À Prunet, auprès de l’église, Michel Ledauphin, maire de la commune, nous attendait pour nous accueillir. Le lieu impressionne : l’enclos du cimetière est encore lié à l’église ; celle-ci présente déjà extérieurement ses qualités architecturales et le terre-plein qui permet un accès aisé ouvre sur la vallée de la Ligne en offrant un panorama superbe. La nef nous rassemble. Bernard Nougier, curé de Prunet, présente l’édifice et son histoire.
Église de Prunet, avant le renouvellement de la toiture |
Prunet est situé à la naissance de la Ligne, qui semble mentionnée par la charta vetus vers 950 : la haute vallée a dû, très tôt, recevoir des implantations agricoles dont témoigne la donation de Berthe, faite en 1016, après le décès de son mari et de son fils unique. Celle-ci remet neuf manses situées au lieu de Prunet à l’abbaye de Saint-Théofrède, dite Saint-Chaffre-du-Monastier. Les bénédictins ont dû, dès le xie siècle, édifier une église qui, reconstruite et agrandie au xiie siècle, fut dédiée à saint Grégoire le Grand. Un prieuré, établi tôt, constitua une seigneurie et un mandement particulier entre Jaujac et Joannas. Il parut disposer de ressources conséquentes puisqu’il fut sollicité, à l’égal du prieuré conventuel d’Ucel, pour fournir un volume de vin correspondant aux besoins de l’abbaye durant un mois. Saint-Grégoire de Prunet est nommé comme dépendance chaffrienne en 1179 et en 1267. À la fin du xive siècle ou au début du xve siècle, le prieuré conventuel urbain de Saint-Pierre-le-Monastier, établi au Puy, annexa, avec l’accord de l’abbaye fondatrice, le prieuré de Prunet et bénéficia de ses revenus jusqu’à la Révolution. Des visites de l’église furent accomplies officiellement au xviie et au xviiie siècles, mais ont été conservés seulement les procès-verbaux de 1676 et de 1714. En 1790, l’église devient uniquement paroissiale et sera désormais placée sous l’entière responsabilité des habitants de Prunet.
Une pierre en réemploi est susceptible de porter témoignage d’un édifice au xie siècle : au chevet de l’église se remarque un linteau monolithe échancré qui devait sommer une baie-meurtrière, très ébrasée seulement à l’intérieur. En tout cas, lorsque le pape Alexandre III, en 1179, inclut le prieuré de Prunet dans la liste des dépendances de Saint-Chaffre-du-Monastier, l’église de Prunet est celle que nous pouvons voir dans sa simplicité primitive : une nef de deux travées, voûtée en berceau brisé, prolongée vers l’est par une abside semi-circulaire. Doubleaux, pilastres et cordons sont de facture simple ; en grès, ils éclairent le gneiss des murs et des voûtes et ils rythment bien l’édifice, le structurent avec justesse. Des arcs de décharge se creusent à chaque travée. L’entrée du chœur s’anoblit par un évidement mural qui permet à des arcatures jumelles de se placer de part et d’autre du seuil du sanctuaire. L’abside semi-circulaire se coiffe d’une voûte en cul-de-four qui, mise à nue lors de l’ultime restauration, montre l’assemblage ingénieux de son appareillage.
Le prieur de Saint-Pierre-le-Monastier, Bernard de Dienne, dans
la deuxième moitié du xve siècle,
prend initiative d’agrandir l’église Saint-Grégoire :
les flans de la travée qui précède le chœur
sont ouverts et deux chapelles sont construites selon les procédés
architecturaux de l’époque. La volonté du prieur
est d’établir une sorte de transept. Les ogives sont
soutenues par des culots imagés et les clés de voûtes
affichent les armoiries du commanditaire. Le maître d’ouvrage élargit
notablement aussi la fenêtre du chœur et il fait aposter à l’extérieur,
de part et d’autre de la baie, les bustes de saint Grégoire
et de saint Pierre, portant leurs signes distinctifs et aussi les
armes de ses propres parents. Il semblerait aussi que le clocher
et le porche aient pris à cette époque leurs places
et leurs décorations définitives.
La chapelle qui jouxte le chœur, au nord, a dû être
bâtie dans la première moitié du xvie siècle :
l’arc gothique qui sert de passage vers le sanctuaire est
admirablement dessiné comme ceux des chapelles établies
au xve siècle.
La visite de l’église en 1676 permet de signaler l’existence désormais d’un collatéral sud assurant le passage successif dans trois chapelles ; mais la chapelle orientale n’a pas encore la profondeur qu’on lui connaît. Sont mentionnés le toit en lauzes, les fonts baptismaux, une tribune et, touchant l’église, le cimetière et la maison claustrale.
Au xixe siècle, l’église poursuit sa croissance : en face du porche sud, vers 1850, une dernière chapelle est bâtie, permettant d’entrer dans l’église sans traverser le cimetière et afin de donner de l’ampleur au collatéral nord.
Les mesures de sauvegarde, nécessaires mais pas toujours réalisées avec à propos, sont engagées au xixe siècle : pose sur les nefs d’une toiture en tuiles plates mécaniques vers 1950, suppression dix ans plus tard d’une sacristie greffée au nord du chevet vers 1880, installation à la demande du Service d’Architecture des Bâtiments de France d’une toiture en tuiles canal qui enveloppe désormais toute l’église en incorporant aussi l’abside, rénovation intérieure à partir de 1990 et création d’un nouveau mobilier.
Au chevet de l'église, saint Pierre (à gauche) et saint Grégoire |
À l’intérieur de l’église sont conservées deux cuves baptismales médiévales et trois dalles tumulaires présentes autrefois dans le cimetière. À signaler, bien sûr, à l’extérieur, le clocher carré assis sur le porche qui s’agrémente d’une double voussures et de colonnettes dont les chapiteaux ornés de feuillages raffinés suggèrent un gothique tardif. Également, s’imposent au regard deux bustes encadrant la baie du chevet, ceux de saint Pierre et de saint Grégoire, tous deux coiffés de la tiare et présentant les armes du prieur Bernard de Dierne.
Michel Ledauphin, maire de Prunet, a exprimé le souhait qui lui tient à cœur au sujet de l’église de sa commune : il désire redonner à cet édifice une couverture en lauzes, celle qui l’habillait originellement, celle qui existait encore sur l’ensemble des nefs jusque vers les années 1950, celle qui recouvrait encore l’abside en 1984. La toiture actuelle est déficiente et inesthétique Le projet qui s’élabore est ambitieux. Tout est mis en œuvre pour qu’il aboutisse. Un dossier est établi, l’Architecte départemental des Bâtiments de France a exprimé son accord, des devis se précisent, des financeurs sont sollicités. Et déjà le projet a été reconnu comme méritant le premier prix Rhône-alpin de la sauvegarde du patrimoine.
Bernard Nougier
(Visite de la Société de Sauvegarde du 13 juin 2009)
NDLR - D'importants travaux de restauration, auxquels la Sauvegarde a apporté son aide, ont été réalisés depuis la date de cette visite. Notamment, la toiture en tuiles canal, qui présentait de graves défaillances, a été remplacée par une toiture de lauzes.
Voir ici le détail de ces travaux.