Sous un soleil radieux, nous visitons le village de Salavas, situé sur
la RD 579 reliant Vallon-Pont d'Arc et Barjac.
Proches l'un de l'autre, mais séparés par la
rivière Ardèche, ce n'est que depuis le xixe siècle
que Vallon-Pont-d'Arc et Salavas sont reliés par un pont qui a connu
bien des vicissitudes puisque, après un premier pont suspendu « en
fi! de fer » construit en 1837 selon le procédé inventé par
Marc Seguin, on le remplaçait en 1924 par un ouvrage en ciment armé.
En 1992, on détruisait ce dernier pour reconstruire un nouveau pont avec
une architecture moderne. Du pont suspendu, il subsiste la pile centrale toujours
fièrement dressée au milieu de la rivière.
Jusqu'en 1837, on allait d'une rive à l'autre par le
gué de Chauvieux ou le gué du Moulin de Salavas, ou encore le gué de
Pavaralos, avec les risques que cela comportait ! La voie romaine d'Antonin le
Pieux reliant Nîmes à Alba franchissait l'Ardèche au gué de
Chauvieux.
Pour cette visite, nous avions sollicité le concours des Amis de l'Histoire de la Région de Vallon-Pont-d'Arc, Aussi sommes-nous accueillis par Bernard Beuzeboc, membre de cette association, Salavassien passionné par l'histoire de sa commune.
Notre guide nous conduit d'abord sur le site de la Gleizasse situé à l'ouest du bourg.
Dans les années 1970, Robert Helmling, le premier, avait signalé l'existence du site. Il en dirigeait les fouilles de 1978 à 1988, conjointement avec le Docteur Maurice Laforgue et les membres de la SERAV (Société d'Études et de Recherches Archéologiques de Vagnas).
Ces fouilles ont livré une moisson de renseignements d'ordre archéologique auxquels se sont ajoutées des connaissances historiques acquises peu à peu. L'histoire du site débutait au iie ou iiie siècle de notre ère par la construction d'un mausolée ou d'un petit temple païen dont les ruines ont pu être mises au jour.
Vestiges de l'église Saint-Julien |
C'est probablement à la fin du ive ou au début du ve siècle qu'une première église mesurant 15,20 m sur 7,60 m fut construite. Sa nef, à deux travées égales, se terminait vers l'est par une abside demi-ronde dont les murs entouraient, sur trois côtés, les ruines de la construction païenne qui se retrouvèrent ainsi sous le chœur de l'église paléochrétienne. Plus tard, un beau sol en briquettes sur tuile les recouvrirent et en effaça le souvenir.
Presque à la même époque,
une deuxième construction de 13,40 m sur 6,60 m fut élevée
parallèlement au sud. Elle était bâtie sur un plan
identique avec un sol en terre battue. On devait y dégager deux
sépultures et un très beau couvercle en calcaire blanc, à décor
wisigothique, datant du ve siècle.
C'est au milieu de ce siècle que le sol en briquettes
de la première église fut défoncé pour permettre
la mise en place de deux sarcophages et de quelques tombes en tuiles à rebords
posées en bâtière, du type dit "paléochrétien".
Au début du xiie siècle,
les deux constructions furent rebâties en style roman : murs épaissis,
voûtes
en pierres remplaçant les toits en charpente de bois, etc.
Vestiges de l'église Saint-Jean |
Au cours des siècles suivants, d'autres transformations intervinrent, dont l'ajout au xve siècle d'une chapelle latérale contre l'église principale. Celle-ci était dédiée à saint Julien, la chapelle à sainte Anne, la petite église à saint Jean.
Plusieurs événements propres à la Gleizasse ont pu être constatés et datés :
-1581 : arasement des ruines et récupération des matériaux après l'arrivée de Mathieu de Merle, le nouveau baron protestant de Lagorce, seigneur de Salavas.
-1622 (avril) : Inhumation entre les deux églises du baron Hérail de Merle, héritier de Mathieu, qui s'était converti au catholicisme et fut, pour cette raison, tué par ses propres sujets protestants.
-1621-1622 : utilisation des vestiges de Saint-Julien comme étable et installation d'une réserve d'eau dans les ruines.
Outre les églises, les fouilles de la Gieizasse ont permis la mise au jour et l'étude de 250 sépultures s'échelonnant du ve siècle au milieu du xixe siècle, soit sur près de quinze siècles, ainsi que de nombreux objets et débris d'objets : terres cuites, poteries, verre, bijoux, monnaies, le plus émouvant étant certainement la présence en ces lieux de la ferrure d'un bâton de pèlerin dit « bourdon » associée à une coquille Saint-Jacques : ces deux objets ont-ils appartenu à un Salavassien ou à un pèlerin de passage décédé à Salavas ?
Le cimetière paroissial installé dès le xiie siècle près des deux églises a été utilisé jusqu'au xixe siècle.
Pour en savoir plus sur l'histoire du site de la Gleizasse et de ses deux églises, il faut lire l'ouvrage de J. Robert Helmling : Les églises disparues de Salavas, No spécial hors-série de la Revue du Vivarais.
Jean-Pierre Huyon
(Visite de la Sauvegarde, mars 2005)
Le milliaire sud XXX à la Gleizasse |
Comme il est dit ci-dessus, la voie romaine des Helviens (dite aussi d'Antonin le Pieux) traversait
l'Ardèche au gué de Chauvieux, donc au voisinage immédiat de Salavas. R.
Rebuffat* indique que plusieurs milliaires ont été retrouvés à Salavas
ou dans ses environs.
Sur la petite place, au bas du chemin qui conduit aux fouilles de la Gleysasse, on peut
en voir un, probablement d'Antonin, mais tellement usé qu'on ne peut rien y lire.
Dans l'enceinte des fouilles, on a placé le milliaire
sud XXX, trouvé dans les environs.
*Rebuffat (René) et alii, Visite à la voie romaine des Helviens,
Le Teil, Les Amis de Mélas et du Patrimoine, 1994.
- Voir aussi sur le présent site : La
voie romaine des Helviens