Château de Tournon |
La Sauvegarde s'était rendue à Tournon en août 2003 à l'occasion de sa sortie annuelle avec l'Amicale des Ardéchois à Paris ; le compte rendu de cette visite avait été rédigé par Michel Carlat, Michel Faure et Juliette Thiébaud.
Elle y est retournée le 13 avril 2013 pour son assemblée générale annuelle et le 3 août 2017, à nouveau avec l'Amicale des Ardéchois à Paris.
Le présent texte reprend essentiellement l'ensemble des comptes rendus de ces visites, auxquels nous avons ajouté un complément, dû à Christiane Bernard, sur les remplois romans encastrés dans la façade de l'église Saint-Julien.
Du quai Farconnet, face à l'ancien hôtel de la Tourette, on peut admirer le mur Renaissance du château de Tournon, édifice méconnu et, oh combien ! intéressant. Construit par Claude de la Tour-Turenne, veuve de Just II, baron de Tournon et comte de Roussillon, mort en 1563, il est visiblement le point d'orgue d'un grand dessein des Tournon porté par le Cardinal et relayé après sa mort par l'énergique usufruitière de sa Maison. Ce mur résulte d'un projet de Serlio inspiré de celui de l'Hôtel de Ferrare de Fontainebleau, exécuté par un autre architecte, sans doute Jean Vallet, à l'époque architecte des Tournon, dont on retrouve la trace au château de Roussillon (Isère) et au collège de Tournon. Cette façade monumentale de 80 mètres de long, flanquée initialement de deux grosses tours rondes, au mur ajouré masquant les écuries, était dotée d'une entrée principale regardant l'ancienne porte du Rhône et formant une première enceinte étonnante. On y devine encore les restes importants de l'encadrement à bossage de la porte charretière et de la poterne donnant jadis sur l'ancienne place du Manège. On y distingue les traces d'un pont-levis et de sa herse. À droite de cette entrée, seule reste aujourd'hui une partie du grand mur de clôture aux belles ouvertures jumelées surmontées d'une alternance régulière de frontons courbes et triangulaires brisés à leur sommet. Dans un délabrement tragique, ces vestiges uniques demandent une indispensable restauration menée conjointement avec un classement au titre des Monuments Historiques.
Demeure des comtes de Tournon jusqu’en
1644, ce haut lieu historique
ardéchois est devenu
officiellement une prison
entre 1809 et 1926, un
musée en 1928 et demeura
le siège du tribunal
d’instance jusqu’en 2010.
Le musée revendique une
double origine. En effet, un
musée régional est fondé en
1913 par la Société
Régionale des Amis des
Arts. Ce premier musée
« devait réunir tout ce qui,
depuis les temps les plus
lointains jusqu’à nos jours,
peut donner une idée de la vie régionale »1 et fut installé
en 1918 au lycée de Tournon. Le 6 mai 1928 est inauguré
un « musée du Rhône » par Gustave Toursier, président de
l’Union Générale des Rhodaniens, dans la chapelle du
château.
Ainsi, bien qu’initialement consacrées au Rhône et au
patrimoine régional, les collections du musée se sont
progressivement enrichies grâce à des dons et legs.
L’intérêt, l’originalité, l’inscription du musée dans un site
historique contribuent à faire de ce musée un ensemble de
qualité labellisé « Musée de France ».
Au début des années 80, Juliette Thiébaud, conservatrice
bénévole du musée jusqu’en 1999, réorganise les
collections et dessine les grands traits de la muséographie
actuelle. Le premier étage est consacré à l’histoire du
château et de ses habitants, tandis que le second est dévolu
au musée avec une déclinaison par thèmes : les salles
rhodaniennes d’abord, la salle de la batellerie sur le Rhône,
la salle Marc Seguin, la salle des peintures du Rhône
ouverte en 2009. Puis viennent les salles mettant en avant
le patrimoine régional, Charles Forot et Marcel Gimond.
Pièce incontournable de la visite, le château-musée abrite
depuis 1996 un remarquable triptyque du xvie siècle.
Giovanni Capassini est un peintre né à Florence et mort
vers 15792. Formé à Florence, élève d’Andrea del Sarto et
de Raffaello da Brescia, influencé par Rome et les peintres
français, il serait arrivé en France vers 1540 en tant que « peintre de Monseigneur le Révérendissime Cardinal de
Tournon ». Le triptyque, son œuvre maîtresse, constitue
une synthèse de ces différentes influences.
Le panneau central est daté de 1555, ce qui correspond à
la date du retour du Cardinal en France après huit années
passées à Rome. Il a été commandé par ce dernier pour être présenté aux élèves dans la chapelle du collège de
Tournon, l’un des plus anciens collèges de France (1536).
Le triptyque de Tournon (Cliché musée de Tournon) |
Le tableau est d’un format singulier, c’est un triptyque à
volets fermants dont les revers sont peints en grisaille et
arrondi au centre. Une tricéphale ornait initialement la partie
supérieure cintrée. On retrouve les couleurs, les drapés
et les attitudes typiques du maniérisme florentin. Les scènes
peintes sont enrichies
d’un cartouche
dans lequel apparaît
une citation. Du point
de vue iconographique,
le thème du
panneau central est la
Résurrection du
Christ ; le Christ vainc
la mort symbolisée par
un squelette en train
de choir, tandis que
des soldats endormis
se réveillent. Sur le
volet droit figure la
scène du Noli me tangere,
Marie-Madeleine
est agenouillée au pied du Christ en jardinier. Le cardinal
de Tournon, en tant que commanditaire, est peint de profil
avec à ses pieds un petit chien. Au revers figure l’ange
de la Résurrection en grisaille, assis sur une pierre tombale,
les ailes déployées, il s’adresse aux Saintes Femmes. Ces
dernières apparaissent sur le volet gauche tandis qu’à
l’avers figure la scène des Pèlerins d’Emmaüs où le Christ
attablé découpe le pain.
Il est plutôt rare que les retables soient conservés en entier
et dans leur lieu d’origine. À Tournon, il était convenu que
le volet gauche avait disparu dans l’incendie qui toucha le
collège en 1714. Au milieu des années 1980, menant des
recherches dans le cadre d’une exposition à venir dans les
musées de Marseille sur la peinture en Provence au xvie siècle, la conservatrice Marie-Paule Vial parvient à localiser
le panneau manquant. En comparant la description du
triptyque avant son démembrement donnée par le peintre
tournonais Pierre-Paul Sevin3 à un tableau attribué à
Ridolfo Ghirlandaio tout juste entré au Louvre par don en
1980, elle parvient à reconstituer le triptyque. Le tableau est
présenté une première fois dans son ensemble en 1990
dans l’exposition Polyptiques du Louvre. En 1995, Juliette
Thiébaud souhaite pouvoir réunir les trois panneaux au
château de Tournon. Elle obtient du musée du Louvre et
du lycée Gabriel Faure des dépôts et effectue des travaux
d’aménagement dans la chapelle Saint-Vincent.
La ville de Tournon héberge ainsi deux tableaux du
peintre, le second, également sur le thème de la
Résurrection, est visible à l’église Saint-Julien et date de 1576.
Aurélie Laruelle
Chargée du Patrimoine de Tournon-sur-Rhône (pour la présentation du musée et du triptyque)
Château-musée de Tournon
14 place Auguste Faure 07300 TOURNON-SUR-RHÔNE
04 75 08 10 30
www.ville-tournon.com/chateau-musee
Ouverture du 20 mars au 10 novembre
C'est, après le château, le plus ancien monument de la ville. La plus ancienne trace de l'église remonte au xiie siècle. Il en reste quelques vestiges à la base du clocher, ainsi que des remplois dans la façade. Elle était déjà dédiée à saint Julien de Brioude. Construite au pied du rocher du château, elle était entourée primitivement du cimetière.
Église Saint-Julien |
Mais en 1316, le 16 juin, un acte de l'évêque de Valence
dont elle dépendait alors érige l'église Saint-Julien,
jusque-là desservie par un prêtre recteur, en une collégiale
de sept chanoines. La principale cause invoquée pour cette
multiplication des desservants est l'abondance de la
population. Ils auront la charge de prier aux heures
« canoniales » en cette église. Le collège de chanoines dut
être fondé une seconde fois en 1441, suite à certains abus.
Toutefois, il semble bien que la date de 1316 soit aussi à peu
près le début de la construction de l'édifice actuel, très vaste
avec 61 mètres de long et 21 de large,
une des rares églises gothiques en
Ardèche.
Cette église a été construite en
commençant par le chœur, dans la
première moitié du xive siècle. Le
chevet est divisé en trois parties, un
chœur oblong terminé par un mur plat
percé d’une grande baie et couvert d’une
voûte sexpartite, accosté de deux
chapelles orientées carrées voûtées sur
croisées d’ogives simples, de style
gothique rayonnant. Puis on a
construit la nef, aux frais des habitants,
de 1348 à 1418 environ. Elle se
présente sous la forme d’une immense
halle de 44 mètres de long, divisée en
trois vaisseaux par des arcades
longitudinales. Enfin la façade a été
élevée, de 1440 à 1496, percée d’une
baie flamboyante dessinée en 1488, en
terminant par le clocher, où l'on a
posé une cloche fondue en 1486 et qui est une des plus
anciennes de la région. Du point de vue architectural, le
contraste entre la nef et le chevet est très net. Les parties
orientales, voûtées, à plan compartimenté, suivent un
modèle emprunté aux églises cisterciennes, avec ses
chapelles échelonnées en profondeur et carrées. La nef au
contraire, couverte seulement d’une charpente de bois et
avec ses arcades très larges, évoque l’architecture des
ordres mendiants, dominicains et franciscains. On retrouve
surtout dans l'espace ouvert de la nef-halle de Saint-Julien
la tendance vers une église orientée vers la prédication, la
primauté de la parole auprès du public éduqué des villes, le
sentiment de communauté qui rassemble les habitants de la
cité. Les matériaux sont locaux : granite de Tournon,
molasse du Dauphiné, chaux de Châteaubourg et sable des
bords du Doux et du Rhône.
Enfin, autre particularité, des maisons ont été construites
contre l'église, en obstruant ses fenêtres, à la suite de la
démolition de chapelles latérales en 1792 et de la vente de
leurs parcelles.
Peinture murale de la chapelle du sépulcre |
Peinture murale de la chapelle du sépulcre - Détail |
Parmi elles, on remarque
d'abord les peintures
murales de la chapelle
du sépulcre située au
flanc nord, fin xve -
début xvie siècle, offertes
par Thomas Arnier,
bourgeois de Tournon,
en 1509, et que la ville
aujourd’hui a décidé de
restaurer. Ces peintures
constituent un cycle de
la Passion. La partie la
mieux conservée est la
représentation de la
Crucifixion. La multiplicité
des personnages et la disposition de l'ensemble sont
remarquables, cumulant les scènes des évangiles et des personnages
allégoriques ou légendaires. On y admire aussi le
thème rare de la fresque évoquant l'Humanité souffrante
aidant le Christ à porter la croix, inspiré d'un poème du roi
René d'Anjou. Derrière Jésus, un paysan, un prisonnier, un
pèlerin, une veuve, un orphelin et quatre religieux mendiants
l'aident à porter une très longue croix. Il y a lieu
d'observer ces peintures de deux points de vue : d'une part
leur histoire, le lieu dans lequel elles ont été réalisées, leur
fonction dans le culte et la spiritualité de l'époque qui s'explicite
par leur iconographie ; et d'autre part leur valeur
sensible car leur richesse de couleur, l'expressivité, la variété
des personnages figurés nous touchent encore aujourd'hui.
Dans la chapelle des morts, où avait été déposé le corps du
dauphin François, de 1536 à 1547, Pierre-Paul Sevin, peintre
tournonais du xviie siècle, a peint des fresques avec la mort
sur un sarcophage. Des tableaux anciens de l'école italienne
sont de grande valeur : le triptyque de la Vie de la Vierge,
attribuable à Gandolfino d'Asti (vers 1520), la Résurrection
du Christ, de 1576, par Jean Capassin, peintre florentin
établi à Tournon à la demande du cardinal François de
Tournon. Deux tableaux de l'école maniériste (début du
xviie siècle) : l'Annonciation, de Jean Mosnier et la très belle
Adoration des bergers, traitée en clair-obscur, sans doute
due au célèbre artiste lorrain Jacques de Bellange.
Triptyque de la vie de la Vierge de Gandolfino d'Asti |
Des tableaux de grands maîtres du xviie siècle proviennent
du couvent des capucins : Guy François, originaire du Puy-en-Velay, dont la Présentation au Temple, de 1645,
témoigne de son talent, d'un sentiment très intériorisé des
personnages et un rendu d'une grande vérité.
La Vierge en gloire, d'Horace Le Blanc, peintre de la ville de
Lyon, est un chef-d'œuvre de la peinture baroque.
Dans la chapelle du Saint-Sacrement à gauche, se trouve un
intéressant tableau de Pierre-Paul Sevin, Notre-Dame du
Rosaire.
Une série de trois tableaux de Claude Robèque, datés de
1700, représente la Passion et provient d'une série
initialement placée au couvent des sœurs de Notre-Dame.
Nous avons admiré aussi
de belles sculptures sur
bois, telles celles
représentant les pères
fondateurs des carmes,
saint Albert et saint Ange
(xviie siècle), ou des anges
et des saints en bois doré
du xviiie siècle.
Les vitraux ont été refaits
après la Seconde Guerre
mondiale, sur des cartons
de Théodore Hanssen et
exécutés par l'atelier
Thomas de Valence. Le
grand vitrail axial du
chœur représente les
sept sacrements.
En conclusion, cette église dont la construction remonte au
Moyen-Âge, est restée à tout moment un point central de la
vie de la ville de Tournon et reflète par sa longue histoire
les différentes époques qui ont contribué à son
ornementation et en ont fait en outre un véritable musée
d'œuvres d'art.
Georges Fréchet
La collégiale Saint-Julien aurait été construite sur l'emplacement d'un temple romain. De l'église romane qui a précédé l'actuel édifice gothique, il ne reste que très peu de chose : appareillage de base du clocher et trois remplois dans la façade :
Les cinq maisons encastrées dans les murs de l'église et qui ont remplacé les chapelles à la Révolution donnent un aspect très inhabituel à cette église.
Les trois remplois dans la façade de l'église
Christiane Bernard (texte et photos)
Chapelle du lycée (Cliché D. de Brion) |
Au milieu du xvie siècle, la chapelle du cardinal François
de Tournon est en très mauvais état, comme sans doute
une partie de l'établissement. Les jésuites utilisent une
salle basse du collège pour leurs offices, salle érigée en
chapelle par Mme de Tournon en 1574.
Il faut penser à une nouvelle construction. Just-Louis de
Tournon promet d'aider les jésuites dans leur projet. Il fait
même un plan en 1606. Mais les plans furent nombreux,
transformés, aménagés. Toutefois le point le plus
important était de trouver une surface suffisante pour ériger une grande église « proportionnée à la
magnificence du collège ».
Il fut décidé de supprimer le rempart à cet endroit et
d'utiliser le jardin. Une première tranchée fut ouverte en
1673. M. de Ventadour adhéra au projet. Les habitants
furent invités à participer de leurs deniers à la
construction.
La pose de la première pierre par l'évêque de Valence fut
annoncée par les cloches de la ville et les canons du
château.
L'ancienne rue des Cordiers fut modifiée. Une partie
déplacée prit plus tard le nom de rue du 14 juillet. Au
cours des travaux des tilleuls furent plantés sur l'avenue
de Mauves. Les digues furent exhaussées.
En 1676, les maîtres-maçons Robert et Pierre Sauvat
construisent les fondations des murs extérieurs et les
piliers. En 1681, une partie du bâtiment est terminée. Mais
les travaux sont interrompus à la suite de troubles dans la
ville, d'inondations qui ont compromis la construction, de
fièvres et de la pauvreté consécutive à tous ces facteurs.
Enfin, au début du xviiie siècle, en moins de trois ans, on
atteint les voûtes. En 1707, la balustrade de la Sainte
Table est posée ainsi que les degrés de l'autel et le pavé.
Le toit est terminé et le clocher édifié en 1713. Il ne reste
plus qu'à embellir la chapelle.
Malheureusement, le 3 avril 1714 vers 9 h du soir, un
tragique incendie ravageait le collège. Un vrai désastre !
Impossible d'arrêter le feu. Les chanoines Payen et
Moreau concentrèrent leurs efforts avec succès... Elle
venait d'être inaugurée et renfermait les seules œuvres
d'art qui furent sauvées.
Juliette Thiébaud
Construite à la fin du xviie siècle, la chapelle du lycée Gabriel Faure est par sa conception plus proche des réalisations du début du siècle : une nef unique à chapelles latérales. Les plans en ont été vraisemblablement dessinés par l’architecte lyonnais Étienne Martellange, jésuite qui à 17 ans était parti à Rome étudier l’architecture antique dont il se serait inspiré ici.
Le maître-autel (Cliché D. de Brion) |
La nef est fermée par un chœur à abside semi-circulaire,
avec sacristies sur les côtés. Le maître-autel de belle
facture n’était pas accolé au mur du fond, ce qui laissait
un passage entre les sacristies latérales.
Une belle chaire en bois est située contre un des piliers
du côté nord de la nef.
Les tribunes à l’étage ne sont accessibles que par la
galerie du bâtiment des régents. La tribune de droite se
rejoint par un passage couvrant l’entrée et sur lequel est
placé un petit orgue. La nef est couverte par voûte
d’arêtes.
La façade de la chapelle s’élève perpendiculairement à
celle du collège dans le jardin aménagé en 1870. La travée
centrale plutôt étroite encadre l’entrée en plein cintre
avec une magnifique porte à panneaux de bois. Un décor
sculpté dans la pierre rappelle aux fidèles la lumière
apportée par la foi chrétienne. Deux niches vides
accompagnent latéralement cet ensemble. À l’étage une
Vierge à l’Enfant est placée dans une niche au-dessus de
laquelle un grand oculus donne la lumière. Au niveau des
tribunes, deux ouvertures d’éclairage sont posées
directement sur la corniche. L’ensemble de cette façade
est rapporté et non composé avec le bâtiment.
Est-elle d’Étienne Martellange ?
Façade du lycée |
Dominique de Brion
d’après un texte de Guy Morel architecte DPLG
Lorsqu’il pénètre dans cette pièce aux murs couverts de vitrines en noyer emplies de livres, le visiteur est saisi d’admiration par la richesse du lieu.
La bibliothèque historique fut encore plus prestigieuse
lorsque le cardinal François de Tournon légua tous ses
ouvrages et tableaux au Collège Royal qu’il avait fondé en
1536. La « librairie » du collège est citée pour la première
fois en 1556 et Pierre-Paul Sevin, peintre tournonais, note à la fin du xviie siècle que des œuvres du Titien
(rapportées par le Cardinal de ses multiples voyages en
Italie) étaient exposées dans la bibliothèque.
Malheureusement le 3 avril 1714 un incendie détruisit
pratiquement l’établissement : livres et peintures partirent
en fumée. Un volume dans une vitrine témoigne des
ravages du feu qui dura trois jours. Il ne reste qu’un
nombre limité de
documents antérieurs
au sinistre, environ
270. Parmi les
volumes qui furent
sauvés des flammes,
de l’eau et du pillage,
valent la peine d’être
mentionnés : la
Grammaire de Jehan
Pelisson de 1544,
l’ouvrage de Pierre
Lombard datant de
1535, les livres
imprimés à Tournon
au xviie siècle, que ce
soit dans les ateliers
de G. Linocier, de Cl.
Michel, H. Cardon, A.
Pichon, ou L. Durand.
Après le désastre, les jésuites, jusqu’à leur départ en 1763,
les oratoriens ensuite, essayèrent de reconstituer la
bibliothèque avec l’aide des couvents des carmes, des
capucins et de l’Oratoire.
Quelques instruments pédagogiques : milliampèremètre, voltmètre, pile de Volta, boîte de résistances, lanterne magique. (Cliché D. de Brion) |
C’était sans compter le deuxième évènement en 1888 : en
effet cette année-là vit la création de la faculté des Lettres
de Lyon, quai Claude Bernard. Sur ordre du ministre de
l’Instruction publique d’alors, 3 000 ouvrages de la
bibliothèque furent réquisitionnés. Dans un article du 28
juin 1888, Louis Gallix relate l’émoi de la population
lorsque les Tournonais apprirent le « projet d’enlèvement »
du « précieux diamant dont le lycée est l’écrin ».
Les ouvrages soustraits font désormais partie des fonds
patrimoniaux de la Bibliothèque Inter-Universitaire Denis
Diderot (BIU) de Lyon et sont disponibles pour les
chercheurs. Un conservateur est attaché à ce département
et veille à leur rénovation.
En dépit des vicissitudes de l’Histoire, la bibliothèque
compte actuellement 9 957 titres, ce qui représente près
de 12 000 livres ou revues. L’association « Sauvegarde du
Patrimoine du Lycée Gabriel Faure » a assuré le nettoyage
des ouvrages et le dernier inventaire qui a nécessité six
années de travail. La saisie informatique facilite
maintenant la tâche des chercheurs potentiels qui désirent
consulter des œuvres spécifiques puisque l’inventaire a été communiqué à la BIU de Lyon.
Quelques livres ou collections attirent particulièrement
les visiteurs, qu’ils soient jeunes collégiens, lycéens ou
adultes. Ce sont principalement l’Encyclopédie de
Diderot et d’Alembert (édition Pellet de Genève,
Lausanne, Neuchâtel de 1777 à 1779), la Description de
l’Egypte (1809 à 1822). Les 14 volumes de cette œuvre
prestigieuse sont désormais rangés dans un très beau
meuble bibliothèque et pourront plus aisément être mis
en valeur sur un lutrin intégré. Le 18 avril dernier,
l’association a pu remercier les 74 donateurs sans lesquels
cette réalisation n’aurait pu voir le jour.
Et que dire des gravures du Voyage en Perse de Coste et
Flandin, du dictionnaire chinois-latin-français, des
manuels imprimés en hébreu, syriaque, sanskrit… ou des
manuscrits de musique ?
D’autres curiosités figurent aux côtés des livres : les
instruments pédagogiques. Le plus étonnant est la lunette
astronomique de Carochez, opticien de Monsieur, frère
du roi Louis XVI.
Toutefois le télescope, la lanterne magique, la machine
d’Atwood, la pile Volta, la machine de Ramsden et le petit
orgue portatif présentent aussi beaucoup d’intérêt à
l’heure actuelle, témoins de l’enseignement riche et varié
délivré dans l’établissement.
Christiane Thomas
secrétaire de l’association « Sauvegarde du patrimoine du lycée Gabriel Faure »
Lors de la venue de la Sauvegarde à Tournon, Paul
Barbary, adjoint à la Culture de la ville, a pu rendre
compte aux participants des intéressantes découvertes
archéologiques réalisées lors de la campagne de fouilles
préventives à la construction d’un parking souterrain
sous la place Jean-Jaurès (autrefois place des Graviers).
Certes les résultats de ces fouilles ne sont pas
spectaculaires pour les non initiés comme nous avons pu
nous en rendre compte sur place, mais elles ont un interêt
historique considérable : c’est ce qu’a voulu présenter
Paul Barbary à l’auditoire.
Ainsi, lors de ces fouilles, plusieurs phases d'occupation
remontant au premier Âge du fer ont pu être identifiées.
Ce site se développe au pied d’un affleurement rocheux
repéré dans la partie ouest de l’emprise de fouille : les
vestiges sont constitués de nombreux creusements,
fosses, trous de poteaux... ; certains alignements
semblent correspondre à des enclos, d’autres pourraient
appartenir à des bâtiments, parfois adossés au rocher.
Parmi les objets mis au jour, des céramiques communes
de production locale, mais surtout des éléments
d’importation provenant de la basse vallée du Rhône et
du monde méditerranéen... ; elles témoignent des échanges le long de l’axe rhodanien. La présence de
nombreux éléments métalliques, fibule, fragments de
bracelets, épingles, tiges... confèrent à ce site un grand
intérêt car ce sont des objets caractéristiques de la
période de transition entre le premier et le second Âge
du fer.
La découverte d’une petite forge associée à des fragments
de nombreux objets en bronze, fragments de tôles de
bronze découpés... permettent de supposer l’existence
sur place d’un atelier de production métallurgique qui
pourrait avoir produit au cours du ve siècle av. J.-C. des éléments de parures parmi lesquels fibules et bracelets.
Dominique de Brion
Texte réalisé à partir du document de présentation conçu par ARCHEODUNUM (société d’investigation archéologique, opérateur de ce chantier).
Chantier effectué sous la direction du service régional de l’archéologie (DRAC Rhône-Alpes).
À voir également : Sur les traces des anciens hôtels particuliers de Tournon-sur-Rhône