Pour suivre le tracé de cette voie, tel qu'il est indiqué ici, on pourra se reporter aux cartes IGN au 1/25 000 , sur lesquelles figurent tous les lieux-dits et les points cotés mentionnés, cartes que l'on pourra aussi retrouver sur le site : www.geoportail.fr
Une voie reliant la cité de Valence à celle
de Nîmes traversait du nord au sud le territoire Helvien, en passant
par sa capitale Alba.
En 145 de notre ère, sous le règne de l'empereur Antonin
le Pieux, elle a été bornée tout au long de son parcours
en Helvie, c'est-à-dire jalonnée de bornes milliaires implantées
tous les mille pas, ce qui correspond exactement à 1478,5 mètres.
C'est pourquoi on l'appelle aussi « la voie d'Antonin le Pieux », bien
que son origine soit certainement bien plus ancienne.
La partie située en territoire Helvien débutait sur
le Rhône un peu au nord de Baix, sans doute au niveau de la rivière
Payre. Elle se poursuivait par Cruas, village
aux alentours duquel on a trouvé pas moins de six
milliaires, Meysse, Rochemaure,
le Teil (Mélas), où elle quittait le Rhône pour
remonter la vallée du Frayol, qu'elle traversait en amont du pont routier
actuel. Le long de la route, on peut voir une copie du milliaire dit « des
Combes »,
dont l'original a été transporté au Centre de Documentation
Archéologique d'Alba. Ce milliaire, trouvé dans le ravin du Frayol,
indique le chiffre de quatre mille pas, soit environ 6 km du centre d'Alba.
La voie passait ensuite à La Pignatelle (Commune d'Aubignas),
puis elle desservait Alba. Cette partie constitue la branche nord de la voie.
D' Alba, la voie se dirigeait vers le nord-ouest en direction de Saint-Jean-le-Centenier,
en passant près de Lestrade, au-dessous de la route actuelle. (« Lestrade » provient
directement du latin strata (via), la route).
De Saint-Jean-le-Centenier, la voie descendait en droite ligne vers la
rivière Claduègne qu'elle traversait à gué. Elle
passait ensuite aux lieux-dits Pisse-en-Boeuf, puis le Palageay et
se retrouvait dans le Devois de Largentelle.
Vue de la cote 309 vers la ferme et le col de Chade. Les flèches indiquent le tracé de la voie romaine. |
D'un carrefour situé à la cote 315,
un chemin moderne se dirige en lacets vers la ferme et le col de Chade (cote
332). La voie romaine allait vers le même point, mais plus directement.
Elle descendait d'abord vers le fond d'un thalweg (ruisseau de Baume
de Bouze) qu'elle franchissait sur un gué formé de deux
soubassements superposés. Elle montait ensuite en ligne droite
jusqu'à un petit col, à la cote 309, puis jusqu'au col
de Chade (cote 332).
Sitôt franchi ce col, on se trouve face à la vallée de l'Auzon,
sur la grande crête de Costeraste. La voie d'Alba à Nîmes
empruntait cette crête, qu'elle suivait pratiquement en ligne droite sur
2,4 km en direction de Saint-Germain.
Mais une autre voie se détachait ici et prenait la direction du nord pour se diriger vers le pays vellave et l'Auvergne. Le carrefour se situait en contrebas du col, à la cote 264. Là, sur une butte marneuse, a été trouvé en 1897 le milliaire Sud X, dit « de Costeraste », qui est conservé au Musée de Saint-Germain-en-Laye. Cette voie, dite « du Massif Central » passait par Mias, contournait l'oppidum de Jastres Nord, descendait vers l'Ardèche par Les Échelettes, remontait en direction d'AUBENAS, puis suivait la vallée de l'Ardèche jusqu'à Pont-de-Labeaume (où un milliaire de Constantin est visible au bord de la route). Elle empruntait ensuite la vallée de la Fontaulière jusqu'à Montpezat, agglomération à partir de laquelle deux itinéraires étaient possibles pour atteindre le Haut Plateau. Il s'agit soit de la côte du Pal, bien connue, soit d'un chemin continuant à suivre la vallée de la Fontaulière, puis passant au Roux et à Lalligier. Elle poursuivait ensuite vers Ruessium (Saint-Paulien), capitale des Vellaves.
La voie sur la crête de Costeraste. On remarque, sur le bord droit, la largeur du soutènement. |
Détail d'un mur de soutènement à deux niveaux. |
Pour en revenir à la voie des Helviens, qui
suit la longue crête de Costeraste, nous avons là un de
ses tronçons les mieux conservés et les plus spectaculaires
qui est encore plus ou moins carrossable. Aux endroits où ils
subsistent, on peut admirer de superbes aménagements : murs
de soutènement à deux étages de pierres imbriquées
aval et amont. Certains de ces murs mesurent encore entre 1,60 m
et 1,70 m de haut.
Vers la fin de l'épine de Costeraste, la voie est brutalement coupée
par la RN 102. Elle continuait vers le sud, entre Auzon et Claduègne,
en dominant la rive gauche de l'Auzon
Au nord-est du village de Saint-Germain, au quartier Le Pont, subsiste
une arche d'un pont, difficile à dater, mais que R. Rebuffat pense être
antique. Ce vestige est actuellement à 200 m. du cours de l'Auzon.
À l'entrée nord de Saint-Germain on trouve le milliaire Sud
XIII, dont l'inscription est devenue pratiquement illisible. Il portait autrefois
une croix en métal qui a été cassée. Il figure depuis
1935 à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Le pont de Saint-Germain |
Cippe dédié à Jupiter, trouvé à Sauveplantade. |
La voie passait ensuite à Sauveplantade, où l'on peut voir dans l'église deux objets antiques, une colonne qui porte une dédicace à l'empereur Aurélien divinisé, DIVO AURELIANO, et une stèle portant une dédicace à Jupiter Optimus Maximus (IOM).
Après Saint-Maurice d'Ardèche, la voie passait au lieu-dit Les Salles, où l'on a retrouvé de nombreux vestiges antiques. C'est là notamment que l'on a découvert au xvie siècle le superbe sarcophage chrétien en marbre blanc dit « de Balazuc ». C'est une œuvre de l'école d'Arles du ive siècle. Après être resté longtemps dans l'église de Saint-Maurice d'Ardèche, il se trouve actuellement au musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon. Un excellent moulage est visible à la mairie de Balazuc.
C'est au sud de Saint-Maurice que devait se trouver le milliaire XVII, enlevé avec deux milliaires de Ruoms sur ordre du syndic du Vivarais en 1780 et perdu lors de l'effondrement du bâtiment des Archives où ils avaient été placés... pour leur sauvegarde.
Sarcophage de Balazuc |
À l'entrée nord de Pradons,
le milliaire Sud n° XX, transformé en calvaire, dit
des Peyrous, orne le terre-plein au carrefour de la D 579 et d'un
chemin qui se dirige vers l'ancienne gare de Pradons et reprend
vraisemblablement l'ancien tracé de la voie. Le milliaire se trouve à peu
près à son emplacement d'origine. À la différence
de celui de Saint-Germain, son inscription reste lisible. La mutilation
consécutive à la pose d'une plaque rappelant le niveau
de l'inondation du 22 septembre 1890 qui oblitère le nombre de
milles n'en est que plus regrettable.
La distance de vingt milles correspond à 29,57 km depuis Alba.
La voie se dirigeait ensuite vers Ruoms. Selon N. Clément (Carte
archéologique, p. 325), elle traversait l'agglomération actuelle.
Trois bornes milliaires trouvées dans ce secteur ont été signalées
au xviiie siècle, mais sont toutes perdues. La connaissance
de leurs emplacements d'origine, donnée particulièrement précieuse
pour permettre de préciser le tracé de la voie, a fait l'objet
de diverses recherches, dernièrement par N. Clément (loc. cit.).
La Croix des Peyrous à Pradons Milliaire Sud XX |
La « Pierre Plantée » à Vagnas Milliaire Sud XXXI |
Poursuivant vers le sud-est, la voie escaladait le Serre de Nicard, passait au
lieu-dit La Croisette en haut de la côte de la Loubière, où N.
Clément pense que se trouvait l'un des milliaires mentionnés au xviiie siècle (XXIV) et d'où R. Rebuffat
a montré qu'elle
descendait par des virages serrés vers la Petite Loubière. Elle
traversait ensuite du nord au sud la plaine de Vallon, en passant entre la Selle
et les Estrades, son tracé suivant approximativement celui du ruisseau
de Paris, puis on peut la voir dans le domaine Le Colombier sous la forme d'un
chemin de terre solide rejoignant le gué de Chauvieux, encore marqué par
un îlot, où elle traversait l'Ardèche.
De l'autre côté de l'Ardèche, on retrouve la trace de la
voie sous la forme d'un « colossal talus » sous le Mas
de Gravier, puis elle se dirige vers Salavas (site de la Gleyzasse,
marqué « Ruines » sur
la carte IGN, à quelques centaines de mètres à l'ouest du
centre du village). Sur ce site a été déposé le milliaire
Sud XXX, dont l'emplacement initial devait se trouver au sud du quartier
Riousset. Un autre milliaire peut être vu sur la place, au début
de la petite calade qui monte à la Gleyzasse ; découvert à l'est
du village, il est tellement usé qu'on n'y voit plus trace d'inscription,
mais R. Rebuffat pense que c'est probablement un milliaire d'Antonin.
En partant du site de la Gleyzasse, la voie continuait sur la colline en passant
par les lieux-dits Le Gour d'Estelle et Vialette, où un tronçon
a été reconnu par R. Rebuffat, puis Rieusset, le Monastier et enfin
le carrefour de la RD 579 et du chemin rural de la Rochette, à 200 m.
au nord de Vagnas. En ce lieu-dit "La Pierre Plantée" se trouve
encore le milliaire sud XXXI, qui sert de support à une belle croix
de pierre moulurée qui daterait de 1717. L'inscription est devenue pratiquement
illisible.
La voie continuait vers le sud, en suivant sans doute approximativement le tracé de
la RD 579, qui devient RD 979 au-delà du Pont de Vagnas qui marque la
limite entre l'Ardèche et le Gard. Le territoire Helvien dépassait
un peu cette limite puisque en 1853, le milliaire XXXIII de la voie d'Antonin
le Pieux a été trouvé à 3 km au sud de Vagnas, probablement à la
cote 204 d'après R. Rebuffat. Il est conservé au musée archéologique
de Nîmes.
Au-delà, la voie se poursuivait naturellement vers Uzès et Nîmes,
mais il ne s'agit plus de la voie des Helviens, puisqu'elle quittait le territoire
de cette cité pour pénétrer dans celui des Volques Arécomiques.
La voie romaine des Helviens ayant été étudiée en détail par René Rebuffat, Directeur de recherches au C.N.R.S., et ses collaborateurs qui ont pu en préciser pratiquement tout le tracé, on trouvera dans les publications de cet auteur de nombreux détails sur le sujet. Des renseignements précieux se trouvent aussi dans les articles de la Carte archéologique relatifs aux différentes communes traversées par la voie.