Au ier siècle avant J.-C., lorsqu’Alba devient capitale
de l’Helvie, la petite vallée qui d’Alba se prolonge vers le sud
va entrer dans l’Histoire ; on l’appellera la Vallis Vinaria,
expression géographique qui comprend toute la vallée,
des portes d’Alba au col de la Fare. Elle gardera ce nom
de Vallis Vinaria jusqu’au ixe siècle.
Cette vallée
produit un vin réputé qui fait l’objet d’un commerce florissant à
partir d’Alba ; des villas gallo-romaines s’installent et
cultivent un cépage dont Pline l’Ancien vante les mérites
dans son Histoire Naturelle. Cette vallée sert de passage à une route qui relie
Alba à Bergoiata
(Bourg-Saint- Andéol) par le col de la Fare, Gras et le Bois du Laoul.
Au Iiie siècle, elle prendra le nom
de Maximien-Hercule.
Le long de cette voie ont été trouvés quelques vestiges :
nombreuses tuiles à rebords, tronçons de colonnes...
C’est surtout dans les années 1950, avec la motorisation
de l’agriculture qui permet des labours plus profonds,
que se révèle le passé gallo-romain de la vallée : en
février 1952 a été trouvé au nord de Valvignères, au-dessus
de l’itinéraire de la voie romaine, un sarcophage
en pierre contenant une urne cinéraire en verre avec
cendres et débris d’ossements, deux vases lacrymatoires,
un vase à parfum, une bague avec une pierre gravée
représentant un personnage, une monnaie de bronze à
l’effigie de l’empereur Claude (41-54) et au revers les
Mérées, déesses du foyer. Le toit du sarcophage, à double
pente, a été cassé par la charrue de labour.
Un peu plus loin, du même côté de la route, a été
découverte en octobre 1957 une tombe entourée de tuiles à rebords mais sans matériel funéraire.
Des urnes cinéraires malheureusement brisées ont été
trouvées dans le village en 1954 lors des travaux de la
nouvelle entrée.
Sur le site, le plus ancien édifice connu est l’église
primitive dont les fondations ont été découvertes lors de la
destruction du rempart côté est pour permettre la nouvelle
entrée en 1954. Orientée est-ouest, elle était coupée en
deux par le rempart construit aux xe-xie siècles.
Elle pouvait
contenir une soixantaine de personnes. Le compoix de
1590 indique un « cimetière vieux » qui
confronte à cet endroit le rempart au
couchant.
Aux xie et xiie siècles,
l’incertitude des
temps oblige la population à abandonner
les habitats dispersés pour se regrouper et
se mettre à l’abri des invasions en
construisant un fort : le castrum Vallis
Vinariæ. Ce fort comprend l’église
actuelle, le cimetière, les habitations, la
maison épiscopale et le four banal.
L’évêque de Viviers, seigneur de
Valvignères, arrente le four banal jusqu’à
la Révolution.
Le fort s’ouvrait sur l’extérieur par une
porte au sud aujourd’hui disparue. Il était
entouré d’un fossé large mais sans
beaucoup d’eau (2 mètres de profondeur,
mur bâti avec soin, pierre de taille sur
pierre de taille).
Bientôt ce fort s’avère trop étroit et la population construit tout autour à l’extérieur ; une deuxième enceinte de remparts est nécessaire au début du xve siècle à cause de la guerre de Cent Ans qui fait régner partout un climat d’insécurité ; flanquée de six tours crénelées avec chemin de ronde et meurtrières, aucune ouverture ne pouvait y être pratiquée sans l’autorisation du seigneur évêque.
Maison de Bonas |
C’est la seule entrée restée intacte ; on aperçoit les trous dans lesquels pivotait le pont-levis qui chaque soir était relevé. À gauche du portail, on peut observer le rempart jusqu’à la tour de Pereyrol au nord-est. La tour nord-ouest a complètement disparu.
Plus belle demeure du xve siècle,
elle appartenait à la
famille de Bonas, originaire
du Velay (Bonas citadelle
des environs d’Yssingeaux).
Une branche de cette
famille vint s’installer à
Villeneuve-de-Berg au xve siècle
et ne tarda pas à
avoir des possessions à
Valvignères. Au xvie siècle
la communauté de
Valvignères avait accordé le privilège de l’exemption de
la taille à noble Louis de
Bonas en reconnaissance
des services rendus à ses compatriotes pendant les guerres
de Religion.
On peut admirer les fenêtres à meneaux, l’entrée surmontée
d’un blason ; à l’étage on trouve une immense salle avec
grande cheminée. C’est dans cette demeure qu’aurait été
signé le traité de paix entre catholiques et protestants le 15
juin 1589, en présence d’Olivier de Serres.
La démolition de plusieurs maisons délabrées a permis de mettre en valeur une partie du rempart ainsi que la tour dite tour de David. La place a accueilli pendant 13 ans le Festival de l’Helvie organisé par les Valvignérois.
La fontaine date probablement du Valvignères primitif.
Jusqu’à l’adduction d’eau dans les années
1960, elle alimentait toute la population
résidant sur la place centrale.
On peut admirer plusieurs maisons
typiques dites maisons vigneronnes : elles
se caractérisent par un balcon couvert
dont la toiture est supportée par des
piliers de pierre. Au rez-de-chaussée se
trouve la cave.
Le 27 mai 1905, la municipalité donne
l’autorisation d’élargir le portail du midi
par la démolition de l’ancienne porte
voûtée située dans les anciens remparts.
L’ancienne porte avait 2,30 m de largeur et
3 m de hauteur.
Le trou de la Vergogne |
Le 15 février 1885, après les dernières épidémies de choléra, les fossés où les eaux du village se ramassaient ont été comblés afin de ne pas laisser croupir l’eau qui devenait malsaine et insalubre.
En marbre de Carrare, œuvre du sculpteur Accariès, elle est érigée dans le village en 1942 sous ce vocable, en souvenir de l’ancienne chapelle de l’église de Valvignères et à l’occasion du centenaire de la consécration de la paroisse à Notre-Dame des Victoires, le 1er septembre 1842.
Le 14 mai 1876, les habitants des Termes et du Chaussay demandent qu’il soit pratiqué un passage pour entrer au village car il n’y avait pas d’entrée côté est. Le conseil propose d’ouvrir une brèche à la hauteur de la rue du Four. Les habitants appelleront très vite ce passage sombre : le « trou de la Vergogne ».
Pierre de remploi |
L’église de Valvignères a été construite à la fin du xie,
début
du xiie siècle. Elle devait avoir 10
mètres de
large extérieurement et 23 mètres de longueur
et en hauteur au centre de la voûte, environ 6 à 7 mètres. Elle était
sombre, basse et humide,à une seule nef. Elle a servi de tombeau aux
prêtres de la paroisse ainsi qu’à quelques
familles nobles jusqu’à la Révolution.
Elle a reçu de nombreuses modifications au
cours des siècles, mais ce sont les
agrandissements réalisés au xixe siècle,
côté
nord, avec des fondations sur des argiles
gonflantes qui sont la cause des désordres
subis aujourd’hui nécessitant de coûteux
travaux.
On peut observer, à droite en entrant,
une pierre encastrée dans le mur représentant partiellement
une croix avec l’aigle de saint Jean1 ; cette pierre gravée
pourrait provenir de l’église primitive. Le retable en bois du
xixe siècle donne une originalité particulière
au chœur.
Marie-José Volle
1- Cette pierre de remploi a été étudiée par C. Bernard dans son article « Larnas, Grospierres, histoires de pierres en Vivarais »
Arnaud (Abbé Pierre), Valvignères en Helvie, Privas, imprimerie Lucien Volle, 1963.