Ferme Philip - Entrée de l'étable et du logis, côté ouest
Les deux termes sont employés pour désigner cette région
de hautes terres qui est le toit de l’Ardèche dont elle
possède les plus hauts sommets : le Mézenc (1 754 m) et le
Gerbier de Jonc (1 551 m). Avec l’altitude, c’est la platitude
qui la caractérise ; il s’agit en effet d’une vieille pénéplaine
prolongeant les plateaux du Velay, un pays aux vastes
horizons et aux douces ondulations, piqué de nombreux
sucs de phonolithe, témoins, avec les épanchements
basaltiques, d’un volcanisme intense du Miocène au
Quaternaire. Mais, pour ceux qui viennent du bas pays,
comme la plupart d’entre nous aujourd’hui, c’est une
montagne que l’on n’atteint qu’en gravissant de fortes
pentes, résultant du soulèvement de la bordure sud-est du
Massif Central cisaillée par un faisceau de failles. Le
géographe Pierre Bozon l’appelle Montagne, tout en notant
que cette région « n’est montagne que pour celui qui a à
monter. »
La géologie a créé ici une frontière géographique majeure :
la ligne de partage des eaux entre Atlantique et
Méditerranée. Au nord-ouest de cette ligne, que nous
franchissons aujourd’hui, la Loire et ses affluents s’écoulent
doucement vers l’océan. Au sud-est, les rivières tributaires
du Rhône dévalent en flots impétueux.
La région d’Ardèche où nous entrons, au-dessus de
1 000 mètres d’altitude, porte l’empreinte d’hivers
rigoureux ayant amené les hommes à s’abriter dans de
solides bâtisses et à ne compter que sur des cultures
robustes et, surtout, sur l’élevage, essentiellement bovin,
qui bénéficie d’une herbe abondante et de qualité, donnant
une viande distinguée par le label « fin gras du Mézenc ».
Les étés, agréablement frais, offrent de belles journées
ensoleillées, avec un air sec et pur.
Nous en profitons aujourd’hui et c’est sous un beau ciel
bleu, malgré la proximité de l’équinoxe de septembre, que
nous rejoignons Irma Roux et découvrons Sagnes-et-Goudoulet et ses nombreux toits de lauzes serrés autour de
l’église.
Mme Lucienne Chanéac, première adjointe, nous accueille
au nom du maire, Christian Lévêque, dans la salle
polyvalente, ancien presbytère. Après un café de
bienvenue, généreusement accompagné de viennoiseries,
elle nous présente sa commune de 130 habitants (il y en
avait 1 059 en 1821 et encore 792 en 1911), étendue sur
2 500 hectares, qui a été créée en 1790 par la réunion de
deux mandements, celui des Sagnes (nom désignant des
zones marécageuses) et celui de Goudoulet (une
goudoule est une rigole), qui dépendait de l’abbaye
d’Aiguebelle. Elle nous énumère ensuite les travaux
récemment effectués par la municipalité : réfection des
toits de lauzes de l’église et, antérieurement, de la salle
polyvalente, construction, avec la participation de
l’association Liger, de toilettes et d’une cabine
téléphonique couvertes de lauzes. Suit logiquement la
liste des projets à réaliser : restauration du toit de lauzes
du gîte rural (ancienne école), révision du mur du chœur
de l’église, affecté par de graves infiltrations, et
restauration du « poilu » en fonte du monument aux
morts.
Nous faisons ensuite un rapide tour du cœur du village,
en commençant par l’église toute proche, construite en
1880 dans le style néo-roman, l’édifice antérieur se
révélant trop petit face à la poussée démographique et,
peut-être, à l’essor du pèlerinage à sainte Marguerite. La
sainte était alors invoquée pour la « maladie des Sagnes »,
provoquant de très douloureuses rougeurs de la peau, des
affections oculaires et le rachitisme des enfants ; sa fête
est toujours célébrée ici, avec beaucoup d’émotion, un
dimanche proche du 9 septembre. Le clocher pointu de
l’église du xixe siècle, détruit par la foudre en 1933, a été
doté l’année suivante d’une couronne crénelée, forme en
vogue à l’époque. Dans le chœur de l’église, nous
observons la prolifération de moisissures vertes dues aux
infiltrations signalées par Mme Chanéac.
Ferme des Grands Sagnes |
En sortant de l’église, nous découvrons la superbe toiture
en lauzes de la ferme des Grands Sagnes, solide bâtisse,
classée Monument historique en 1986, qui était à l’origine
le prieuré Saint Robert de Turlande, fondé au xiiie siècle
par les moines de La Chaise-Dieu. Aujourd’hui propriété
privée, elle fut, dans les années 1970, une des premières
fermes auberges de la Montagne ardéchoise. Sa silhouette
massive, ses encadrements d’ouvertures et chaînages
d’angle en larges pierres taillées et son four à pain
débordant lui confèrent un fort caractère.
À quelques pas de là,
après un coup d’œil à la
nouvelle cabine
téléphonique signalée
plus haut et déjà
désaffectée par
l’administration, nous
arrivons à la mairie, qui
occupe le niveau
inférieur de l’ancien
presbytère, sous la salle
polyvalente. Dans la
salle de réunion, belle
pièce voûtée, on
découvre avec surprise
un ancien puits dont la
margelle est bien mise
en valeur.
Notre dernière halte est pour le monument aux morts,
jouxtant l’église et le cimetière, qui présente la singularité
d’afficher les dates « 1914-1919 » pour la Grande Guerre,
dont il situe ainsi la fin au traité de Versailles et non à
l’armistice. Notons que certains historiens considèrent que
le conflit s’est poursuivi jusqu’au traité de Lausanne, en
1923.
Praplot |
La découverte du site est un éblouissement ! Les prairies du
plateau où nous sommes dominent un versant qui plonge
rapidement vers le hameau de Chabron et la vallée de la
Bourges, 350 mètres en contrebas. Campée à 1 270 mètres
d’altitude, sur le rebord du plateau, la paihlisse de Pra Plot
commande un panorama grandiose, magnifié par la lumière
de cette fin d’été. Son haut toit de genêt à très forte pente,
d’où dépasse sur un
angle la longue corne de
la cheminée, est typique
des chaumières de la
Montagne, dont la
silhouette si particulière
ne s’oublie pas. Le
parfait état de sa
couverture et de ses
murs soigneusement
jointoyés manifeste les
soins méticuleux dont
elle est l’objet.
D’ailleurs, Rafi
Pechrikian nous décrit
d’emblée avec passion
les travaux qu’il a
effectués pour éviter la
ruine du bâtiment, notamment la réfection de la haute
toiture, élément essentiel pour la préservation d’une telle
bâtisse, et la création d’un drain très important pour
assainir le mur nord, traditionnellement enterré pour
abriter les maisons de la redoutable burle1. Beaucoup de
travaux ont aussi été exécutés à l’intérieur, transformant
l’étable en espace habitable et améliorant le confort de
l’ensemble, tout en veillant à conserver l’authenticité du
bâtiment.
Côté ouest, une rampe donne accès à la vaste fenière (fenil),
où il est possible d’apprécier l’architecture de la charpente élancée et la technique délicate du piquage des genêts.
Rafi Pechrikian à la source de Praplot |
Devant la façade méridionale, à l’ombre d’un bosquet
d’arbres majestueux, un ancien jardin conserve quelques
roses contre un mur.
Plus loin, une
source permet la
culture de légumes
rustiques : choux,
pommes de terre,
courges… dont la
belle taille révèle la
fertilité du sol.
La ferme, ne figurant
pas sur la carte de
Cassini, ne serait
donc pas antérieure
au xviiie siècle, et
l’enregistrement, en
1759, de la
naissance de Marie
Philippot la ferait
dater du début ou du milieu de ce siècle.
Pra Plot aurait d’abord été une grange de la ferme de
Pouzol, située à 2,5 km au sud, ses occupants étant alors
des fermiers qui ne restaient que quelques années, ce qui
expliquerait le faible nombre de naissances et de mariages
mentionnés dans les registres que Jackie Lefebvre a
consultés.
À la fin du xixe siècle, la famille Durand devient
propriétaire et le restera jusqu’à ce que Mathilde Durand,
née en 1912, vende le domaine en 1988 et se retire à
Burzet, où elle décède vingt ans plus tard.
Un des fils de Pra Plot, Ernest Durand (1901-1962) était allé
habiter, avec son épouse Maria, à la ferme du Cayrou
(Gueyrou sur la carte IGN)), où nous nous arrêtons
brièvement au retour vers les Sagnes. Maria, devenue
veuve, ayant vendu le Cayrou pour aller vivre aux Sagnes,
les nouveaux propriétaires durent s’occuper en urgence de
la toiture en genêt dont le très mauvais état menaçait la
maison de ruine. Mais, au lieu de faire le choix d’une
toiture en genêt traditionnelle, comme celle de Pra Plot, ils
eurent recours à une solution mixte : des plaques de « Bacacier » posées sur la charpente originelle très pentue
et couvertes d’un grillage où furent ensuite piqués les
rameaux de genêts. Il est dans ce cas impératif de laisser
entre « Bacacier » et genêts un espace suffisant pour assurer
une bonne ventilation. Le rendu final ne peut tromper un
puriste, mais la méthode préserve le bâtiment de façon élégante, économique et durable. Aujourd’hui, le Cayrou,
bien entretenu, est une plaisante résidence secondaire.
Irma Roux présente l'hort de Clastre |
Après un sympathique pique-nique à la salle polyvalente
des Sagnes, Robert Brisson guide aimablement notre
caravane de voitures vers Sainte-Eulalie, où Irma Roux nous
fait découvrir l’hort (jardin) ethnobotanique de la ferme de
Clastre. Elle nous en présente successivement les diverses
familles de végétaux dont la variété illustre l’exceptionnelle
biodiversité de la région, due à la nature ainsi qu’à des
interventions humaines. Le géologue Jean-Baptiste Dalmas
avait noté que l’altitude favorisait les espèces « qui ont
besoin pour vivre de l’abri protecteur de la neige pendant
l’hiver et de l’azur du ciel pendant l’été. » Mais il faut aussi
rappeler le rôle des moines qui ont introduit des espèces
nouvelles et favorisé la multiplication de plantes
naturellement plus rares.
Les commentaires d’Irma Roux sur les propriétés et
l’utilisation des végétaux observés suscitent un très vif
intérêt et sont, pour beaucoup d’entre nous, l’occasion de
découvrir que la cueillette des plantes médicinales et
aromatiques, organisée et règlementée, est régulièrement
pratiquée dans la région. Suite à cette visite, notre amie a
bien voulu rédiger un exposé sur ce sujet, enrichi de son
expérience personnelle de cueilleuse.
Dernière étape de notre journée : la ferme Philip, appelée Feally dans le patois local et dans les vieux actes notariés. Sa situation, à un kilomètre au sud-ouest du Gerbier de Jonc, à 1 330 mètres d’altitude, et sa réputation d’être encore très proche de son état d’origine lui valent un grand nombre de visiteurs. Son aspect extérieur et son agencement intérieur n’ont en effet guère changé et elle conserve un grand nombre d’objets du quotidien d’autrefois.
La ferme Philip - Premier logis et four à pain |
L’inscrire, il y a quelques mois (en 2018), à l’inventaire
supplémentaire des Monuments historiques a donc été une
reconnaissance, d’ailleurs un peu tardive, de son grand
intérêt patrimonial.
Nous sommes accueillis par Léon Chareyre, le propriétaire,
dont la famille a acquis le domaine en 1742 et qui est
aujourd’hui un personnage emblématique de la Montagne,
fréquemment sollicité par les médias. Non sans raison ; à
86 ans, l’homme affiche une robuste constitution et
conserve l’œil pétillant de malice. Sa façon de conduire la
visite, nous allons le voir, est très astucieusement réfléchie.
Son expérience de maçon, piqueur de genêts, poseur de
lauzes et agriculteur en fait un guide particulièrement
qualifié, servi par une belle faconde fleurie d’humour.
La ferme Philip, vraisemblablement antérieure au
xviie siècle, est une construction rectangulaire de 31 mètres
de long et 10,50 mètres de large, allongée d’est en ouest,
dont le toit descend jusqu’au sol du côté nord. Agrandie au
xviiie siècle, pour abriter deux familles, elle comporte deux
habitations et deux fours à pain, de part et d’autre de
l’étable.
Suivant le chien de la maison qui accompagne très
fidèlement son maître et qui, connaissant parfaitement la
visite, avance ou s’arrête toujours très à propos, nous
arrivons devant la longue façade de la ferme, orientée au
midi. Léon Chareyre nous commente alors, secondé par son
frère Julien, l’implantation de ce bâtiment dans son
environnement et nous raconte la vie au fil des saisons sous
le climat rigoureux de la région.
Face à nous, saillant de la façade, l’arcas, sorte de sas voûté
donnant accès à la fois à l’étable et à
l’habitation, possède un toit de
lauzes, comme les fours à pain, tout
le reste du bâtiment étant couvert
de genêts. Les murs, épais d’un
mètre, sont montés à sec et
comportent deux parois encadrant
un espace rempli de petites pierres
et d’argile assurant
l’imperméabilité. De longues
pierres transversales, les trafiches,
assurent la liaison entre les deux
parois. Des poutres en bois forment
les linteaux des grandes portes de la
fenière et de l’arcas, tandis que les
petites ouvertures ont des linteaux
en pierre ou en bois.
Pénétrant dans l’arcas, nous
découvrons, à droite, un large
bassin en bois, le bachas, qui servait
d’abreuvoir pour les bêtes et de
réserve d’eau pour la maison. Un
tuyau y déverse en continu l’eau
d’une source proche. À gauche, une
petite ouverture donne accès à la
soue des cochons, sombre et
voûtée. Le fond de l’arcas est ouvert sur la vaste étable,
cœur du bâtiment, longue de 16 mètres, dont la mangeoire,
contre le mur du fond, est alimentée directement depuis la
fenière par des trappes ouvertes dans le plafond. Celui-ci
est soutenu en son milieu par une longue poutre, la chareyre, supportée par des poteaux de bois, les pountiers,
reposant au sol sur de grosses pierres.
L’habitation la plus ancienne, située à l’est, est constituée
d’une pièce unique, partiellement dallée, éclairée par deux
petites fenêtres. Au fond, sous une grande voûte, s’ouvre la
gueule du four à pain, où Léon Chareyre allume un feu de
branches pour accompagner ses commentaires. Pas de foyer
proprement dit ; la cheminée partant de la voûte évacuait la
fumée du four et du feu. À gauche, une petite porte s’ouvre
sur une cave voûtée et enterrée, où étaient conservés les
aliments. Deux lits placards sont placés contre la cloison de
l’étable, bénéficiant ainsi de la chaleur des animaux.
Un petit escalier de bois donne accès à la fenière dont le
volume impressionnant permettait d’entasser en vrac la
grande quantité de foin nécessaire pour le long hiver ; ce
foin constituait en outre un isolant thermique pour
l’habitation et l’étable situées au-dessous.
La fenière, aujourd’hui vide, permet de bien observer la très
haute charpente qui la couvre, faite en sapin du pays, durci
par une pousse lente, due à l’altitude et aux rigueurs de
l’hiver. Les tenailhs (arbalétriers) inclinés à 60° donnent au
toit la forte pente nécessaire pour faire glisser neige et
pluie. Les chevrons horizontaux, chevillés sur eux, portent
le tressage de genêts longs puis le piquage, à l’extérieur, de
genêts plus courts qui constituent une couche de 30 à
40 cm d’épaisseur, assurant imperméabilité et isolation
thermique.
Léon Chareyre piquant du genêt sur son toit |
Sur un chevalet, imitant un toit
miniature, disposé à cet effet, un« élève » pris dans notre groupe
exécute un exercice de piquage de
genêt sous la direction du maître
piqueur.
La leçon achevée, le chien se lève et
se dirige vers la grande porte
ouvrant sur le plan incliné par où
arrivaient les chargements de foin.
Sortant à sa suite, nous nous
regroupons au pied de la pente
nord du toit où Léon Chareyre va
nous faire une démonstration en
vraie grandeur sur le toit de sa
chaumière. Juché tout en haut
d’une grande échelle, où il a
grimpé avec une aisance étonnante,
il insère un à un dans le chaume du
toit les rameaux de genêt dont il
s’était muni. Sous les
applaudissements et le déclic des
appareils photos.
Après ce morceau de bravoure,
point d’orgue d’une très belle et
très riche journée, l’heure est
venue de quitter les lieux, car le soir allonge les ombres et
la route sera longue pour beaucoup d’entre nous.
Remerciements, félicitations et joyeuses congratulations
jouent les prolongations, malgré l’heure tardive.
Regret d’arriver à la fin d’une aussi belle journée ? Sans
doute, mais, plus encore, le cœur dilaté du bonheur des
rencontres et des découvertes qui l’ont jalonnée. Ces
rencontres, dont aucune ne fut banale, nous ont aidés à
mieux apprécier la singularité d’un terroir que l’altitude, la
géologie et l’habitat marquent d’un caractère inoubliable.
Dans les vastes étendues de la vieille pénéplaine jaillissent
les sucs aux flancs abrupts des jeunes cônes volcaniques. À
cette altitude, peu favorable aux cultures, les champs sont
réduits à la portion congrue ; l’ancienne forêt a cédé de
grands espaces, dès le xiie siècle, se réduisant dès lors aux
bois des monastères, nationalisés à la Révolution et devenus
les forêts domaniales des Chambons, de Mazan et de
Bonnefoy.
Les deux tiers des surfaces portent désormais des landes sur
les sols maigres et de bonnes prairies sur les sols
volcaniques fertiles, déterminant la vocation pastorale de la
région, affirmée de très bonne heure.
Les hommes de ces hautes terres ont donc adapté leur
habitat aux rigueurs du climat et à la fonction de fermes à
bétail. Les villages, comme Sainte-Eulalie et Sagnes-et-Goudoulet, sont de taille réduite et les fermes sont isolées,
chacune sur son domaine, près d’une source, orientée au
midi, adossée à la pente pour s’abriter de la burle et bâtie
solidement suivant un plan simple, généralement
rectangulaire.
Nous avons vu que le logis était réduit, laissant la majeure
partie du bâtiment à une vaste étable, surmontée d’une
fenière dont le volume bénéficiait de la forte pente du toit.
Albin Mazon écrivait à ce propos que les maisons étaient « plutôt des étables où les bêtes ont généralement laissé à
l’homme une petite place. » C’était à Loubaresse, au
xixe siècle.
Le soir sur le Plateau
Les fermes traditionnelles s’intègrent d’autant mieux à leur
environnement qu’elles sont construites en matériaux
recueillis sur place : les murs sont en basalte, granite ou
gneiss, avec un liant à base d’argile, faute de chaux
disponible, et les toits sont couverts de genêt et de lauzes
de phonolite, plus rarement de chaume de seigle. Jusqu’au
début du xxe siècle, la majorité des fermes avaient encore
de telles toitures, mais l’introduction de la tuile et du métal
ainsi que l’abandon de nombreux bâtiments, consécutif à
l’exode rural, ont porté un coup fatal aux toitures
traditionnelles. Sur la centaine de couvertures en genêt
subsistant au début des années 1980, il n’en reste qu’une
quinzaine aujourd’hui.
Ne baissons pas les bras malgré tout ; la prise de conscience
de l’intérêt de ce patrimoine exceptionnel, qui est aussi un
atout touristique, s’accompagne maintenant d’actions
concrètes pour le préserver et le valoriser. L’association
Liger, qui a sauvé la ferme de Clastre, s’emploie avec
détermination à l’ériger en centre d’interprétation de
l’architecture, du paysage et de la biodiversité du pays des
sources de la Loire. Elle organise des stages de piquage de
genêt et de pose de lauzes et a lancé, avec le PNR des Monts
d’Ardèche, l’inventaire des bâtisses traditionnelles de ce
pays, dont quatre de plus ont été inscrites en 2018 à
l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. La
Sauvegarde accompagne Liger, selon ses moyens, dans le
projet de Clastre et a subventionné à ses côtés la réfection
des toits de genêt d’une ferme à Usclades et d’un moulin au
Cros-de Géorand.
Vous qui avez pris part à la journée du 20 septembre,
succombez à l’envie d’un retour pour compléter vos
découvertes et vous qui n’avez pas eu cette chance,
n’hésitez pas à venir apprécier une architecture très
originale, témoignant d’une longue histoire, dans un
paysage grandiose qui se pare au printemps de somptueux
tapis de jonquilles et de narcisses, avant l’explosion estivale
d’une féérie de couleurs et de parfums : genêts, gentianes,
anémones, violettes… sans oublier la précieuse cistre, qui
contribue à la saveur du « fin gras du Mézenc ».
Irma Roux et Pierre Court