La cathédrale, la tour Saint-Michel et une partie de la ville haute |
Viviers, « capitale du Vivarais », « troisième secteur sauvegardé de la Région Rhône-Alpes », « résidence des évêques depuis le ve siècle » , « véritable musée d'architecture à ciel ouvert », voilà ce que disent les guides touristiques. Mais j'ajouterai : « Viviers la mystérieuse » qui ne se livre qu'au visiteur averti et curieux et « Viviers la belle endormie » qui aurait tant besoin de mécènes pour l'aider à retrouver son éclat d'antan. Elle possède neuf monuments classés et huit monuments inscrits à l'Inventaire des Monuments historiques. Les Vivarois possèdent un trésor, mais ne savent pas l'apprécier et le mettre en valeur.
Le Séminaire qui reçoit aujourd'hui les groupes en visite
ne fut pas le premier établi à Viviers. Un autre établissement
avait été fondé près de la cathédrale,
en 1650, par
Mgr de Suze, afin de faire face à la fois
au manque de connaissances du clergé et afin de remédier à l'avancée
des idées protestantes. À la suite de l'incendie de 1772, il
fut décidé d'élever le nouveau bâtiment en dehors
de
l'enceinte de la ville. Seule la
partie centrale avec ses 141
chambres fut construite alors
et fonctionna de 1785 jusqu'à
la Révolution.
L'évêque Charles de La Font
de Savine ayant prêté le serment
constitutionnel, les directeurs
et séminaristes refusèrent
de l'imiter et durent quitter
Viviers. En 1793, le Séminaire
devint un lieu de réclusion
pour les prêtres réfractaires.
Puis l'évêché de Viviers se
trouva rattaché à celui de
Mende, en Lozère, à partir de
1802 et la ville perdit sa suprématie
religieuse. Un ancien
directeur, l'abbé Vernet, parvint
néanmoins à le racheter.
C'est en 1823 que l'évêché de
Viviers fut enfin rétabli et que
le Séminaire put fonctionner à
nouveau. On construisit ensuite
l'aile gauche, dite de philosophie,
puis l'aile droite qui
abrita la chapelle et une vaste
bibliothèque.
Mais les lois de séparation des Églises et de l'État
de 1905 obligèrent à nouveau les séminaristes à quitter
les lieux
qui devinrent un camp de réclusion pour des suspects
alsaciens. C'est en 1924 que l'établissement, racheté grâce à Auguste
Pavin de Lafarge, put enfin rouvrir ses portes. Depuis 1977 l'établissement
reçoit
des groupes venant suivre des stages, des sessions ou des... séminaires.
La chapelle à nef unique, toute en pierres de Saint-Paul-Trois-Châteaux,
est l'oeuvre de Vincent Gougeon. Les voûtes retombent par une corniche
sur l'ensemble des colonnes et chapiteaux. Des pilastres, colonnes et soubassements
de marbre noir et rose décorent le ch&oelig ;ur. Le
pavage est constitué par une belle mosaïque. Dans le
fond de la chapelle, la tribune accueillait les familles lors
des ordinations. Une plaque rappelle la béatification du
père de Foucauld qui y fut ordonné prêtre en 1901 et
les cérémonies qui eurent lieu à cette occasion en 2004.
L'ancien cimetière se trouve non loin de la chapelle ; il
abrite les dépouilles des prêtres et séminaristes décédés
ici et, face à l'entrée, la tombe de l'abbé Vernet (1760-
1843) qui consacra sa vie à l'œuvre du Séminaire.
Viviers fut entouré d'une double couronne de remparts délimitant la ville basse des artisans, commerçants et notables, de la ville haute, uniquement religieuse, qui abritait le quartier canonial. Une partie du rempart de la ville basse avec sa tour du quatorzième siècle se déploie encore sur la droite en descendant la rue. Puis nous découvrons les vestiges de la plus grande des six portes de la ville, la porte Riquet, où sont encore visibles la rainure qui guidait la herse et dans le mur, à l'étage, l'ancienne porte d'accès à la partie haute de la porte.
La maison des chevaliers |
Après le passage sous un « pontet » décoré de
fenêtres trilobées,
nous parvenons devant la fameuse « Maison des Chevaliers ».
Elle fut la propriété de Noël Albert, commerçant
enrichi par le commerce du sel sur le Rhône, qui fit refaire en 1546
la façade de
sa maison « à l'antique ».
Suivant les prescriptions de la
Renaissance, les étages
s'ornent de colonnes doriques, ioniques puis composites,
les fenêtres, encore à meneaux, sont encadrées de
pilastres. Les étages sont séparés d'abord par des
médaillons à visages qui encadrent un blason surmonté
d'un heaume, puis par une magnifique représentation de
tournois de chevaliers et enfin par des rinceaux de
feuillages. Nous ne voyons que la façade, mais la demeure
avec ses deux cours intérieures successives et ses
quatre étages est immense. L'escalier intérieur est peint
avec des figures de prophètes et se prolonge au-dessus
des toits par une tour de prestige.
Noël Albert, après avoir été le bailli de l'évêque,
passa soudain au protestantisme et à deux reprises ses troupes
investirent la cathédrale, d'abord pour des pillages sacrilèges
en 1562 et ensuite, en 1567, alors qu'il possédait le
commandement de la ville, pour des destructions importantes.
L'année suivante, après la signature de l’Édit
de Pacification, il refusa de rendre le commandement de la
ville. Il fut alors arrêté et conduit à Toulouse pour
y être
jugé ; le jour même il fut condamné et
exécuté...
Sur l'actuelle place de la République, une maison donna en 1642 l'hospitalité à Richelieu qui souffrant d'un ulcère au bras se faisait porter sur un lit par six serviteurs. L'escalier, en vis à cette époque, ne permettant pas l'accès du lit au premier étage, une grande ouverture fut faite dans la façade et un pont de bois permit aux porteurs de son lit d'accéder à sa chambre.
Maison des chavaliers - Détails de la façade |
Peinture dans l'hôtel de Lestrade (Cliché Y. Leclère) |
Cette construction importante date du xiiie siècle et se dresse au fond de la place. Elle servit de maison des consuls ainsi que de caserne et de prison à partir de 1767. La façade latérale conserve des fenêtres du xvie siècle, une belle porte cloutée avec larmier, une élégante fenêtre géminée et le haut de l'ouverture de la prison qui se trouve enterrée à cause du dénivelé de la rue. L'intérieur de l'hôtel renferme un escalier en vis dont la moitié supérieure est encore peinte, une cheminée xvie siècle, des cheminées xviiie siècle et surtout, dans une pièce du premier étage, des peintures de la fin du xiiie siècle retraçant la parabole du Fils prodigue.
La rue du Château ne mène à nul château, mais au quartier canonial, établi peut-être sur un ancien castrum romain. Depuis la base d'un escalier établi à la fin du xixe siècle, on peut apercevoir le mur de la ville haute, percé de la belle fenêtre Renaissance d'une maison de chanoines. Quelques mètres plus haut sur la droite, la façade d'une maison fin xve siècle présente l'ancienne porte d'accès, murée, à un mètre de hauteur et une belle fenêtre à demi-croisée, surmontée d'un larmier qui retombe sur deux culots sculptés.
Et nous arrivons à la porte de la Gache, (de l'occitan gachia, le gardien) porte d'entrée du quartier canonial ouverte au xive siècle ; elle est surmontée d'une bretèche. Face à cette porte, un petit local exposant maquettes, photos et documents permet de mieux comprendre ce qu'était un quartier canonial et la façon dont la vie s'y déroulait.
La tour-porte s'offre ensuite aux yeux étonnés des visiteurs. Elle fut construite en trois périodes. Au xie siècle les chanoines décidèrent de faire une porte d'entrée monumentale pour leur quartier en la surmontant de la chapelle Saint-Michel ; non visitable, elle possède une coupole recouverte de multiples sculptures. Au xiie siècle, la tour fut surélevée afin d'en faire un clocher où les cloches ne prirent place que plus tard. Puis au xive siècle la guerre de Cent Ans obligea à se fortifier et le dernier étage polygonal fut réalisé : créneaux et meurtrières cruciformes y furent établis, de même qu'au balcon formé au premier étage par la chapelle, balcon nommé « la Bramardière » puisque le guetteur devait y « bramer » en cas de danger.
La tour porte Saint-Michel |
Sur la gauche de la tour-porte, elle enjambe la rue de Châteauvieux et domine l'escalier qui monte à la cathédrale. Elle fut construite au xiiie siècle pour le chanoine Pons de Sampzon et modifiée au xvie siècle par l'adjonction de galeries autour de la cour. La tour de la demeure abrite un bel escalier en vis et les façades présentent des fenêtres à demi-croisées. Un système de canalisations en pierre permettait la récupération des eaux de pluie dans la citerne qui trône toujours au milieu de la cour. Cette maison fut épargnée par les Protestants lors de leurs destructions en 1567, car le chanoine Antoine de Castilhon, propriétaire à cette époque, avait des parents huguenots.
Le chevet de la cathédrale |
La cathédrale fut consacrée en 1119 ou 1120, sous l'évêque Léger, par le pape Calixte II. C'était une église à trois nefs dont la voûte était soutenue par six piliers cruciformes. On reconnaît les arcs romans des bas côtés de chaque côté de l'orgue. Les murs latéraux ont conservé les grands arcs de décharge en plein cintre avec leurs baies étroites.
Le chevet primitif était une abside en cul-de-four, mais un déambulatoire permettait l'accès à des chapelles rayonnantes, toujours visibles de l'extérieur. L'évêque Claude de Tournon (1498 -1542) entreprit la modification du chœur en se servant du mur du déambulatoire pour faire élever le magnifique chœur gothique flamboyant que l'on admire aujourd'hui. En 1562, lors d'une première incursion, les Protestants se livrèrent au pillage ; mais en 1567 ils revinrent, déterminés à tout détruire. Ils saccagèrent le quartier canonial, violèrent les tombeaux, dont celui de Claude de Tournon, et abattirent les voûtes de la nef. Puis un maçon s'attaqua à la clé de voûte du chœur afin de le faire effondrer ; il glissa malencontreusement et se tua, ce qui arrêta les destructions et permit la conservation de ce chœur remarquable. Les travaux débutèrent en 1598 : le reste des voûtes de la nef fut abattu ainsi que les piliers afin d'obtenir un vaste espace unifié ; les murs latéraux furent surélevés, mais faute de moyens, on établit un lambris sous charpente. Ce n'est qu'en 1758 que le lambris fut remplacé par la très belle voûte de pierre dite en stéréotomie, œuvre de Jean-Baptiste Franque.
Voûte du chœur |
Voûte de la nef en stéréotomie (Jean-Baptiste Franque 1758) |
Marqueterie de marbre de l'autel |
Le maître-autel de marbre blanc incrusté de marbres polychromes fut réalisé par des marbriers italiens en 1727. Les stalles sculptées en noyer datent du xviie siècle. Les tapisseries des Gobelins, en laine et soie, ornent le chœur ; elles représentent des scènes religieuses, mais il manque la Cène volée et jamais retrouvée. En sortant de la cathédrale, à gauche, le bâtiment qui borde la place Saint-Jean fut l'ancienne demeure des évêques et devint séminaire en 1650, puis maîtrise jusqu'aux environs de 1970. La descente vers la ville par la porte de l'Abri, qui offre un beau panorama, permet le passage des voitures. En empruntant le chemin de ronde, on contourne la cathédrale en admirant l'extérieur du chœur, véritable dentelle de pierre, ainsi que les chapelles rayonnantes conservées.
Cette place où se trouvaient autrefois tous les bâtiments communs aux chanoines est bordée par la chapelle Saint-Clair, construite à l'endroit du cloître disparu qui communiquait avec la cathédrale. Appuyée au mur de la cathédrale, une tourelle abrite l'escalier qui permet de monter à la galerie extérieure du chœur de la cathédrale, mais l'accès n'est pas public. Le bâtiment moderne de l'ancien couvent Saint-Roch occupe tout le fond de la place ; les religieuses étaient des sœurs soignantes et garde-malades qui s'activaient auprès de la population vivaroise.
C'est un lieu de promenade privilégié qui domine toute la ville et offre de belles échappées sur le Rhône tout proche, les ruines de Châteauneuf et au loin le Vercors. En s'approchant du mur d'enceinte de droite, on voit que la ville est bâtie à même la roche. On domine le chemin de la Brèche. C'est depuis ce chemin qu'en 1576 une troupe protestante escalada le rocher à l'aide d'une échelle de corde lancée par un traître. à l'extrémité de ce belvédère, c'est la vue sur la place de la Roubine, ex-quartier des tanneurs avec les « chauchières », fosses à tanner le cuir et les coyrateries, tours percées d'ouvertures où séchaient les pièces de cuir.
Hôtel de Beaulieu |
De là, le regard aperçoit les carrières et l'usine Lafarge proches du Teil. Nombre de Vivarois et habitants des environs y furent embauchés à partir du milieu du xixe siècle. Du côté gauche du promontoire, la masse énorme du Séminaire et celle moins massive de l'Hôpital se détachent des constructions. La maison des Chevaliers offre sa façade sculptée, dominée par une tour rectangulaire qui permettait sans doute à Noël Albert d'aller surveiller les environs lorsqu'il n'avait pas la conscience tranquille. Il faut ensuite revenir sur nos pas et obliquer à droite afin de passer sous le bâtiment de l'ancienne viguerie. Du haut d'une ouverture pratiquée dans le rempart, un escalier, qui n'existait pas à l'origine, descend à la ville. Nous le dépassons et poursuivons sous la voûte pour trouver à notre gauche une fenêtre grillagée qui est celle de la cave où les soldats protestants enfermèrent les chanoines après les avoir dévalisés, en 1576, et que les habitants vinrent délivrer plus tard. La porte suivante est celle de la chapellenie de Preciosa, où se trouve cette cave. Dans la cour de cette maison subsiste le système de récupération des eaux de pluie dans une citerne toujours en place ainsi que la rigole pour l'évacuation dans la rue. Par cette rue, de Chateauvieux nous regagnons la porte de la Gache et obliquons à gauche pour rejoindre la Grande rue. à notre gauche, le vaste hôtel particulier de Beaulieu, au balcon de ferronnerie et aux agrafes feuillagées des fenêtres. Puis nous arrivons à l'évêché actuel.
Hôtel de Roqueplane (évêché actuel) |
Ce bâtiment fut construit à partir de 1734 par l'architecte Jean-Baptiste Franque pour Pierre de Roqueplane, receveur des tailles du Vivarais. Il devint mairie en 1947, puis en 1986 le maire et l'évêque s'entendirent pour échanger leurs demeures respectives. C'est un bel hôtel particulier entre cour et jardin, la forte pente sur la gauche a été rachetée par la construction de trois terrasses étagées avec des dépendances en soubassement. La façade présente sept travées avec un avant-corps central ; un escalier double mène au perron surmonté d'un balcon, les fenêtres sont ornées d'agrafes. à l'arrière, le balcon est soutenu par des atlantes et une console au masque d'Hercule. Au centre du fronton du sommet trône une allégorie du Rhône. Lors de l'échange, c'est l'ancienne cuisine à l'imposante cheminée que l'on choisit de transformer en chapelle et ce fut la proposition d'aménagement de Jacques Priolleau qui fut retenue. Les parties importantes pour la liturgie (tabernacle, autel, ambon) sont soulignées de blocs de travertin. L'ensemble est sobre mais tout en symboles.
Palais épiscopal (Hôtel de Ville actuel) - Salon italien (Cliché Yvonne Leclère) |
À partir du xive siècle, les évêques avaient pris l'habitude de ne plus résider à Viviers, mais dans les châteaux qu'ils possédaient aux environs, puis surtout dans leur palais de Bourg-Saint-Andéol. Si bien que l'évêque, Mgr Renaud de Villeneuve, fut prié par le pape de faire sa résidence habituelle à Viviers. Comme l'hôtel de Roqueplane, c'est un vaste édifice entre cour et jardin qui occupe le fond de la cour d'honneur, l'aile gauche était destinée aux cuisines et aux galetas des serviteurs. Une aile droite, prévue mais non réalisée, devait recevoir la chapelle et une serre. Le vestibule dont la voûte présente une savante stéréotomie précède la salle à l'italienne. D'une hauteur d'un étage, cette salle est surmontée d'un balcon destiné à accueillir les musiciens lors des réceptions. Elle est ornée de peintures à la détrempe sur plâtre, en camaïeu de gris bleu ou de gris vert, représentant des scènes de l'ancien Testament, des allégories ou des représentations mythologiques ; de larges guirlandes de rinceaux, de fleurs, de feuillages aux tons gais les encadrent. Des salons aux précieux parquets récemment restaurés font suite à cette salle. Actuellement, le bâtiment abrite également l'association CICP (Centre International Construction et Patrimoine, ex Patrimoine Vivarois) et Cavajazz . S'y est installé récemment un responsable, en charge du futur Pays d'Art et d'Histoire.
(nom donné en mémoire de Blanche de Causans, épouse décédée prématurément de Raphaël de Lafarge)
La visite se poursuit par une visite de la cité Blanche,
ancienne cité ouvrière Lafarge où les premiers logements
furent construits en 1880, puis les seconds en 1913. Ce fut
une « ville dans la ville » avec église, écoles, hôpital, boutiques.
Les ouvriers se retrouvaient au Cercle Saint-Léon.
Tout était organisé pour les loisirs, patronage, cours du
soir, équipe de foot, jeux de boules... Un système d'aide
sociale avec caisse de secours, caisse de retraite, soins
gratuits... fut rapidement mis en place. Avec la mécanisation,
les besoins en personnel devinrent de moins en
moins importants et la cité se dépeupla progressivement,
mais il reste encore quelques occupants qui ne veulent
pas la quitter.
Un projet de réhabilitation est en cours, mais dont nous
ne connaissons ni l'importance, ni la date de mise en
œuvre. Le CICP a posé sa candidature pour y occuper
les lieux restaurés, de même que d'autres associations en
rapport avec le patrimoine, la pierre, la construction1.
Le film projeté ensuite, Les enfants de la Cité
Blanche, est un documentaire de France Bonnet
et Kamel Chérif.
« Ce film relate à travers plusieurs générations le
vécu d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont
formé une communauté au sein de la cité ouvrière
de Lafarge, à Viviers, en Ardèche... »
1- Depuis, une exposition sur la pierre, la chaux, le ciment, sur l'histoire de Lafarge et de sa cité, et sur le carreau-mosaïque a vu le jour. Elle se trouve dans le bâtiment de 1913. Pour visiter, sur rendez-vous : yvonne.leclere@orange.fr
D'avril à octobre, l'Office de Tourisme de Viviers organise des visites industrielles sur le site de l'usine, complétées par la découverte de la Cité Blanche.
Présentation plus détaillée de la Cité Blanche
Le pont romain (Cliché Yvonne Leclère) |
Daté du iie ou iiie siècle, il enjambe l'Escoutay, petite rivière de type méditerranéen, née à Saint-Jean-le-Centenier. Long de 100 mètres, il possède onze arches, mais sans doute douze ou treize à l'origine. Sous les arches du milieu, la structure romaine est encore visible : des rouleaux de pierres plates, séparées par un cordon de fragments de briques. En amont, les piles du pont présentent des avant-becs sans doute d'origine médiévale. Quelques arches ont été remaniées ou remplacées, car il a connu au cours des siècles de nombreuses crues. Ce pont était emprunté par la voie romaine qui longeait la rive droite du Rhône et traversait Viviers. Selon certains auteurs,2 il s'en détachait un itinéraire qui gagnait Alba par les collines, chemin qui fut ensuite très fréquenté par les muletiers avec leurs chargements de sel, de vin et autres denrées approvisionnant la Montagne. Les écrits du XVIIe siècle abondent en récits de crues et de leurs ravages. Plus récemment des épis ont été construits dans le lit, des enrochements pratiqués sur les berges, mais l'été l'Escoutay est souvent à sec et alors il n'alimente plus le Rhône au port de Viviers.
2- C'était le cas de l'abbé P. Arnaud, auteur de l'ouvrage Voies romaines en Helvie. En revanche, René Rebuffat pense qu'il n'y avait pas de voie romaine longeant l'Escoutay entre Viviers et Saint-Thomé. Pour lui, Alba était reliée au Rhône par les quatre itinéraires suivants : d'abord la voie d'Antonin le Pieux qui aboutissait au Teil par la vallée du Frayol ; ensuite par Saint-Thomé et le plateau de Bayne (itinéraire reconnu aussi par l'abbé Arnaud), aboutissant à Saint-Montan avant de rejoindre Bourg-Saint-Andéol ; enfin une voie passant par la Vallis vinaria, Gras et Rimouren où elle se divisait en deux branches, l'une vers Bourg (Bergoiata), l'autre vers Saint-Just (Lagermate). Cf. Rebuffat R., « Les voies romaines de la Basse Ardèche », Mémoire d'Ardèche et Temps présent, cahier 66, 15 mai 2000.
Yvonne Leclère
(Visite de la Sauvegare août 2009)
Impossible de quitter Viviers sans rendre un hommage à ses
deux sentinelles médiévales qui tombent en
ruine dans la plus totale indifférence : la tour Saint-Martin
et le château fort de l'Ourse.
Ces deux monuments sont pourtant parfaitement
visibles et sont si bien intégrés au paysage
que, sur les millions d'automobilistes qui défilent
chaque année
devant eux, peu seraient capables de dire qu'ils existent.
Tour Saint-Martin |
Vestiges du château fort de l'Ourse |
Située au nord-ouest de la ville, perchée sur une colline dominant la vallée de l'Escoutay, elle surplombe le site paisible de la chapelle Saint-Ostian. Il semble d'ailleurs que la première dédicace de la chapelle ait été à saint Martin et la tour a conservé ce nom.
Datée approximativement du xiiie siècle
et appelée anciennement « tour des rochers »,
elle est citée dans un acte de 1394. Une lithographie de 1834
la montrerait encore crénelée (lithographie de Villeneuve
et Thierry frères), mais je cherche vainement depuis longtemps à accéder à ce
document faisant partie d'archives privées.
On la voit de loin et longtemps en descendant d'Alba pour rejoindre Viviers.
Elle faisait partie de ces tours de guet nombreuses au Moyen-Âge situées
en des points stratégiques faisant office de surveillance et de défense.
Elle est en ruine à la fin du xixe siècle.
Elle mériterait d'être sauvée mais, vu son état,
il y a urgence au moins pour stopper le processus de dégradation. On
a pourtant bien sauvé la Tour de Brison !
Situé à l'opposé au sud de la ville, au bord de la RD 86, sa date de construction est tout aussi incertaine que pour la tour Saint-Martin et située environ au xiiie siècle.
Il conserve un rôle militaire jusqu'à la fin du xvie siècle. En 1582 les États du Vivarais décident son démantèlement. L’inventaire du canton de Viviers parle d'une construction carrée qu'il pense être une tour mais semblerait plutôt être la citerne, et d'une pièce voûtée en berceau actuellement enterrée.
Pour le simple voyageur qui arrêtera sa voiture au pied
des ruines, il verra un grand mur : la partie est de l'enceinte,
percée de deux meurtrières. À l’avant une
rampe d'accès et son mur de soutènement et un détail
d'architecture qui semble être un dispositif de défense
de la porte. Le château est privé et totalement envahi
par la végétation.
Il fait partie de cette longue chaîne de
forteresses médiévales qui jalonnent les bords du Rhône
tout au long de son cours (comme le Rhin ou le Danube) en des points
stratégiques réutilisant parfois des sites bien antérieurs.
Le génie de leurs constructeurs réside dans leur façon
d'implanter ces édifices sur le relief existant en intégrant celui-ci
par endroit comme défense naturelle (ici au niveau du promontoire est).
Christiane Bernard (Texte et photographies)
Cité Blanche - Les bâtiments de 1913 |
La cité Blanche se développe sur 190 mètres, le long du Rhône, entre le fleuve et un boulevard promenade qui comportait des aires de jeux de boules et de quilles. De part et d'autre d'un corps central, faisant saillie sur la façade est (le Cercle Saint-Léon), se développent les logements. Chaque famille disposait d'un rez-de-chaussée, de deux chambres à l'étage et d'un grenier. Tous les sept logements, s'élevait un logement de contremaître, avec une chambre supplémentaire dans les combles.
La façade arrière donnait sur des petits jardins potagers à la
disposition des familles, et du côté Rhône, des dépendances
: lieux d'aisances, poulaillers, clapiers.
Pour scolariser les enfants des ouvriers, deux écoles furent
fondées près de l'usine, l'effectif des élèves tournant
autour de 200. Fut construit aussi, au bord de la route, un hôpital auquel
on ajouta ensuite une maternité.
Des magasins furent ouverts, où les familles pouvaient s'approvisionner : boulangerie,
boucherie, coopérative... La cité devint « une
ville dans la ville »
Au centre des bâtiments, le cercle Saint-Léon faisait saillie
sur la façade, précédé d'un portique avec pergola.
Les ouvriers pouvaient s'y retrouver et y boire des boissons non alcoolisées,
lire les journaux ou jouer à des jeux de société.
À partir de 1890, les femmes purent être employées à la
sacherie où se pratiquait le raccomodage des sacs en jute. Le bâtiment
conservé date de 1910.
Une seconde cité, plus importante, fut
construite en 1913, face à la
première. Elle présente une façade à cinq niveaux,
partagée en travées. Chaque travée est marquée
par un escalier extérieur qui conduit au premier étage. Les rez-de-chaussée
sont consacrés aux espaces de rangement et de réserve.
Une première chapelle fut construite au bord de la route en 1868.
Elle présentait un aspect pseudo médiéval, avec de faux
mâchicoulis en façade. Trop proche des carrières, elle fut détruite
et remplacée en 1923 par une nouvelle église bâtie face
au cercle Saint-Léon.
Cité Blanche : le cercle Saint-Léon |
Après la mécanisation de l'usine et de la
carrière, le besoin de main-d'œuvre est allé en diminuant,
l'effectif des ouvriers s'est progressivement réduit. La transformation
du mode de vie avec la facilité de transport que donne la voiture
individuelle a fait que les ouvriers n'étaient plus contraints
de demeurer sur place et que la cité a perdu son rôle social.
Seules cinq personnes habitent encore dans la partie la plus récente
de la cité. Certains bâtiments ont été démolis :
l'hôpital, la maternité, les écoles. Si le bâtiment
d'habitation le plus récent paraît encore en bon état,
en revanche le plus ancien est très menacé. Il y a quelques
années, la direction de Lafarge, confrontée à des
problèmes de squatt s'est vue obligée de murer portes et
fenêtres.
Il existe depuis 1995 une protection des Monuments historiques sur l'ensemble
de la cité.
Yvonne Leclère (Texte et photographies)