Dans le village de Vanosc, situé à une quinzaine de
kilomètres à l'ouest d'Annonay, un espace
muséal retrace la vie et l'œuvre de Joseph Besset
qui est le fondateur de l'usine d'autocars Irisbus (Iveco-Bus actuellement). Comment ce fils de paysan
est-il devenu un constructeur d'autobus et de cars ?
Joseph Besset naît à Vanosc, en 1890, dans une famille
nombreuse qui vit, comme la plupart des vanoscois de
l'époque, des ressources de la terre dans un monde
dominé par la traction animale. Sa scolarité, à l'école des
Frères Maristes de Vanosc, sera heurtée car, à cette époque, un enfant c'est avant tout des bras pour aider les
parents aux travaux de la ferme. À quinze ans, sur sa
demande, il entre comme apprenti chez un charron du
village, Alphonse Landy. Avec un tel maître, il va
apprendre le métier, c'est-à-dire le travail du bois et du
fer, matériaux essentiels dans la construction d'une
charrette, d'un tombereau, voire d'une charrue... et donc
de tout ce qui roule à cette époque.
À l'issue de ces dix-huit mois d'apprentissage, il quitte le
Vivarais pour entamer un tour de France suivant les
habitudes de l'époque. On repère sa trace à Paris, Rouen
et même Londres ! Arrêtons-nous un instant sur ce jeune
(il a alors dix-huit ans) qui n'a pas appris l'anglais et qui
doit parler un français mêlé de patois et qui va travailler
aux « Carrosseries Royales » de sa Gracieuse Majesté ! Cela
dénote déjà une volonté et un esprit de découverte hors
du commun.
Reconstitution d'un atelier de charronnage |
En 1910, revenu au pays, il accomplit son service militaire
au Maroc et, à son retour en 1913, il ouvre un atelier de
charron à Annonay près du Champ de Mars où il
construit ou répare les engins des paysans du coin.
Malheureusement, 1914, la guerre commence ; mobilisé,
il doit cesser ses activités. Il ne les reprendra qu'en 1919. À cette date, pressentant la fin des activités du métier de
charron, il se lance dans la carrosserie automobile.
Pourquoi ?
D'une part parce que la guerre avait donné un
coup d'accélérateur formidable au moteur à explosion et
la voiture automobile commençait doucement à se
démocratiser. Sa construction, à l'époque, était la
suivante : le client achetait un moteur monté sur deux
longerons, le tout sur quatre roues ; transmissions, freins,
directions étaient fonctionnels. On emmenait cet
ensemble chez un carrossier et on décidait avec lui de la
suite à donner : conduite intérieure ou décapotable,
coffre à bagages, marchepieds... C'était du travail à façon.
Le carrossier montait sur les longerons un bâti en bois,
puis habillait le tout avec les tôles. Travail du bois et du
métal : c'est un travail de charron. Il est donc normal que
les charrons deviennent carrossiers et beaucoup ont suivi
cette voie. C'est ainsi qu'en 1920, il sort sa première
voiture, un moteur Rolland Pilain, carrossée Besset : les
carrosseries du même nom sont nées. L'entreprise est
prospère, à tel point qu'un agrandissement de l'atelier
s'avère nécessaire : il achète des terrains agricoles à la
sortie est d'Annonay et construit de vastes bâtiments...
qui sont toujours debout en 2013, mais sous l'étiquette
Irisbus.
Vers 1930, il anticipe le destin de son métier qui ne
survivra pas à la construction en série des automobiles
(toutes semblables) en se spécialisant dans la carrosserie
de cars. Pourquoi ? Parce que le car reste et restera
longtemps un produit construit sur la technique du
moteur châssis avec un habillage décidé par le
transporteur. De ses ateliers sortiront des autocars
carrossés sur des châssis Saurer, Delahaye, Citroën,
Panhard...
En 1936, interpellé par les résultats du « travail à la chaine » aux usines Ford à Detroit (USA), il décide d'aller les
voir sur place. Là aussi il faut une certaine dose de courage
pour ce fils de paysan, pour entreprendre un tel
voyage à cette époque. Là-bas, il est intéressé par le système
de construction des autocars chez Garwood, un
sous-traitant de Ford. Au lieu d'acheter un moteur fixé sur
deux longerons sur lesquels on monte la carrosserie, on
construit une structure en tube métallique dessinant la
forme du véhicule. Il ne reste qu'à plaquer les tôles sur
cette structure autoportante, solution déjà appliquée avec
succès dans l'industrie aéronautique. Le moteur trouve
naturellement sa place à l'arrière : le chauffeur n'est plus
gêné par le long capot moteur et la direction devient plus
souple car le poids sur les roues avant est plus faible. Il
achète le brevet
sur le champ et
revenu en France,
il présente son
premier car « Isobloc » au Salon
de Paris de 1938.
C'est l'apparition
du premier autocar
moderne. La
guerre va évidemment
ralentir ses
activités, mais dès
la Libération, il va
bénéficier de la
formidable envolée
des « trente
glorieuses ». Dès
1946, sortiront des
usines d'Annonay
plus de dix cars par jour. C'est le début du succès pour
cet industriel venu du monde paysan. L'Isobloc sera constamment
amélioré et construit jusqu'au début des années
1960.
1945 - 1950 seront les grandes années de cet industriel.
Malheureusement en 1951 des difficultés financières,
aggravées par une commande argentine mal négociée,
obligent Joseph Besset à déposer son bilan. L'entreprise
sera reprise par Sylvain
Floirat, un périgourdin,
self-made-man comme
lui, qui lui donnera le
nom de Société
Annonéenne de
Construction Automobile
(SACA), avant de la
revendre à la Saviem en
1958. Ce sera, là aussi,
une grande époque avec
près de 3 000 ouvriers et
la sortie du S45, autocar
passe-partout et de
l'autobus SC 10. Dans les
années 1980, Renault
devient propriétaire de
l'usine qui s'appellera par la suite Irisbus suite à une
alliance avec Iveco, filiale de Fiat. Finalement en 2003,
Renault délaisse la branche autocar et Iveco prend seul le
contrôle du groupe. Dernier acte en 2013 avec un
nouveau changement de nom : Irisbus devient Iveco-Bus
et est actuellement le deuxième constructeur de cars au
monde.
Pendant ce temps, Joseph Besset s'était éteint dans
l'anonymat en 1959 à Mèze sur les bords des étangs du
Languedoc.
Alain Lecuyer
La création de l'Espace Joseph Besset, musée du
charronnage au car, est due à la collaboration d'une
association (La Vanaude) et d'une municipalité (Vanosc,
petite commune du Nord Ardèche proche d'Annonay).
Au début des années 80, l'association La Vanaude,
association culturelle du village de Vanosc, s'est vu
confier des outils de charronnage par la famille de
M. Alphonse Landy, charron à Vanosc, maître
d'apprentissage du jeune Joseph Besset. Ces outils ont été
précieusement conservés dans l'idée d'ouvrir un musée
du charronnage.
La rencontre avec André Besset, fils benjamin de Joseph,
va être elle aussi décisive et faire germer l'idée d'une
exposition retraçant le parcours professionnel du jeune
charron devenu carrossier.
La famille Besset va permettre de réunir des documents
d'époque ainsi que des souvenirs précis sur Joseph et son
usine.
L'association et la municipalité décident d'unir leurs
efforts pour ouvrir le musée « Du charronnage au car »,
musée retraçant l'œuvre de Joseph Besset, enfant du
pays. Ce sera chose faite à l'été 2001.
En 2009, la Communauté de Communes du Bassin
d'Annonay prendra le relais de la commune.
La collection du musée prend de l'ampleur. Après les
documents, photos et pièces de charronnage, la Vanaude acquiert des cars. Certains sont offerts ou prêtés par des
autocaristes, d'autres sont achetés car pièces uniques de
collection, véritable « patrimoine roulant », ces véhicules
sont tous représentatifs d'une période de la vie de l'entreprise
annonéenne de cars. Certains véhicules sont parfois
en excellent état de conservation, d'autres sont pratiquement
en état d'épave.
L'association
décide de les
remettre en état pour pouvoir
les présenter
au
public. Toute
une équipe de
bénévoles,
aidés par des
professionnels
(carrossiers,
peintres,
mécano...),
eux aussi
bénévoles, se met à l'ouvrage et les épaves redeviennent
comme neuves, tout en gardant leur cachet d'origine.
Ainsi sont rénovés des véhicules de 1935, 1947, 1955,
1975...
Les collections du musée sont réparties sur deux sites.
Le premier site a été ouvert en 2001 dans le village, sur
la route de Burdignes. Un atelier de charron reconstitué
avec sa forge montre comment les apprentis charrons
apprenaient à réaliser des roues de chars et charrettes.
Le musée expose de nombreux outils provenant de
l'atelier d'Alphonse Landy, ainsi que des machines-outils
d'époque, utilisées par les charrons, telles que : tour à bois,
copieur à rais, dégauchisseuse - mortaiseuse, cintreuse...
Des documents et photographies des années 20 aux
années 80 montrent l'évolution du métier de carrossier de
l'ère artisanale à l'ère moderne dans les ateliers
d'Annonay.
Une salle vidéo permet au public de revivre l'aventure de
Joseph Besset, du charronnage au car. Le musée consacre
une salle à l'exposition de maquettes et modèles réduits
de cars anciens et modernes du monde entier.
En juillet 2007, un deuxième site est ouvert.
Sur ce lieu de 1 000 m² sont exposés des pièces de
charronnage (jardinière, charrette à bras, calèche) et des
véhicules de l'ère artisanale à l'ère industrielle : voiture
Rolland Pilain de 1929, Citroën P32 de 1935, Citroën P45
de 1947, Isobloc de 1943, de 1951 et 1955, autocar
Chausson, des cars et bus Saviem dont un SC 10 et un
S45, et Renault V.I. des années 70 et 80.
Muriel Bonijoly
Tous renseignements sur : https://www.lavanaude.org/musee.htm
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