère eu le temps
d'approfondir deux facettes de son
activité qui valent d'être rapportées :
- il organise à Saint-André-Lachamp ou
ailleurs des stages de formation de facteur
de flûtes ;
- il est aussi à l'origine de la création
(alors à Largentière, avec le concours de
l'association « Au-delà du temps ») de
Rencontres de lutherie et de musiques médiévales, qui ont
permis chaque année de 2009 à 2016 à des luthiers et des
chercheurs de se retrouver pour partager et faire avancer
leurs techniques et leurs connaissances, et en faire aussi
profiter le public. Si cette manifestation n'a pu être
maintenue en sud-Ardèche, elle a essaimé en mai 2017 à
Saint-Guilhem-le-Désert, dans le cadre d'un festival qui a
pris le nom : « Marteaux de Gellone - Fabrique de
musiques médiévales ».
La rencontre avec Jeff Barbe nous est apparue bien courte.
Si un peu des explications qu'il nous a données, un peu
des réponses qu'il a fournies à nos questions, permettent
d'en faire un bref compte-rendu, il est au contraire difficile
de rendre la qualité de son accueil, son écoute, le plaisir
qu'il prend et fait partager à son auditoire à présenter son
métier et ses multiples aspects. Et plus difficile encore de
retraduire la passion qui l'anime et le pousse constamment
à poursuivre de nouvelles recherches, à se lancer de
nouveaux challenges, à la demande de ses clients ou mû
par sa propre curiosité.
Jean-François Cuttier
Carte de Cassini (xviiie siècle). Noter la graphie de St André Lacham |
La commune de Saint-André-Lachamp possède plusieurs
particularités : elle est constituée d'écarts, et ne comporte
pas vraiment de « centre » de village tel qu'on les connaît
habituellement en Ardèche ; c'est alors la mairie et l'église
de la commune qui représentent ce centre que les actuels
cent cinquante-sept habitants (en 2015) fréquentent pour
les usages collectifs. La deuxième particularité qui nous
préoccupe est une distorsion entre le nom de la commune
et la dédicace religieuse de l'église romane, consacrée à
saint Pierre-aux-liens, si l'on s'en réfère à la page de
l'encyclopédie Wikipedia consacrée à la commune. Après
quelques vérifications, cette distorsion est due en fait à
une confusion : la paroisse est bien sous le vocable de
saint André, apôtre du Christ ; c'est la paroisse de
Planzolles, ancien écart de Saint-André-Lachamp avant
1790, qui fut dotée d'une nouvelle église en 1802, à
laquelle le vocable de saint Pierre-aux-liens fut attribué.
Cet éclaircissement étant posé, il convient d'aborder le
sujet qui nous occupe ici, à savoir le nom de la paroisse et
sa variation dans le temps. La plus ancienne mention de
l'église de Saint-André-Lachamp apparaît en 1275 sous le
nom de S[anctus] Andreas de Calme, puis S.A. de Calma au xive siècle, Saint André de la Cham en 1464, Lachamp
de Fer ou Allune (du nom du ruisseau qui la parcourt) en
l'An II. Il s'agit d'une petite communauté qui comporte
aux estimes de 1464 soixante-treize feux. Le registre de ces
estimes mentionne une petite variante, mêlant le français
et l'occitan : de la peroisse de Saint Andrieu de la Cham.
Il faut s'arrêter un instant sur ces variations qui traduisent
parfois une incompréhension du toponyme. Si le vocable
de saint André n'appelle aucune remarque particulière
autre qu'il n'est pas très fréquent sur l'ensemble du
diocèse, c'est le terme de cham qui semble avoir posé
problème au point qu'il fut confondu avec celui de champ pour l'adoption administrative actuelle.
Or il est bien évident que les deux termes de champ et de
cham ne sont pas équivalents : le premier est l'évolution,
en français comme en occitan, du terme latin campus qui
signifie « plaine, terrain cultivé » alors que la cham est
même, concernant sa signification, son antonyme. En effet,
une cham est un endroit désertique, inculte et souvent
incultivable. On retrouve dans la toponymie générale ce
terme de cham attribué à de nombreux lieux possédant
des caractéristiques assez semblables : citons la Cham du
Cros, hauteur du Tanargue, Lachamp-Raphaël (commune),
Lacham des pargues (sur la commune de Saint-Cirgues),
etc.
On a ainsi oublié en français cette signification, qui a alors
entraîné une substitution sans que l'on se soucie plus
avant que l'usage du toponyme conservait la féminisation
du terme. Il faut sans doute rappeler que si cette perte de
signification ressortit à un usage abandonné, en français
comme en occitan, la cause en est pour partie due à une
origine diffuse qui s'est, pour ainsi dire, évaporée dans de
nombreuses affectations : au départ est le roseau, qui se
retrouve d'abord dans le grec κάλαμος (kalamos), dans
le latin calamus pour le même sens, et ce terme a permis
à la fois une dérivation dans son évolution linguistique
puisque le chaume est une forme qui évoque ce qui était à
l'origine dans un usage de couverture des toits, autrefois
en roseaux, puis, assimilée au roseau, la paille de seigle
qui s'est substituée au roseau, moins présent sur certaines
altitudes. Il en reste également le calame, qui servit à
l'écriture à ses débuts. Enfin, une calamité est la
conséquence d'un malheur qui ne laisse plus en place que
la ressource d'une roselière. Retenons, en tout cas, que les
chams présentes sur les cartes de géographie sont
l'évolution (palatalisation du ca- en cha-) d'une forme
originelle calm « lieu désertique non cultivable,
accessoirement planté de roseaux », lieu sans doute idéal
pour l'implantation d'un monument en hauteur où peut
souffler l'esprit, ce qui fut le cas pour l'église Saint-André,
de Lacham.
Bernard Salques