On trouvera ci-dessous un texte extrait de l’ouvrage « Visites à travers
le patrimoine ardéchois », de François Malartre et Michel Carlat,
paru en 1985. Il s’agit du compte rendu d’une visite faite par la
Société de Sauvegarde le 29 avril 1973. Ce texte a été rédigé à partir de renseignements
et notes communiqués par M. l’abbé de Camaret, M. l’abbé
Charay et Roger Ferlet. Nous pensons que, malgré son ancienneté, il est
d’un grand intérêt de par la description qu’il donne de l’édifice et le détail
des importants travaux de restauration réalisés dans les années 60.
Nous l’avons complété par une note de Frédérique Fournet qui revient
sur quelques détails architecturaux de l’édifice actuel.
Nous gagnons maintenant Mercuer, commune à l’habitat très dispersé dont l’église, presque isolée, va retenir notre attention. Nous sommes ici dans un édifice dont l’appareillage n’a pas dans son ensemble la qualité de celui visité le matin (Ailhon). Cependant, il a été classé il y a quelques années, alors que seule la façade l’était depuis 1934*. On ne peut que féliciter l’abbé de Camaret pour le travail qu’il a accompli.
* NDLR - Plus précisément, la façade est classée Monument historique depuis 1934 et le reste de l'édifice a été inscrit à l'inventaire supplémentaire en 1963.
Sur l’origine de l’église Saint-Loup de Mercuer, on dispose d’un célèbre document de base pour l’histoire religieuse et profane du diocèse de Viviers : c’est la charta vetus, recueil de documents constitué vers 950 par un évêque de Viviers, Thomas II, qui transcrivit dans ce cartulaire tous les documents qu ‘il avait trouvés dans les archives de sa cathédrale. L’église de Mercuer y est mentionnée pour la première fois. Elle fut cédée entre 1074 et 1081 à l’abbaye Saint-Chaffre du Monastier et dépendit par la suite du prieuré d’Ucel, lequel dépendait lui-même, depuis 1420, de Saint-Chaffre, et l’on peut établir un parallèle entre l’action des Montlaur qui ont colonisé temporellement la haute vallée de l’Ardèche jusqu’à Aubenas et celle des moines qui ont colonisé spirituellement toute cette même région.
À la porte de l’église, sous le retour de l’archivolte, à droite on lit une date, 1514, qui situe l’époque d’une large reprise de l’édifice au début du xvie siècle, mais effectuée encore dans l’esprit du style gothique, tardivement prolongé en Vivarais comme on pourrait en citer de nombreux exemples. Sur le premier pilier gauche de la nef centrale, on déchiffre une autre inscription qui commémore la fin des travaux : 1522.
A l’intérieur, on peut remarquer que les deux premières travées sont couvertes en berceau, mais l’appareillage de cette voûte n’est pas de bonne qualité et les piliers qui la supportent n’ont pas une allure romane caractérisée. On est en somme en présence d’une église remontant à l’époque romane, comme le prouvent quelques vestiges, mais qui a été par la suite maintes fois remaniée. Les bas côtés comportent des voûtes d’ogive dont les nervures retombent sur des consoles ornées, elles aussi, de blasons, de masques ou de têtes d’anges. Le chœur est beaucoup plus tardif et, vu de l’extérieur, n’est pas d’un joli dessin. On a eu le souci d’en améliorer l’aspect intérieur par une décoration en stuc à reliefs blancs sur fond bleu, d’époque Restauration vers 1820-1830.
À l’extérieur, on peut noter que la nef centrale est en saillie sur les bas-côtés. Elle se termine par une belle façade en pierres de taille régulièrement appareillées. Le portail est surmonté d’un clocher arcade qui est sans doute le plus beau clocher peigne du Vivarais en raison de l’élégante décoration gothique qui le couronne. Sur quatre arcades, une seule est pourvue d’une cloche ; une boutade populaire en a tiré un amusant jeu de mots : « L’église de Mercuer a quatre clochers et trois sans cloches ». Un escalier suit le rampant du pignon et permet d’accéder derrière les baies à un auvent soutenu par deux piliers de maçonnerie.
Des travaux de restauration ont été réalisés à partir de la fin de 1960. Les paroissiens ont fourni plus de 300 journées de travail bénévole pour décroûter les murs qui portaient jusqu’à 5 enduits successifs, dégageant peu à peu des détails architecturaux et des traces de peinture. En 1962, l’Administration acceptait la démolition d’une tribune édifiée en 1820 pour la Confrérie des Pénitents : trop avancée, elle écrasait le dernier tiers de la nef centrale ; après les critiques et les hésitations initiales, les Mercurois, à l’unanimité, ont été enchantés de découvrir la majesté de leur église.
Parmi les éléments anciens que les travaux ont permis de mettre au jour, nous pouvons citer :
Un mot sur les difficultés financières suscitées par ce beau travail : la commune, pauvre, n’a pu apporter qu’une modeste contribution, complétée par une aide de l’Assemblée départementale et surtout de l’Administration des Bâtiments de France. Ajoutons l’attribution à titre gratuit de 10 tonnes de chaux due à l’intervention de Mme Valette-Vialard, vice-présidente de la Sauvegarde.
Jean Oisel
Du point de vue architectural, l’église de Mercuer renferme de nombreux éléments témoignant de son évolution. Elle fut restaurée au milieu du xxe siècle, notamment au niveau de la toiture et par le ravalement de certains blocs ainsi que le rejointoiement au ciment de ses parements. Cette campagne a, très certainement par la même occasion, fait disparaître les enduits plus anciens à l’exception de la litre funéraire de la famille d’Ornano du xviie siècle.
Il est indéniable que le chevet est une des constructions les plus récentes de par sa forme extérieure semi-circulaire irrégulière et par la présence d’un stuc dans la voûte en cul de four surmontant des parois lambrissées. Cette construction semble être le remplacement d’une abside plus ancienne dont il subsiste quelques traces à l’extérieur et à l’intérieur. Tout d’abord du point de vue extérieur, il est possible de constater à l’amorce du récent chevet la présence de contreforts obliques dans les angles dont d’autres exemplaires se retrouvent compris dans la façade nord. Ces contreforts, au nord comme à l’est, sont associés à une architecture carrée pouvant correspondre à l’est à l’abside primaire et au nord à un bras saillant d’un hypothétique transept en l’absence d’une forme similaire dans la partie sud (dissimulée par le bâtiment ?). Toutefois ce « bras » nord fait face à une chapelle au sud s’ouvrant par le biais d’une arcade moulurée similaire et ne présentant pas d’anomalie dans son parement révélant ainsi sa présence initiale. Les transepts sont peu fréquents dans les édifices actuels, mais l’étude des églises médiévales (Larnas, Sauveplantade et notamment anciennement dépendantes de Saint-Chaffre, telles Montpezat, Faugères, …) démontre un usage fréquent de ces espaces très certainement important dans la liturgie pour ces édifices afin de permettre un office mixte entre religieux et simples fidèles ?
Il persiste, à l’intérieur, liées à l’abside primitive deux ouvertures, d’époque moderne, l’une au nord et l’autre au sud et une croisée d’ogive fonctionnant avec l’aménagement carrée de celle-ci délimité à l’ouest par un arc diaphragme brisé mouluré.
Le plan de l’édifice initial devait ainsi se rapprocher du plan centré, malgré l’organisation actuelle de la nef de dimension légèrement plus longue au vu de ses deux travées inégales, en dehors de la croisée de l’hypothétique transept.
La première travée en entrant, de dimension relativement modeste, (est-ce un agrandissement gothique postérieur en lien avec les inscriptions associées ?) comprend encore le témoignage de l’amorce d’ogives à mi-hauteur. La deuxième fut percée ultérieurement par deux arcades brisées moulurées fonctionnant avec les chapelles latérales associées. Elle conserve dans son mur sud la présence de l’arc d’une baie.
A l’origine très certainement isolées l’une de l’autre, les chapelles ainsi unies créaient deux collatéraux de largeur inégale. Sur les six chapelles pouvant être recensées, seule une n’est pas couverte d’une croisée d’ogives, produit d’un aménagement plus récent. Toutes les ogives reposent sur des culots moulurés représentant principalement des visages souvent joufflus.
Frédérique Fournet