Le samedi 15 juin 2013, la Journée du Patrimoine de Pays a été consacrée à la découverte de la station thermale de Vals-les-Bains où nous avons été accueillis devant le Casino par Jean-Claude Flory, maire de Vals, qui nous a brièvement présenté sa commune. Vals est une agglomération d’environ 200 mètres de large qui s’étend sur deux kilomètres de part et d’autre de la rivière Volane. Bien que la vertu de ses sources minérales soit connue depuis le début du xviie siècle, Vals était avant tout une cité industrielle avec moulins à froment, à seigle, à huile, à foulon (batedor), à papier, mus par l’énergie hydraulique de la Volane. Il y avait aussi des chauchières (tanneries). En 1714, sur l’emplacement d’un moulin à blé mu par l’Ardèche, fut construit le premier moulinage de soie de l’Ardèche méridionale. Au milieu du xixe siècle, Vals possédait encore 24 moulinages quand l’industrie de la soie fut victime d’un marasme économique qui entraîna la disparition de plusieurs usines. Toutefois cette crise n’eut pas que des effets pervers, car elle fit naître une autre race d’industriels. Les mouliniers qui avaient l’esprit d’entreprise et qui savaient anticiper explorèrent d’autres domaines : recherches hydrominérales pour Firmin Galimard, l’inventeur de la source Intermittente, la production de Viscose pour Auguste Delubac, le premier homme au monde à avoir su produire de la soie artificielle, injustement oublié au profit de son associé le comte Hilaire Bernigaud de Chardonnet, chimiste et industriel, qui n’avait fait que reprendre les travaux de René Antoine Ferchault de Réaumur. Aujourd’hui ne reste que l’exploitation des sources minérales pour l’embouteillage et le thermalisme (diabétologie, maladies métaboliques, bien-être). Par l’intermédiaire du Syndicat Intercommunal pour le Thermalisme et l’Environnement (SITHERE), la commune met tout en œuvre pour la protection quantitative et qualitative de la ressource hydrominérale et de l’environnement : création d’une forêt communale dans le massif est valsois, actuellement la plus importante forêt périurbaine de l’Ardèche ; arrosage au goutte-à-goutte ; bannissement des fongicides et pesticides ; recherche constante de l’économie d’énergie par l’isolation des bâtiments publics et l’installation d’échangeurs thermiques au théâtre des Quinconces et aux thermes ce qui, chaque année, évite le rejet de plusieurs centaines de tonnes de CO2.
L'ancien Casino |
Élément indispensable de toute station thermale, le
Grand Casino fut construit entre 1882 et 1885, par la
Société Générale des Eaux Minérales de
Vals, qui deviendra plus tard Vals Saint-Jean, du nom de sa source principale.
Mais, en raison d’un différent survenu
entre Auguste Clément, président de la
SGEMV, et Gaston Giraud, le maire de
l’époque, l’aménagement intérieur ne fut
pas achevé. Les travaux reprirent après le
décès des protagonistes et le Grand
Casino fut inauguré le 16 juin 1898.
Comme Vals ne possédait pas un
patrimoine ancien remarquable sur
lequel ils auraient pu esthétiquement
s’appuyer, ses concepteurs, les
architectes Besset et Longuevilles,
conçurent un long bâtiment
rectangulaire de style Louis XIII orienté
est-ouest, avec deux ailes de part et
d’autre d’un vaste pavillon central,
terminées chacune par un pavillon plus
petit. Ces pavillons en pierre, surmontés
de dômes à la Mansart, étaient ornés de
frontons : fronton brisé pour le pavillon central,
frontons curvilignes pour les pavillons latéraux. Le
pavillon central, formant hall, s’ouvrait sur le parc du
Casino, côté nord ; à l’époque on y accédait par le parc
de l’Intermittente et le pont métallique, dit pont Eiffel.
Pendant la Grande Guerre, le casino devint hôpital
militaire, puis à partir de 1918, centre de gestion
administrative de soldats américains venant en repos à
Vals.
Avec le retour de la paix, dans les années 1920, pour
relancer l’activité de la station, les exploitants des
sources minérales créent une société immobilière dont
l’objectif est la mise au goût du jour de la station. Adieu
les buvettes ornées de lambrequins et les lignes fluides
de l’Art Nouveau, place au fonctionnalisme et aux lignes épurées du modernisme, pendant architectural de l’Art
Déco. Le casino primitif dont les façades de briques
avaient été recouvertes d’un enduit en ciment, voit les
portes et fenêtres rectangulaires de ses pavillons
remplacées par des ouvertures aux impostes en plein
cintre. Les terrasses nord sont transformées en galeries à
larges arcades. Construit en béton armé, un théâtre à
l’italienne de 600 places est accolé au casino, côté sud.
Ce nouveau casino, œuvre des architectes Lelièvre,
Jamme et Bellemain, est inauguré le 30 juin 1928.
Parallèlement, l’architecte valentinois Henri Joulie avait
remanié dans le style moderniste les biens privés des
sociétés d’eau minérale : thermes, buvette Saint-Jean,
Précieuse, Camuse, Favorite…
Depuis cette date, pratiquement
tous les 20 ans le casino
sera entièrement réaménagé
pour effacer l’usure du
temps et intégrer les nouvelles
normes de sécurité ou les évolutions techniques. En
1979, le casino est victime
d’un incendie qui a détruit
l’intérieur et la toiture.
Reconstruit entre 1980 et
1985, sa toiture à la Mansart
est remplacée par un toit en
terrasse et les frontons curvilignes
supprimés. La dernière
rénovation a duré deux
ans de novembre 2009 à juin
2011.
Quittant le Casino pour rejoindre le bourg ancien, nous empruntons l’allée Sévigné qui longe le parc. À Vals les édiles municipaux ont donné le nom de Sévigné à trois lieux : le square Sévigné, l’allée Sévigné et l’Espace Sévigné (nouvelle salle des fêtes). Pourtant Mme de Sévigné n’est jamais venue à Vals. Elle soignait ses rhumatismes aux eaux chaudes de la Grande Grille de Vichy, station fréquentée à son époque par les grands noms de la noblesse. L’engouement des Valsois pour cette épistolière tient à six de ses 772 lettres. Marie Rabutin Chantal, marquise de Sévigné, s’est intéressée à Vals car Pauline Adhémar de Monteil de Grignan, sa petite-fille, fut mise en pension pendant dix ans chez les bénédictines d’Aubenas. En effet, son gendre le comte de Grignan descendait par les femmes des Montlor d’Ornano, les seigneurs d’Aubenas. Pendant son séjour, en 1689, Pauline suivit une cure de 18 jours à Vals. C’est ainsi que de juillet à décembre 1689, Mme de Sévigné citera Vals avec des commentaires détaillés. Elle en reparlera encore au sujet de son fils en juillet 1691. Après la mort de Mme de Sévigné, Pauline, devenue marquise de Simiane, fit publier les lettres de sa grand-mère. Cent ans après Claude Expilly, elles consacrèrent les eaux de Vals en les citant.
Le Calvaire |
Située au point de rencontre des rues Auguste
Clément, Jean Jaurès et du pont Saint-Jean, elle
est devenue place lorsque le conseil municipal
décida de couvrir la portion du Voltour comprise
entre le pont et sa confluence avec la Volane. Au
cours des âges, elle a vu son nom s’adapter à
son utilisation : Rocher d’Avis, terminus du
tramway, gare routière et maintenant place Général de
Gaulle.
C’est là que le duc de Montmorency, gouverneur du
Languedoc, le 29 mars 1621, lors du premier siège de
Vals, installa ses trois canons et commença le blocus de
la ville. Les Valsois se battirent bravement infligeant de
lourdes pertes aux assaillants. Mais, ils ne purent résister
aux canons et le 4 avril 1621, ils signèrent leur reddition.
On le doit à Louis Malmazet,
un huguenot revenu à la foi
de ses pères, qui souffrait
d’une longue et cruelle maladie.
Sa garde-malade, une catholique
pieuse et dévouée,
l’engagea à placer son espérance
en saint Martin, patron
de la paroisse. N’étant pas
catholique, il ne croyait pas à
l’intercession des saints, mais
pressé par sa garde-malade,
il promit de prier et de revenir à la religion de ses ancêtres
s’il recouvrait la santé.
Peu après il s’endormit. À
son réveil ses souffrances
avaient disparu. Fidèle à ses promesses, il visita les
Lieux Saints et revint bon catholique. À son retour, au
cours d’une promenade, il fut frappé par la ressemblance
avec le Golgotha de ce mamelon situé entre la Volane et
le Voltour. Aussitôt, il acheta ce lieu appelé terroir de
Chanaleilles et y fit ériger l’oratoire et le chemin de
Croix. Sa dédicace fut célébrée le 25 janvier 1735.
Le calvaire, abandonné après la Révolution et la
séparation de l’Église et de l’État, fut soumis au
vandalisme. Il fut refait une première fois en 1863 et une
seconde fois en 2007.
Dans le vieux bourg |
À Vals par Château on entend le château proprement dit constitué de deux tours, la haute tour ou tour des Montlaur, seigneurs d’Aubenas et suzerains de Vals, et la tour basse, tour des coseigneurs, ainsi que la cinquantaine de feux qui vinrent s’agglutiner à ses pieds. C’est en fait le bourg ancien, un lacis de ruelles, autrefois entourées de murailles. Comme les Valsois, depuis 1562, avaient opté pour la Réforme, Vals fut plusieurs fois assiégée et ses défenses réduites : en 1621, destruction de la tour dite de Labégude, élevée au milieu de l’Ardèche, et de la tour des coseigneurs ; en 1627, les murs d’enceinte du bourg et l’ancienne église de la Chaudière, devenue temple, sont abattus ; en 1709, après la dernière insurrection des Camisards, les Valsois qui y participèrent furent tués à la bataille de Leyris, prés de Vernoux. Leurs maisons de Vals intra muros furent détruites.
Deux peintures importantes ornent la salle d’honneur de la mairie. La plus récente est une huile sur toile de 320 x 360 cm, marouflée sur le trumeau de la cheminée. C’est une œuvre de commande réalisée par Antoine Chartres (1903-1968), chef de file de l’école lyonnaise, auteur de nombreuses peintures murales. Cette Fontaine de Jouvence, en harmonie avec le style architectural du bâtiment, est imprégnée de l’esprit en vigueur entre les deux guerres mondiales : retour au classicisme et à la tradition naturaliste, avec une banalisation de la forme, une exhaltation de la vie rurale et des idylles champêtres.
La Fontaine de Jouvence |
La Fontaine de Jouvence, entre chèvres et châtaigniers,
symboles de notre identité régionale, présente un fond
qui est la synthèse des paysages ardéchois. Au premier
plan deux athlètes et deux jeunes femmes dont les
formes et les profils rappellent ceux de « Trois femmes à la fontaine » et « La femme au jupon rouge » peintes en
1921 par Pablo Picasso, se désaltèrent et puisent l’eau
salvatrice de Vals.
L’autre tableau « Vals en 1883 » est une huile sur toile de
240 x 400 cm, réalisée par l’artiste teillois Joseph-Xavier
Mallet, le peintre du Rhône (1827-1895). C’est une
oeuvre de commande de la Société Générale des Eaux
Minérales de Vals, un instantané de son domaine,
destiné à orner le salon du premier Grand Casino. Elle
appartient au mouvement réaliste du milieu du xixe siècle dont l’objectif est la sincérité dans l’art.
L’ensemble est traité dans une dominante sombre de
bruns et verts un peu sourds, très caractéristiques de
cette époque. De part et d’autre de la Volane qui
apporte sa touche claire, les parcs sont pleins de
monde. Des dames chapeautées de tulle et de capelines
ou portant ombrelles ainsi que des messieurs en
complet veston y admirent le jaillissement de
l’Intermittente. Derrière les arbres on distingue, à droite,
les « Bains Mathon » qui cesseront bientôt leur activité et
deviendront après transformation casino provisoire ; à
gauche, en amont, la construction de la maison
Leynaud. Dans le lointain on devine l’église Saint-Martin
en construction.
À l’issue du repas tiré du sac, pris à la Maison sociale, mise à notre disposition par le maire, nous sommes partis à la découverte de la rive gauche de la Volane, le quartier des sources minérales. Avant le départ, l’accompagnateur brossa un portrait de cette zone où plus d’une centaine de sources furent découvertes, ce qui suscita quelques querelles car les forages recoupaient fréquemment des filons déjà exploités. De nombreux griffons, points d’émergence des sources, ont été rebouchés. Actuellement, Vals-les-Bains possède 38 sources agréées. Treize destinées à l’embouteillage appartiennent à la Société des Eaux Minérales de Vals (SEM Vals) ; vingt sont la propriété du Centre hospitalier Paul Ribeyre et sont réservées à l’usage thermal (bain et boisson) ; quatre sources nouvellement découvertes sont en instance d’exploitation. Il y a également une source privée, la Gauloise, qui n’est plus utilisée.
Autrefois, tout au long du boulevard de Vernon, du pont de la Poste au pont Saint-Jean, on exploitait plus de 60 sources, la rue n’était occupée que par les ateliers de manutention et un établissement de bains. Depuis, de nombreuses habitations se sont insérées entre les ateliers ou se sont construites au-dessus des sources : petites maisons bourgeoises des années 1930, avec porte d’entrée surmontée d’une marquise.
Le bâtiment de la SEM Vals (ancienne carte postale) |
À la fin du boulevard on retrouve les premiers locaux
de la Société Générale des Eaux Minérales de Vals
(SGEMV). Ils sont toujours utilisés par la SEM Vals. Le
bâtiment le plus ancien est situé à l’est.
Construit au cours des années 1860, il a l’austérité des
bâtiments industriels du Second Empire. À l’exception
de l’installation, côté nord, des silos de stockage de la
matière première destinée à la fabrication des bouteilles
en matière plastique, ainsi que l’ouverture de portes etl’agrandissement des fenêtres éclairant les bureaux,
l’immeuble a conservé sa facture d’origine.
De l’autre côté du boulevard, s’élève l’actuel bâtiment
de manutention de la SEM Vals. Plus tardif que son vis-à-vis, il a été réalisé en plusieurs étapes. Au début des
années 1890, sa longueur n’atteignait pas la moitié du
bâtiment actuel. Il a été complètement refait et agrandi
au cours des années 1920-1930. Son architecture est
surprenante, car à l’époque où le désenchantement
induit par le premier conflit mondial suscitait un retour
aux formes classiques et symétriques, elle est toute
imprégnée du style des années 1900-1910, qui n’était
pas avare d’ornements. Sa façade ouvragée,
relativement somptueuse pour un simple atelier
d’embouteillage et d’expédition, témoigne de la réussite
sociale et financière de la Société Vals Saint-Jean, ainsi
que d’une confiance à toute épreuve dans l’avenir. La
façade, côté Volane, n’a pas été négligée, moins ornée
elle a néanmoins toute l’élégance de la façade
principale. Avec ses pilastres, ses baies aux impostes en
plein cintre, sa corniche en encorbellement, ses
modillons, ses attiques et ses frontons géométriques, cet édifice est aussi le témoin de la prodigieuse vitalité du
début du xxe siècle et de l’arrivée triomphante du béton
armé qui s’impose comme un matériau compétitif apte à
tous les usages.
Le pavillon Saint-Jean est la partie la plus visible de la source Saint-Jean. Elle fut ainsi baptisée en l’honneur de Jean-Baptiste d’Ornano. Maréchal de France, gouverneur militaire de Gaston d’Orléans, Monsieur, frère du Roi Louis XIII, il fut compromis dans le complot du marquis de Chalais. Il mourut en prison à Vincennes en 1626. Comme son illustre parrain, la source connut quelques déboires. Alors qu’elle était déjà fort estimée, la terrible crue de 1827 la fit disparaître. C’est presque trente-cinq ans plus tard que Firmin Galimard, qui avait eu l’idée de substituer le forage à la galerie, la retrouva en recoupant le filon à environ 300 mètres de l’ancienne source.
Ils furent créés en 1845, dans une simple ferme avec
trois baignoires pour
exploiter les vertus de la
source Chloé. Le premier établissement digne de ce
nom, mais encore modeste,
sera construit par
Ferdinand Gaucherand,
en 1851. À la fin des
années 1860, Auguste
Laforêt qui avait retrouvé
la santé grâce aux eaux
de Vals, racheta les biens
de Ferdinand Gaucherand
et construisit un nouvel établissement thermal
avec hydrothérapie. Il
comprenait 80 baignoires
et pouvait donner 1 500
bains ou douches par
jour. En 1883, la SGEMV racheta les biens de la
société Laforêt. Aussitôt le parc et les thermes
furent transformés. Au cours des années 1920, la
SGEMV décida d’accompagner la modernisation
de la zone thermale. Elle confia à l’architecte
Henri Joulie la rénovation de l’établissement
thermal. Outre la modernisation des moyens de
cures et de balnéothérapie, l’aspect intérieur et
extérieur des thermes fut entièrement repensé.
Au cours de l’intersaison 2002-2003, les thermes
furent l’objet d’une refonte complète.
Parallèlement à l’aspect médical, les thermes qui
ne cessent d’évoluer, proposent un espace « Bien-être et Beauté ». Ce concept qui s’enrichit
chaque année de nouvelles pratiques :
diététique, cure minceur, cosmétique, soins
esthétiques, fait de la cure à Vals un moment
privilégié pour prendre soin de son visage et de
son corps.
La source intermittente |
La source Intermittente est née d’un forage effectué en 1865, en plein cœur de la faille qui traverse Vals-les- Bains. La hauteur du geyser qui jaillit quatre fois par jour atteint parfois 16 mètres et le volume se maintient aux environs de 775 litres par sortie. C’est une eau bicarbonatée-sodique. L’intermittence est un phénomène naturel dont l’origine est l’allégement de la colonne d’eau d’un forage par apport de gaz carbonique issu des fissures du terrain. Il arrive un moment où le poids de la colonne d’eau ne fait plus équilibre à la pression du gaz. Cet équilibre rompu, l’eau s’échappe par l’orifice supérieur en une projection violente, jusqu'à ce que l’équilibre soit rétabli, et le phénomène recommence.
Gérard Mourier