Cette journée, organisée en collaboration avec les VMF de
l’Ardèche, fut une parfaite réussite, tant par le nombre
important d’adhérents des deux associations qu’elle réunit
que par l’intérêt des visites et conférences qu’elle
leur offrit.
Accueillis à Vallon par le maire, M. Pierre Peschier,
les participants, divisés en deux groupes du fait de leur nombre,
se rendirent le matin au musée de la grotte Chauvet et au château
qui abrite l’hôtel de ville. Après l’apéritif
offert par la municipalité et le repas pris dans un restaurant de
la ville, l’après-midi fut consacré à la conférence
de Jean-Michel Geneste sur les travaux scientifiques réalisés
par son équipe dans la grotte Chauvet.
Le musée présente de très belles
reproductions, sous forme de panneaux lumineux, des peintures de la grotte,
ainsi qu’un film permettant une véritable visite virtuelle
de celle-ci.
Nous nous attarderons ici un peu plus longuement sur la visite du château, puis sur la conférence de M. Geneste.
Le château de Vallon (Hôtel de Ville) |
Le château primitif de Vallon était construit sur la colline dite du Chastelas qui domine à l’est l’agglomération actuelle. Incendié en 1569, au début des guerres de religion, il est reconstruit, puis de nouveau détruit par les troupes huguenotes du duc de Rohan en 1628, avec l’adhésion des habitants de la région. La ville était en effet protestante ce qui lui valut, pour sa part, d’être dévastée deux fois par les armées du roi. En 1629, Louis XIII, venant de Privas et se rendant à Alès, signe à Vallon un acte rendant à « Noble François de Balme, seigneur de Vallon » la jouissance de ses terres, lui accorde un dédommagement de dix mille livres et condamne la population à reconstruire le château à l’endroit qui conviendra le mieux à son propriétaire.
Celui-ci choisit le lieu dit Saint-Saturnin où existait déjà une construction datant de la fin du xvie siècle, mais se trouvant alors à l’état de ruine. Le nouveau comte de Vallon, Antoine du Molin, seigneur du Pont de Mars, gendre du précédent, entreprit donc de construire le nouveau château à partir du bâti encore existant. On éleva les murs en galets et en pierres tout venant dans le prolongement des murs anciens pour réaliser notamment la belle façade classique, très bien proportionnée, que nous voyons aujourd’hui. Les travaux durèrent de 1630 à 1639.
M. Mosnier présente le château et en brosse l'histoire |
Entrant par la grande porte qui s’ouvre sur la façade, nous
nous trouvons dans le hall, de quinze mètres de hauteur, d’où part
un superbe escalier en pierre d’Orgnac, garni d’une rampe qui
est elle-même un chef d’œuvre de ferronnerie. Escalier
et rampe sont d’ailleurs classés monuments historiques, tandis
que la façade, les toitures et la salle des gardes sont inscrites à l’inventaire
supplémentaire.
C’est dans ce hall que M. Thierry Mosnier, nous faisant bénéficier
de son immense érudition, nous brosse l’histoire du château
avec force détails que nous ne pouvons malheureusement pas retranscrire
dans le cadre limité de ce compte rendu. C’est en 1847 que le bâtiment
fut acquis par la municipalité qui, au cours des ans, y installa toutes
sortes de services, allant des écoles, catholique et protestante, à la
justice de paix, au logement du pasteur, au télégraphe et à la
pesée des cocons…
La cheminée récemment découverte |
M. Mosnier nous conduit ensuite au premier étage dans une vaste
salle occupant toute la profondeur du château, du nord au sud, qui
a été récemment restaurée, car autrefois elle
avait été divisée en appartements. Mais pour limiter
le volume à chauffer, on a réduit sa hauteur d’un mètre
en plaçant un faux plafond qui masque un magnifique plafond à la
française, heureusement conservé, avec ses immenses poutres
qui traversent toute la largeur du bâtiment. C’était à l’origine
la salle des fêtes du comte, de 1639 à 1660.
Au fond de cette grande salle, une petite pièce a été aménagée
pour les réunions du conseil municipal et c’est là qu’a été découverte
récemment une immense cheminée, bâtie dans l’épaisseur
du mur. Elle est placée entre deux fenêtres à doubles meneaux,
genre d’ouvertures rares dans nos régions. Cette cheminée était
destinée à chauffer la salle des fêtes, mais rapidement on
se rendit compte que celle-ci restait inhabitable en hiver ; on mura donc
la cheminée et on divisa la salle en pièces plus petites.
La leçon de greffage |
Il s’agit de sept magnifiques tapisseries d’Aubusson du xviiesiècle, restes d’un ensemble de 70 pièces, placées dans le château en 1770, dont la plupart provenaient du château de Montréal, à la suite du mariage de la fille du seigneur de ce lieu, Anne-Charlotte d’Hautefort de Lestrange, avec le comte de Vallon. Lors de l’acquisition du château par la commune en 1847, il fut spécifié que les tapisseries étaient comprises dans la vente. Hélas, la plupart restèrent roulées, abandonnées dans un grenier aux ravages du temps et des rongeurs. Dès 1846 pourtant, Jules Ollier de Marichard s’y était intéressé et en avait réalisé une monographie parue dans la Revue du Vivarais, à la suite de quoi, l’État s’était engagé, en 1893, à assurer leur restauration… qui intervint enfin de 1951 à 1955, à la manufacture des Gobelins.
Six panneaux illustrent des épisodes de la « Jérusalem délivrée », poème du Tasse, depuis le départ de Godefroy de Bouillon pour la première croisade jusqu’à la blessure qu’il reçut au siège de Solime. Leurs coloris sont éclatants et leur bordure très riche. Le septième panneau est tout à fait étranger, de sujet comme de facture. Il représente une leçon de greffage en fente et a été inspiré d’une œuvre gravée du xviie siècle.
Godefroy de Bouillon, blessé sous les murailles de Jérusalem, est soigné dans son campement. Son médecin Hérotime a brisé la flèche en tentant de la retirer de sa jambe, tandis qu’un ange presse des feuilles d’une plante miraculeuse, le dictame, provenant du mont Ida, en Crête. |
Clorinde, fille du roi d'Éthiopie, reconnaissable à son casque surmonté d'une panthère, est à cheval. |
L'enterrement du chevalier Dudon de Comps Au centre de la scène, Godefroy de Bouillon apparaît debout
et harangue la foule.
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C’est Monsieur Jean-Michel Geneste qui, entouré d’une
partie de son équipe scientifique, a dressé le bilan des travaux
effectués ces dernières années et nous a présenté la
grotte Chauvet dans son ensemble.
Pour permettre l’étude de la grotte dans de bonnes conditions,
il a été nécessaire d’effectuer un certain nombre
de travaux préalables qui se sont terminés fin 2005. D’abord
il a fallu aménager des cheminements sur toute la longueur de la
grotte, ensuite procéder à des études climatiques et
biochimiques, température, hygrométrie, CO2, radiations… de
façon à définir les conditions techniques des travaux
des équipes de recherches, enfin réaliser une étude
géomorphologique donnant une connaissance de la nature et de l’âge
des sols et du fonctionnement de la cavité dans son ensemble.
Un problème très important était celui de la datation. Pour le résoudre deux méthodes ont été utilisées, celle classique de la datation par le carbone 14 du charbon de bois employé pour la production de feux de combustion, d’éclairage, destiné au dessin des fresques ou prélevé sur les fresques elles-mêmes et la datation obtenue par une analyse fine de la croissance des stalagmites qui est variable en fonction du temps, de la température et de l’hygrométrie.
Ainsi, une étude chronologique très détaillée de l’évolution de la grotte, de ses occupants successifs, quelquefois contemporains, nous est présentée dans un tableau particulièrement éclairant. On peut ainsi remarquer que la présence humaine remonte à l’Aurignacien avec deux périodes, une à plus de 30 000 ans dont datent les fresques (celles qui peuvent faire l’objet d’une datation) et une seconde période vers 26 000 à 27 000 ans, que les stalagmites sont beaucoup plus nombreux à être âgés de moins de 16 000 ans, ce qui correspond à la date estimée de fermeture de la grotte.
L’étude du milieu biologique a été menée en identifiant les ossements, les empreintes et les traces (griffures) laissées par les différents occupants de la grotte, ours des cavernes jusqu’à la fermeture, loups, bouquetins. Des végétaux ont laissé des empreintes dans l’argile, mais ont-ils été amenés par l’homme, les animaux ou les eaux ? De même, les pollens trouvés dans l’argile du sol, en raison de l’incertitude quant à leur provenance, ne permettent de faire aucune hypothèse sur le climat de l’époque. Enfin, si aucune trace d’A.D.N. de contact humain n’a été relevée, il n’en est pas de même pour celle des ours et l’analyse de prélèvements effectués sur les parois a permis à des chercheurs du C.E.A. de relever des séquences d'A.D.N. et de faire des comparaisons avec les animaux d’autres sites.
La grotte Chauvet est une grotte ornée, on ne trouve pas de restes d'habitat et peu d’outils, seulement une pointe de sagaie en ivoire et une dizaine de silex en cours d’analyse, dont on espère qu’ils pourront peut-être permettre de rattacher les occupants de la grotte à ceux d’autres sites Aurignaciens connus.
Ce sont les fresques de la grotte Chauvet, leur ancienneté, leur valeur artistique et l’importance du bestiaire représenté qui lui donnent une valeur inestimable. Un relevé extrêmement soigneux en a été fait par les archéologues en notant les différentes techniques utilisées, dessin, gravure, pochoir, soufflé. Les principales fresques nous sont présentées et commentées, ce sont des ours des cavernes, des rhinocéros, des chevaux, des mammouths, des lions, des bisons, des mégacéros (ruminants à bosse) dont le graphisme est remarquable. Les pigments utilisés, noir, rouge, jaune sont analysés et une étude est en cours pour rechercher leur origine. Comme dans les autres grottes ornées il n’y a pratiquement pas de représentation humaine si l’on excepte celles de mains positives ou négatives. Elles ont cependant permis de se faire une idée de la taille de l’artiste, 1,80m et de lui attribuer un certain nombre d’œuvres en raison d’un doigt déformé.
Beaucoup de données ont déjà été recueillies, il faudra les compléter par de nouvelles études dans et à l'extérieur de la grotte, leur interprétation confiée à des équipes pluridisciplinaires nous permettra de mieux comprendre ces dessins et ceux qui les ont faits. Cependant, l’obscurité nécessaire à la projection, la beauté des panneaux, le rendu du mouvement des animaux, la voix du conférencier ont créé une atmosphère de recueillement qui nous a permis de communier avec l'artiste dont plus de 30 000 ans nous séparent et nous a fait partager l’émotion qui a dû étreindre les découvreurs de la grotte le 18 décembre 1994.
Marie et Paul Bousquet pour le château de Vallon
(à l’aide de documents publiés par l’Association des Amis de l’Histoire de la région de Vallon, dont notamment l'article de T. Mosnier et M. Székély « Les tapisseries de Vallon » dans Rencontres avec le passé, cahiers de l'exposition de Vallon, juillet 1997)
Jacques Dugrenot pour la conférence de M. Geneste
(Visite de la Sauvegarde
du 14 octobre 2006
en commun avec la délégation ardéchoise de l’association
« Vieilles Maisons Françaises »)