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SAINT-THOMÉ

Chapelle Saint-Sébastien - Église Saint-Thomas - Le château
Saint-Thomé vue générale

Le village de Saint-Thomé un soir d'orage

En remontant la vallée de l’Escoutay à partir de Viviers, on aperçoit bientôt le village haut perché de Saint-Thomé, admirablement situé sur un promontoire dominant le confluent de trois vallées ; il occupe un site habité de très longue date. Un habitat de plein air du début du Paléolithique supérieur a notamment été découvert dans les années 1980 au lieu dit Bouzil, sur la rive droite de l'Escoutay. Différents témoins d'une occupation à l'époque gallo-romaine ont aussi été retrouvés, notamment une plaque de calcaire fixée depuis le xixe siècle sur la façade de l'église Saint-Thomas, où est inscrite l'épitaphe d'un membre de la tribu Voltinia.

Saint-Thomé - un coin du village Saint-Thomé - un coin du village

Dans le village

La première mention connue de Saint-Thomé se trouve dans la Charta Vetus où figure la transcription de l'acte d'une donation faite, au vie siècle sans doute, par une certaine Yteria1. La donatrice déclare : « J'ai fait édifier au sommet de la montagne des églises en l'honneur de saint Thomas et de saint Sébastien. Je les ai dotées des revenus de tout le territoire qui s'étend jusqu'au fleuve Scotadii (l'Escoutay) et à la villa Cacerdis, je les ai données à Dieu et à saint Vincent ». (C'est à dire à l'évêque de Viviers).
On pense que la villa Cacerdis se trouvait au quartier Chasser, près du hameau des Crottes, actuellement sur la RD 107. On y a trouvé, au xixe siècle, de nombreux vestiges, fragments d'inscriptions et de céramiques antiques.
Il existe toujours une église Saint-Sébastien et une église Saint-Thomas situées au plus haut du village.
Ces églises restent la propriété de l'évêque jusqu'au milieu du xiie siècle, époque où, à l'occasion d'un échange de biens, le chapitre cathédral en reçoit la jouissance. Le précempteur du chapitre devient alors seigneur de Saint-Thomé.

La chapelle Saint-Sébastien

Saint-Thomé - chapelle Saint-Sébastien

Chapelle Saint-Sébastien

Alors que pour l’église Saint-Thomas l’édifice construit au xiie siècle nous est parvenu presque intact, sa voisine, l’ancienne église dite « chapelle Saint-Sébastien », a complètement été défigurée lorque, après avoir été desaffectée au xixe siècle, elle fut transformée en école.
C’était un petit édifice à nef unique terminé par une abside semi-circulaire. Le portail qui s’ouvrait dans le mur méridional a été muré, tandis que de nouvelles ouvertures étaient percées et les murs gouttereaux surhaussés pour permettre l'aménagement d'un étage. Seule l'abside a été épargnée.
Les avis divergent sur la datation de cet édifice. Plusieurs auteurs l'estiment du XIIe siècle2, mais Robert Saint-Jean la considérait comme beaucoup plus ancienne, puisqu'il disait, à l'occasion d'une visite de la Sauvegarde:
« Les fondations des murs, et surtout l'abside, sont manifestement de cette époque [fin du vie ou début du viie siècle]. Ce serait donc une des plus anciennes églises préromanes encore partiellement debout en Vivarais. Les plus sûrs indices d'archaïsme sont, d'une part, l'appareil très grossier de la maçonnerie, constitué de pierres mises en tous sens au lieu de constituer des lits successifs ; et d'autre part, la minuscule fenêtre sise dans l'axe de l'abside, fenêtre dont l'arc en forme de croissant est constitué d'une seule pierre échancrée, avec des incisions radiales simulant les claveaux, forme typiquement préromane que l'on retrouve dans les églises wisigothiques de Catalogne, du Roussillon et même du Languedoc, régions incluses dans le royaume Wisigoth pendant soixante-dix ans et auquel le Vivarais fut rattaché trente-cinq ans. »
Alors, que penser ? On peut remarquer que l’appareillage de la base de l’abside est plus grossier que celui du reste de la construction où les pierres, certes très irrégulières, sont quand même bien disposées en lits successifs. La partie inférieure de l’abside serait-elle plus ancienne et correspondrait-elle seule à la datation de R. Saint-Jean ? Mais, par ailleurs, il est certain que l'arc de la fenêtre de l'abside est d'un style archaïque que l'on retrouve par exemple à l'ancienne église de Saint-Jean-de-Muzols, effectivement considérée comme préromane.

Saint-Thomé Chapelle Saint- Sébastien Saint-Thomé Chapelle Saint- Sébastien Saint-Thomé Chapelle Saint- Sébastien

À gauche, ancien portail roman muré.

Au centre, épitaphe d'un évêque du Ve siècle.

À droite, fenêtre de l'abside.

Sur le mur sud, au-dessus de l'ancien portail roman, aujourd'hui muré et surmonté d'une archivolte en tiers-point, est encastrée une large dalle de marbre blanc portant une longue inscription fragmentaire qui est l'épitaphe d'un évêque du ve siècle, Promotus ou Lucianus.

L'église Saint-Thomas

L'actuelle église Saint-Thomas reste pour l'essentiel un édifice du xiie siècle, malgré les transformations réalisées dans les années 1870.

Vue extérieure

Vue de l'est, l'église présente une silhouette massive, dans laquelle on remarque l'abside semi-circulaire, le transept non saillant dont la croisée est coiffée d'une tour-lanterne à base carrée et le mur d'un des bas-côtés renforcé par de solides contreforts.
La façade occidentale date de 1870 ; à cette occasion, le porche construit au xviiie siècle disparut et fut remplacé par une travée supplémentaire de la nef. Outre l'inscription d'époque gallo-romaine déjà signalée, on a encastré sous la niche de droite qu'occupe la statue de saint Thomas apôtre, une large dalle de marbre blanc, sans doute d'origine antique, de forme trapézoïdale, ayant vraisemblablement servi de linteau à la porte de l'édifice roman, et qui offre, gravée très faiblement, une tête de Christ avec le nimbe crucifère, sculpture datant du xiie siècle.

Vue extérieure Façade occidentale
Remploi dans la façade occidentale

Remploi dans la façade occidentale

Visite intérieure

intérieur de l'église

L'église Saint-Thomas comporte aujourd'hui trois nefs de trois travées, avec un transept non saillant et une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four. Mais on vient de voir que la  travée occidentale de chaque nef ne date que du xixe siècle. La nef centrale est voûtée d'un berceau plein-cintre, renforcé par des arcs doubleaux qui s'interrompent à la naissance de la voûte. Les bas-côtés sont couverts de demi-berceaux. Certains pensent qu'ils sont un peu plus tardifs que la nef. Pour Yves Esquieu4, « C'est possible. Mais l'argument qui a été donné (les fenêtres du vaisseau principal partiellement condamnées par la construction des nefs latérales) ne peut être avancé car la toiture des bas-côtés a été tardivement surélevée. »
Il n'y a pas d'absidioles sur les bras du transept qui sont, pour leur part, couverts d'un berceau légèrement brisé.

Cette église présente deux éléments particulièrement intéressants, une abside à niches et, sur la croisée du transept, une coupole parfaitement appareillée, de plan circulaire et non octogonal, contrairement à ce qui se rencontre en général dans la région. Celle-ci est bâtie, nous fait remarquer Yves Esquieu (ibid), « sur de petites trompes d'angles, très proches de pendentifs. »
La présence de cinq niches semi-circulaires creusées dans le mur de l'abside constitue une disposition assez rare, que l'on considère comme héritée du premier art roman méridional. On la retrouve dans quelques autres édifices du Bas-Vivarais : église de Ruoms, ancienne église Saint-Jean-Baptiste de Meysse, chapelle Saint-Sulpice de Trignan, chapelle octogonale de Mélas, ainsi qu'à l'ancienne contre-abside de l'église Saint-Andéol de Bourg. Comme à Mélas, ces niches sont ici séparées par des colonnes engagées couronnées de chapiteaux très simples. Souvent elles reposent sur un mur bahut, qui ici a peut-être été enfoui, car on remarque que le chœur est surélevé par rapport à la nef.

Église Saint-Thomas, l'abside et la coupole sur la croisée du transept

Église Saint-Thomas - L'abside et la coupole sur la croisée du transept

église Saint-Thomas, la coupole de la croisée du transept

On remarque que la coupole est de plan circulaire et non octogonal, comme c'est généralement le cas dans la région.

église Saint-Thomas, mur de l'abside creusé de niches

L'abside est décorée de niches creusées dans le mur

Paul Bousquet

Le château

Chastelas

Le Chastelas

Les voitures garées dans un champ à l’entrée du village, le groupe pénètre dans ce qui reste de son enceinte médiévale par la petite place du Portail, aujourd’hui disparu, et se dirige vers le château en passant sous la maison du Chastelas qui a été résidence des chanoines précempteurs (responsables de la manécanterie) du chapitre de Viviers ; la coseigneurie du village par le chapitre de Viviers est attestée depuis la fin du xiiie siècle. Cette maison possède une très pure fenêtre géminée qui lui a valu d’être inscrite à l’inventaire des monuments historiques.
Dans la cour du château, après un mot d’accueil au nom du maire, absent de Saint-Thomé, par Françoise de Beaulieu, adjointe, Jacques-Louis de Beaulieu donne un bref historique. Il souligne d’abord la position exceptionnelle du village sur un éperon barré dominant la confluence de l’Escoutay, du Dardaillon et de la Nègue. Les archives du village ayant été brûlées dans cette cour en 1793, on ne sait pas grand-chose, notamment sur les dates de construction des principaux édifices. En 1499, le château appartient à la puissante famille ardéchoise des Vesc. En 1648, la dernière représentante du nom, Françoise de Vesc, épouse Guillaume de Hautefort de Lestrange, qui fut condamné à mort pour avoir pris le parti de la Ligue contre Louis XIII ; Françoise de Vesc se remarie en 1660 avec Charles de La Garde de Chambonas dont le petit-fils vendra en 1777 la seigneurie et le château à Jacques de Mercoyrol de Beaulieu, maréchal des camps originaire de Viviers.

 

le château

Le château

La façade montre le caractère hybride de la bâtisse.
À l’ouest a d’abord existé un donjon médiéval (xiiie siècle) contre lequel s’est appuyée une construction plus récente avec ses deux hautes tours regardant Viviers et dans laquelle s’ouvre une porte en plein cintre autrefois équipée d’un pont levis surmonté d’un blason martelé à la Révolution. Le caractère encore très militaire de cet ensemble suggère une construction pendant les guerres de Religion (par Nicolas de Vesc ?) dans la deuxième moitié du xvie siècle, car Saint-Thomé constituait une position de repli pour Viviers en cas d’attaque par des troupes protestantes. Cependant les fenêtres à meneaux et traverses non chanfreinés évoquent plutôt le xviie siècle. En tout cas, la construction est antérieure à 1634-1635, date du démantèlement des remparts du village et de l’écrêtage du château dont la partie supérieure perd ses structures défensives. Lors de l’achat du bâtiment par Jacques de Mercoyrol, ce dernier modifiera l’intérieur mais aussi supprimera les traverses des fenêtres pour obtenir plus de lumière, ce qui est assez disgracieux.
On entre ensuite par petits groupes dans le château pour voir le hall avec son escalier à deux volées parallèles et palier intermédiaire. À droite, la porte en plein cintre de l’ancien édifice médiéval s’ouvre sur des caves aveugles ; à gauche se trouve l’ancienne cuisine avec une très vaste cheminée à manteau segmentaire à crossettes. À l’étage, changement d’atmosphère, car Jacques de Mercoyrol l’a aménagé dans le goût du xviiisiècle, avec des gypseries et, dans le salon, un papier peint qui a mérité une inscription à l’inventaire des monuments historiques. On accède à une terrasse suspendue couverte donnant une belle vue vers le sud.
La tradition orale dit qu’elle aurait été construite par les chanoines de Viviers au xviie siècle pendant une période d’abandon du château par les Chambonas.
À côté de la présentation du château et de son architecture, une exposition, préparée à l’occasion des journées du patrimoine, a évoqué les itinéraires du soldat Jacques de Mercoyrol de Beaulieu et ses campagnes avec le régiment de Picardie pendant les guerres de succession d’Autriche et de Sept Ans et enfin pendant l’occupation de la Corse, dont il a consigné les souvenirs dans deux ouvrages assez alertes. C’était indubitablement un excellent militaire car les représentants de la petite noblesse provinciale n’avaient que très exceptionnellement accès au grade de maréchal des camps.

Jacques-Louis de Beaulieu
(Visite de la Sauvegarde avril 2012)

Notes

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